4.6 H i s t o i r e N a t u r e l l e
comme dans prefque toutes les autres efpècês, font à cet
égard plus précoces que les mâles.: ce qu’il y a de fûr,
c ’eft qu’elles ne deviennent en chaleur tout au plus tôt
qu’au fécond hiver de leur vie, ce qui fuppofe dix-huit
ou. vingt mois d’âge , & qu’une louve que j’ai fait élever
ri’eft entrée en chaleur qu’au troifième hiver, c ’eft-à-dire,
à plus de deux ans & demi. Les chaffeurs * aflurent que
dans toutes les portées il y a plus de mâles que de femelles;;
cela confirme cette obfervation qui paroît générale, du
moins dans ces climats, que dans toutes les elpèces, à
commencer par celle de l’homme, laNature produit plus
de mâles que de femelles. Ils difent aulfi qu’il y a des
loups qui dès le temps de la chaleur s’attachent à leur
femelle, l’accompagnent toujours, jufqu’à ce qu’elle foit
fur le point de mettre bas ; qu’alors elle fe dérobe, cache
foigneufement fes petits, de peur que leur père ne les
dévore en nailfant; mais que lorfqu’ils font nés, il prend
de i’affedion pour eux, leur apporte à manger, & que
fi la mère vient à manquer, il la remplace & en prend
foin comme elle. Je ne puis affûter ces faits, qui me
paroifïent meme un peu con tradi cio J r es. Ces animaux,
qui font deux ou trois ans à croître, vivent quinze ou
vingt ans; ce qui s’accorde encore avec ce que nous
avons obfervé fur beaucoup d’autres efpèces, dans lef-
quelies le temps de l’accroiffement fait la feptième partie
de la durée totale de la vie. Les loups blanchilfent dans
la vieillelfe, ils ont alors toutes les dents ufees. Us
* Voyez le nouveau traité de la Vénerie,page 276.
dorment lorfqu’ils font rafiafies ou fatigués, mais plus le
jour que la nuit, & toûjours d’un fommeil léger; ils
boivent fréquemment, & dans les temps de fécherelfe,
lorfqu’il n’y a point d’eau dans les ornières ou dans les
vieux troncs d’arbres, ils viennent plus d’une fois par
jour aux mares & aux ruiffeaux. Quoique très-voraces, ils
fupportent aifément la diète ; ils peuvent palfer quatre ou
cinq jours (ans manger , pourvu qu’ils ne manquent
pas d’eau.
Le loup a beaucoup de force, fur-tout dans les parties
antérieures du corps, dans les mufcles du col & de la
mâchoire. Il porte avec fa gueule un mouton, fans le
biffer toucher à terre, & court en même temps plus
vite que les bergers-, en forte qu il n y a que les chiens
qui puiffent l’atteindre & lui faire lâcher prife. II mord
cruellement,& toûjours avec d’autant plus d’acharnement
qu’on lui réfifte moins; car il prend des précautions
avec les animaux qui peuvent fe défendre. Il craint pour
lui & ne fe bat que par néceffité, & jamais par un mouvement
de courage: lorfqu’on le tire & que la balle lui
caffe quelque membre il crie, & cependant lorfqu’on
l’achève à coups de bâtons, il ne fe plaint pas comme
le chien; il efl plusJdur, moins fenfible, plusrobufte;
il marche, court, rode des jours entiers & des nuits; il
efl infatigable, & c’efl peut-être de tous les animaux le
plus difficile à forcer à la courfo. Le chien efl doux &
courageux ; le loup, quoique féroce, efl timide. Lorfqud
tombe dans un piège, il efl fi fort & fi long-temps