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particulières. Lorfqu’on noûs la préfente donc aujourd’hui
par des dénominations générales, c ’efl - à - dire,
par des genres, c ’eft nous renvoyer à l’A B C de toute
connoiffance, 6c rappeler les ténèbres de l’enfance des
hommes : l’Ignorance a fait les genres, la Science a
fait 6c fera les noms propres, 6c nous ne craindrons pas
d’augmenter le nombre des dénominations particulières,
toutes les fois que nous voudrons défigner des efpèces
différentes.
L ’on a compris 6c confondu fous ce nom générique
de Rat, plufieurs efpèces de petits animaux ; nous ne
donnerons ce nom qu’au rat commun qui eft noirâtre
6c qui habite dans les maifons, chacune des autres efpèces
aura fà dénomination particulière, parce que ne fe
mêlant point enfemble, chacune eft différente de toutes
les autres. Le rat eft affez connu par l’incommodité qu’il
nous caufe ; il habite ordinairement les greniers où l’on
entaffe le grain, où l’on ferre les fruits, 6c de-là def-
cend 6c fe répand dans la maifon. Il eft carnacier, 6c
même omnivore, il femble feulement préférer les chofes
dures aux plus tendres ; il ronge la laine, les étoffes,
les meubles, perce le bois, fait des trous dans les murs,
fe loge dans l’épaiffeur des planchers, clans les vuides
de la charpente ou de la bpiferie ; il en fort pour chercher
fà fiibfiftance, 6c fouvent il y tranfporte tout ce
qu’il peut traîner, il y fait même quelquefois magafin,
fur-tout lorfqu’il a des petits. Il produit plufieurs fois
par an , prefque toujours en été ; les portées ordinaires
font de cinq ou fix. Il cherche les lieux chauds, 6c fe
niche en hiver auprès des cheminées, ou dans le foin,
dans la paille. Malgré les chats, le poifon, les pièges,
les appâts, ces animaux pullulent fi fort qu’ils caufent
fouvent de grands dommages ; c ’eft fur-tout dans les
vieilles maifons à la campagne, où l’on garde du blé
dans les greniers, 6c où le voifinage des granges 6c des
magafins à foin facilite leur retraite 6c leur multiplication,
qu’ils font en fi grand nombre qu’on feroit obligé de
démeubler, de deferter, s’ils ne fe détruifoient eux-
mêmes ; mais nous avons vû par expérience qu’ils fe
tuent, qu’ils fe mangent entr’eux pour peu que la faim
les preffe ; en forte que quand il y a difette à caufe du
trop grand nombre, les plus forts fe jettent fur les plus
foibles , leur ouvrent la tête 6c mangent d’abord la
cervelle, 6c enfuite le refte du cadavre ; le lendemain la
guerre recommence, 6c dure ainfi jufqu’à la deftrucfion
du plus grand nombre ; c’eft par cette raifon, qu’il
arrive ordinairement, qu’après avoir été infefté de ces
animaux pendant un temps, ils femblent fouvent dilpa-
roître tout-à-coup, 6c quelquefois pour long-temps, Il
en eft de même des mulots, dont la pullulation prodi-
gieufe n’eft arrêtée que par les cruautés qu’ils exercent
entr’eux, dès que les vivres commencent à leur manquer.
Ariftote a attribué cette deftrucfion fiibite à l’effet
des pluies; mais les rats n’y font point expofcs, 6c les
mulots lavent s’en garantir ; car les trous qu’ils habitent
fous terre, ne font pas même humides.
Tome VIL Nn