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 du reffort  de  nos  connoiffances,  nous  ne  jugeons  &  ne  
 pouvons  juger  des  chofes  que  par  les  rapports  qu’elles  
 ont  entre  elles;  ainfi,  toutes  les  fois  que  dans  une  méthode  
 on  ne  s’occupe  que  du  fujet,  qu’on  le  conlidère  
 feui  &  indépendamment  de  ce  qui  lui  reffemble &  de  
 ce  qui  en  diffère,  on  ne  peut arriver  à  aucune connoif-  
 fance  réelle,  encore  moins  s’élever  à  aucun  principe  
 général ;  on  ne  pourra  donner  que  des  noms  6c  faire  
 des defcriptions  de  la chofe & de toutes fes parties ;  auffi,  
 depuis  trois  mille  ans  que  l’on  difsèque  des  cadavres  
 humains,  l’anatomie  n’efl  encore qu’une  nomenclature,  
 &   à  peine  a-t-on  fait  quelques  pas  vers  fon  objet réel,  
 qui  eft  la  fcience  de  l’économie animale.  D e   plus,  que  
 de  défauts  dans  la  méthode  elle-même,  qui  cependant  
 devroit  être  claire  &  fimple,  puifqu’elle  dépend  de  
 l’infpedion & n’aboutit qu’à  des dénominations ! comme  
 l’on  a  pris  cette  connoiffance  nominale  pour  la  vraie  
 fcience,  on  ne  s’efl  occupé  qu’à augmenter,  à  multiplier  
 le  nombre  des  noms,  au  lieu  de  limiter  celui  des  
 chofes;  on  s’efl  appefanti  fur  les  détails,  on  a  voulu  
 trouver des différences où tout étoit femblable ;  en créant  
 de  nouveaux  noms,  on  a  cru  donner  des  chofes  nouvelles  
 ; on a décrit avec une exactitude minutieufe les plus  
 petites parties, 6c  la defcription  de quelque partie encore  
 plus petite,  oubliée  ou  négligée par  les  anatomifles  pré-  
 cédens, s’efl appelée découverte : les dénominations elles-  
 mêmes  ayant  fouvent  été  prifes  d’objets  qui  n avoient 
 les   A n i m a u x   c a r n a s s i e r s .  
 aucun  rapport  avec  ceux  qu’on  vouloit défigner,  n’ont  
 fervi  qu’à  augmenter  la  confiifion.  C e  que  l’on  appelle  
 TeJIes 6c Nat es  dans  le  cerveau,  qu’efl-ce  autre  chofe,  
 finon  des  parties  de  cervelle  fembiables au  tout,  6c  qui  
 ne  méritaient  pas  un  nom!  Ces  noms  empruntés  à  
 l’aventure ,  ou  donnés  par préjugé,  ont  enfuite  produit  
 eux-mêmes  de  nouveaux  préjugés  6c  des  opinions  de  
 hafard;  d’autres  noms  donnés  à  des  parties  mal  vues,  
 ou  qui  même  n’exifloient  pas,  ont  été  de  nouvelles  
 fources  d’erreurs.  Que  de fondions  6c  d’ufages n’a-t-on  
 pas voulu  donner à  la glande pinéale, à  l’efpace prétendu  
 vuide  qu’on  appelle  la  voûte dans  le  cerveau  ,  tandis que  
 l ’une n’efl  qu’une  glande,  6c  qu’il  efl  fort  douteux  que  
 l’autre  exifle,  puifque  eet  efpace  vuide  n’efl  peut-être  
 produit  que  par  la  main  de  i’anatomifle  6c  la méthode  
 de  diffedion !  * 
 C e   qu’il  y  a  de  plus  difficile  dans,  les  fciences  n’efl  
 donc  pas  de  connoître  les  chofes  qui  en  font  l’objet  
 d ired ,  mais  c’efl  qu’il  faut  auparavant  les  dépouiller  
 d’une infinité d’enveloppes dont on  les a  couvertes,  leur  
 ôter  toutes  les  fauffes  couleurs  dont  on  les  a mafquées,  
 examiner  le  fondement &  le  produit  de  la méthode  par  
 laquelle  on  les  recherche,  en  féparer  ce  que  l’on  y  a  
 mis  d’arbitraire,  &  enfin  tâcher  de  réconnoître  les  préjugés  
 & les erreurs adoptées que ce mélange de l ’arbitraire  
 au  réel  a  fait  naître ;  il  faut  tout  cela  pour  retrouver  la  
 Nature ;  mais  enfuite,  pour  la  connoître,  il  ne  faut  plus 
 *  Voyez  à  ce  fujet  le  Difcours  de  Sténon.