4.8 H i s t o i r e N a t u r e l l e
épouvanté, qu’on peut ou le tuer fans qu’il fe défende,
ou le prendre vivant fans qu’il réfifte; on peut lui mettre
un collier, l’enchaîner, le mufeler, le conduire enfuite
par-tout où l’on veut fans qu’il ofe donner le moindre
figne de colère ou même de mécontentement. Le loup
a les fens très-bons, l’oeil, l’oreille, & fur-tout l’odorat,
il fent fouvent de plus loin qu’il ne voit; l’odeur du
carnage l’attire de plus d une lieue ; il lent aulfi de loin
les animaux vivans, il les chalfe même alfez long-temps
en les fuivant aux portées. Lorfqu’il veut fortir du bois,
jamais il ne manque de prendre le vent ; il s’arrête fur
fa lifière, évente de tous côtés, & reçoit ainfi les émanations
des corps morts ou vivans que le vent lui apporte
de loin. Il préfère la chair vivante à la chair morte, &
cependant il dévore les voieries les plus infeéles. Il aime
la chair humaine, & peut-être, s’il était le plus fort,
n’en mangeroit-il pas d’autre. On a vu des loups fùivre
les armées, arriver en nombre a des champs de bataille
où l’on n'avoit enterré que négligemment les corps, les
découvrir, les dévorer avec une inlàtiable avidité ; & ces
mêmes loups, accoutumés à la chair humaine -, fe jeter
enfuite fur les hommes, attaquer le berger pluftôt que
le troupeau, dévorer des femmes, emporter des enfàns,
ôlc. L ’on a appelé ces mauvais loups, loups garoux * ,
c ’eft-à-dire, loups dont il faut fe garer,
On eft donc obligé quelquefois d’armer tout un pays
pour fe défaire des loups. Les Princes ont des équipages
* Voyez la chaflè du loup de Gallon Phoebus.
pour
pour cette chaffe, qui n’efl point delàgreable, qui eft
utile, & même néceflàire. Les chaffeurs diftinguent les
loüps en jeunes loups, vieux loups, & grands vieux loups,
ils les connoiflentpar les pieds, c’eft-à-dire, par les voies,
les traces qu’ils laiffent fur la terre : plus le loup eft
âgé, plus il a le pied gros ; la louve 1 a plus long & plus
étroit, elle a auffi le talon plus petit & les ongles plus
minces. On a befoin d’un bon limier pour la quête du
loup, il faut même l’animer, l’encourager, lorfqu’il tombe
fur la voie ; car tous les chiens ont de la répugnance
pour le loup, & fe rabattent froidement. Quand le loup
eft détourné , on amène les lévriers qui doivent le chafler,
on les partage en deux ou trois laiffes, on n en garde
qu’une pour le lancer, & on mène les autres en avant
pour fervir de relais. On lâche donc d’abord les premiers
à là fuite, un homme à cheval les appuie ; on lâche
les féconds à fept ou huit cens pas plus loin, lorfque le
loup eft prêt à pafler, & enfuite les troifièmes lorfque
les autres chiens commencent à le. joindre & à le harceler.
Tous enfemble le réduifent bien-tôt aux dernières
extrémités, & le veneur l’achève en lui donnant un
coup de couteau. Les chiens n’ont nulle ardeur pour
le fouler, & répugnent fi fort à manger de là chair,
qu’il faut la préparer & l’aflàifonner lorfqu’on veut
leur en fàire curée. On peut aulfi lé chafler avec
des chiens courans ; mais comme il perce toûjours
droit en avant, & qu’il court tout un jour làns être
Tome V IL O