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au mois d’avril: lorfqu’elle s’aperçoit que là retraite eft
découverte, & qu’en Ton abfence lès petits ont été inquiétés
, elle les transporte tous les uns après les autres, &
va chercher un autre domicile. Ils naiflènt les yeux fermés,
ils font, comme les chiens, dix-huit mois ou deux ans à
croître, & vivent de même treize ou quatorze ans.
Le renard a les fens aufii bons que le loup, le fendillent
plus fin, & l’organe de la voix plus fouple & plus
parfait. Le loup ne fe fait entendre que par des hurle-
mens affreux, le renard glapit,; aboie, & poulïè un Ion
trille, femblable au cri du paon; il a des tons différens
félon les fentimens différens dont il eft affrété ; il a la
voix de la chaffe, l’accent du defir, le fon du murmure,
le ton plaintif de la trifteffe, le cri de la douleur,, qu’il
ne fait jamais entendre qu’au moment où il reçoit un
coup de feu qui lui caffe quelque membre; car il ne
crie point pour toute autre bleffure, & il fe laiffe tuer à
coup de bâton, comme le loup, làns fe plaindre, mais
toûjours en fe défendant avec courage. Il mord dangereti-
fement, opiniâtrement, & l’on eft obligé de fe lervir
d’un ferrement ou d’un bâton pour le faire démordre,
Son glapiffement eft une efpèce d’aboiement qui fe fait
par des fons femblables & très-précipités. C ’eft ordinairement
à la fin du glapiffement qu’il donne un coup
de voix plus fort, plus élevé, & lèmblable au cri du
paon. En hiver, lùr-tout pendant la neige & la gelée, il
ne ceffe de donner de la voix, & il eft au contraire
prefque muet en été, C ’eft dans cette fàifbn que fon poil
tombe
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tombe & fe renouvelle ; l’on fait peu de cas de la peau des
jeunes renards, ou des renards pris en été. La chair du
renard eft moins mauvaife que celle du loup, les chiens Sc
même les hommes en mangent en automne, fur-tout iorfr
qu’il s’eft nourri & engraiffé de raifins, & là peau d’hiver
fait de bonnes fourrures. II a le lommeil profond, on l’approche
aifément làns l’éveiller: lorfqu’il dort, il fe met en
rond comme les chiens ; mais lorfqu’il ne fàit que fe repo-
fer, il étend les jambes de derrière & demeure étendu fur
le ventre : c ’eft dans cette pofture qu’il épie les oileaux le
long des haies. Ils ont pour lui une fi grande antipathie,
que dès qu’ils l’aperçoivent ils font un petit cri d’avertif-
fement: les geais, les merles fur-tout le conduifent du
haut des arbres, répètent louvent le petit cri d’avis, & le
fuivent quelquefois à plus de deux- ou trois cens pas.
J ’ai fait élever quelques renards pris jeunes: comme
Is ont une odeur très - forte, on ne peut les tenir que
dm s des lieux éloignés, dans des écuries, des étables,
ou '’on n’eft pas à portée de les voir fouvent ; & c’eft
peut-être par cette raifon qu’ils s’apprivoifent moins que
le loup, qu’on peut garder plus près de la maifon. Dès
I âge tfr cinq à lix in ois les jeunes renards couroicnü
après les canards & les foules, & il fallut les enchaîner.'
J en fis garder trois pendant deux ans, une femelle &
deux mâles : on tenta inutilement de les faire accoupler
avec des chiennes; quoiqu’ils içeuffent jamais ,vû de
femelles de leur elpèce, & qu’ils panifient preffés du
befoin de jouir, ils ne purent s’y déterminer, ils refusèrent
Tome V II. L