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plus * qu’à fe lai (Ter entraîner au fil de l’eau lorfqu’elfe
s’eft raflàfiée ou chargée de proie; celle d’approprier fon
domicile & d’y faire un plancher, pour n’être point incommodée
de l’humidité; celle d y faire une ample pro-
vifion de poiffon, afin de n en pas manquer; & enfin la
docilité 6c la facilité de s’apprivoifer au point de pêcher
pour fon maître, Sc d’apporter le poiffon jufque dans la
cuifine. Tout ce que je fais, c eft que les loutres ne
creufent point leur domicile elles-mêmes, qu’elles fe
gîtent dans le premier trou qui fe préfente, fous les racines
des peupliers, des failles , dans les fentes des rochers,
& même dans les piles de bois à flotter; qu’elles y font
auffi leurs petits fur un lit fait de bûchettes & d’herbes;
que l’on trouve dans leur gîte des têtes 6c des aretes de
poiffon ; qu’elles changent fouvent de lieu ; qu’elles emmènent
ou difperfent leurs petits au bout de fix fontaines
ou de deux mois; que ceux que j’ai voulu priver cher-
choient à mordre, même en prenant du lait, 6c avant
que d’être affoz forts pour mâcher du poiffon ; qu’au bout
de quelques jours ils devenoient phis doux, peut-être
parce qu’ils étoient malades 6c foibles ; que loin de s’accoutumer
aifëment à la vie domeftique, tous ceux que
j ’ai eflàyé de faire élever font morts dans le premier
âge ; qu’enfin la foutre e f l, de fon naturel, fauvage 6c
çruelle ; que quand elle peut entrer dans un viv'er, elle
y fait ce que le putois fait dans un poulailler; qu’elle tue
* Vid. Gefher, Hifi. quad. pag. 6 8 j , ex Alberto, Bellonio, Scaligeta^
QJao magno, &ç,
beaucoup
d e l a L o u t r e . 13 7
beaucoup plus de poiffons qu’elle ne peüt en manger,
6c qu’enfuite elle en emporte un dans fà gueule.
Le poil de la loutre ne mue guère, fa peau d’hiver
efl cependant plus brune Sc fe vend plus cher que celle
d’été ; elle fait une très-bonne fourrure. Sa chair fe mange
en maigre, 6c a en effet un mauvais gofit de poiffon,
ou pluflôt de marais. Sa retraite eft-infeétée de la mau-'
vaife odeur des débris du poiffon qu’elle y {aiffo pourrir;
elle font elle-même affoz mauvais : les chiens la chaffont
volontiers Sc l’atteignent aifément, lorfqu’elle efl éloignée
dé fon gîte 6c de l’eau ; mais quand ils la fkififfent, elle fe
défend, les mord cruellement, Sc quelquefois avec tant
de force Sc d’acharnement, qu’elle leur brife les os des
jambes, Sc qu’il faut la tuer pour la faire démordre. Le
caflor cependant, qui n’efl pas un animal bien fort,
çhaffe la foutre, 8c ne lui permet pas d’habiter fur les
bords qu’il fréquente.
Cette efpèce, fans être en très-grand nombre, eft
généralement répandue en Europe, depuis la Suede juf-
qu a Naples, & fe retrouve dans l’Amérique fepten-
trionale * ; elle étoit bien connue des Grecs !), & fe
trouve vrai-fomblablement dans tous les climats tempérés,
fiir-tout dans les lieux où il y a beaucoup d’eau ; car la
foutre ne peut habiter ni les fables brûlans, ni les défèrts
arides; elle fuit également les rivières flériles 8c les neuves
trop fréquentés. Je ne crois pas qu’elle fe trouve dans
i V o y e z le v o y a g e de la H o n ta n , Tome I I , page 3 8.
1 Vide Anßotelem, Hiß. animal, üb. V I I I , cap- S •
Tome VII S