4 H i s t o i r e Na t u r e l l e .
d’individus vivans, que tous les animaux carnaffiers n en
dévorent. Ils ne font donc nuifibles que parce qu’ils font
rivaux de l’homme, parce qu’ils ont les mêmes appétits,
le même goût pour la chair, & que, pour fubvenir a un
befbin de première nécelfité, ils lui difputent quelquefois
une proie qu’il réfervoit à fes excès ; car nous fàcrifions
plus encore à notre intempérance, que nous ne donnons
à nos befoins. Deftruéteurs nés des êtres qui nous font
fubordonnés, nous épuiferions la Nature fi elle n’étoit
inépuifable, fi par une fécondité aufïï grande que notre
déprédation, elle ne fàvoit fe réparer elle - même & fe
renouveler. Mais il eft dans l’ordre que la mort ferve à ta
Vie, que la reproduction nailfe de la deftruction; quelque
grande, quelque prématurée que foit donc la depenfe de
l’homme & des animaux carnaffiers, le fonds, la quantité
totale de fubftance vivante n’eft point diminuée ; & s’ils
précipitent les deftruétions, ils hâtent en même temps
des naiffances nouvelles.
Lesanimaux qui par leur grandeur figurent dans I univers ,
ne font que la plus petite partie des fubftances vivantes ; la
terre fourmille de petits animaux. Chaque plante, chaque
graine, chaque particule de matière organique contient
des milliers d’atomes animés. Les végétaux paroiffent
être le premier fonds de la Nature ; mais ce fonds de fubfif-
tance, tout abondant, tout inépuifable qu’il eft, fiiffiroit
à peine au nombre encore plus abondant d infeétes de
toute efpèce. Leur pullulation, toute aufïï nombreufe &
fouvent plus prompte que la reproduction des plantes.
l e s ^An i m a u x CARNASSIERS. 5
iMîqueflfFéz'hrknbten ite font furâbondans '/ car les plantes
ik fe î reproduifent que- tous lesvans , il faut uïle=fàifon
entière pour en former la graine , au lieu que dans les
infeétes, & fur-tout dans les plus petites efpèçes, comme
celle des pucerons, une feule fàifon fiifïït à plufieurs
'générations;' Us multiplieroient donc plus que les plantes,
s’ils' n’étoient détruits par d’autres animaux dont ils pa-
roiffent être la pâture naturelle , comme les herbes & les
graines fembient être la nourriture préparée pour eux-
mêmes. Auffi parmi les infeétes y en a-t-il beaucoup qui
ne vivent que d’autres infeétes ; il y en a même quelques
efpèces qui, comme les araignées, dévorent indifféremment
les autres efpèces & la leur : tous fervent de pâture
aux oi féaux, & fes oiféaux domeftiques ôc fàuvages nour-
riffent l’homme, ou deviennent la proie des animaux
carnaffiers.
Ainfi la mort violente eft un ufàge prefque aufïï nécef-
fàire que la loi de la mort naturelle ; ce font deux moyens
de deftruélion & de renouvellement, dont l’un fert à
entretenir la jeuneffe perpétuelle de la Nature, & dont
l’autre maintient l’ordre de fes productions, & peut feul
limiter le nombre dans les efpèces. Tous deux font des
effets dépendans des caufes générales ; chaque individu
qui nait, tombe de lui-même au bout d’un temps; ou
lorfqu’il eft prématurément détruit par les autres, c’eft
qu’il étoit furabondant. Eh combien n’y en a-t-il pas de
flipprimés d’avance ! que de fleurs moiffonnées au printemps
! que de races éteintes au moment de leur naiflànce !