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de terre iorfqu’il eft petit, & mulot lorfqu’il efh grand;
ainfi on fe fouviendra que la fouris de terre, ie rat faute-
relle, la ratte à la grande queue, le grand rat des champs |
le rat domeflique moyen, ne font que des dénominations
différentes de l’animal que nous appelons mulot.
Il habite, comme je l’ai dit, les terres, sèches &
élevées; on ie trouve en grande quantité dans les bois
& dans les champs qui en font voifins. Il fe retire dans
des trous qu’il trouve tout faits, ou qu’il fe pratique
fous des buiffons & des troncs d’arbres ; il y amaffe
une quantité prodigieufe de gland, de noifettes ou de
faine; on en trouve quelquefois jufqu’à un boiffeau dans
un feul trou, & cette provifion, au lieu d’être proportionnée
à fes befoins, ne l’eft qu’à la capacité du lieu ;
ces trous font ordinairement de plus d’un pied fous
terre, & 'Couvent partagés en deux loges, l’une où il
habite avec fes petits, & l’autre où il fait fon magafin.
J ’ai fouvent éprouvé le dommage très-confidérable que
ces animaux caufent aux plantations ; ils emportent les
glands nouvellement femés, ils fuivent le lillon tracé
par la charrue, déterrent chaque gland l’un après l’autre,
& n’en laiffent pas un : cela arrive fur-tout dans les
années où le gland n’eft pas fort abondant ; comme ils
n’en trouvent pas affez dans les bois, ils viennent le
chercher dans les terres Cernées, ne le mangent pas fur
le lieu, mais l’emportent dans leur trou, où ils i’en-
taffent & le laiffent fouvent fécher & pourrir. Eux fouis
font plus de tort à un femis de bois , que tous les
oifeaux
oifeaux & tous les autres animaux enfemble : je n’ai
trouvé d’autre moyen pour éviter ce grand dommage,
que de tendre des pièges de dix pas en dix pas dans
toute l’étendue de la terre Cernée ; il ne faut qu’une
noix grillée pour appât, fous une pierre plate foûtenue
par une bûchette ; iis viennent pour manger la noix
qu’ils préfèrent au gland ; comme elle eft attachée à la
bûchette, dès qu’ils y touchent, la pierre leur tombe
fur le corps & les étouffe ou les écrafe : je me fuis
fervi du même expédient contre les campagnols qui
détruifent auffi les glands ; & comme l’on avoit foin de
m’apporter tout ce qui fe trouvoit fous les pièges, j’ai
vu les premières fois, avec étonnement, que chaque
jour on prenoit une centaine, tant de mulots que de
campagnols, & cela dans une pièce de terre d’environ
quarante arpens : j’en ai eu plus de deux milliers en trois
femaines, depuis le iy novembre jufqu’au 8 décembre,
& enfuite en moindre nombre jufqu’aux grandes gelées,
pendant lefquelies ils fe recèlent & fe nourriffent dans
leur trou. Depuis que j’ai fait cette épreuve, il y a plus
de vingt ans, je n’ai jamais manqué, toutes les fois que
j’ai Cerné du bois, de me fervir du même expédient &
jamais on n’a manqué de prendre dés mulots en très-
grand nombre ; c ’eft fur-tout en automne qu’ils font en
li grande quantité, il y en a beaucoup moins au printemps
; car ils fe détruifent eux-mêmes pour peu que les
vivres viennent à leur manquer pendant l’hiver; les gros
mangent les petits. Us mangent auffi les campagnols,
Tome V II. T t