134- H i s t o i r e N a t u r e l l e
L A L O U T R E . *
T i A Loutre efl un animal vorace, plus avide de poiffon
que de chair, qui ne quitte guère le bord des rivières
ou des lacs , & qui dépeuple quelquefois les étangs ; elle
ä plus de facilité qu’un autre pour nager, plus même que
le caflor, car il n’a des membranes qu’aux pieds de derrière
& il a les doigts féparés dans les pieds de devant,
tandis que la loutre a des membranes à tous les pieds;
elle nage prefqu’auffi vite quelle marche ; elle ne va point
à la mer, comme le caflor, mais elle parcourt les eaux
douces, & remonte ou defcend les rivières à des diftances
confidérables : fouvent elle nage entre deux eaux, & y
demeure alfez long-temps ; elle vient enfuite à la furface,
afin de refpirer. A parler exactement, elle n’elt point
animal amphibie, c ’efl-à-dire, animal qui peut vivre
également & dans l’air & dans l’eau; elle n’eft pas conformée
pour demeurer dans ce dernier element, elle
* L a L o u t r e ; en G r e c , ; en L a t in , Lutra, velLytra.vel
etiam Lutris, Lutrix; en I ta l ie n , Lodra, Lodria, Loutra; en E fp a -
g n o l , Nutria; en A l l em a n d , Fifchotter; en A n g lo i s , Otter; en
S u é d o i s , Wtter ; en P o lo n o i s , Wydra; en S a v o i e , Loire.
Lutra. G e fn e r . Hiß. quadrup. pag. 6 S4. Icon. animal, quackup.
vag. S y.
Lutra. R a y . Synopf. animal, quadrup. pag. 1 0 7 .
Lutra digitis céqualibus. L in næ u s .
Lutra. K le in , de quadr. pag. y 1 •
Lutra caßanei coloris. . . . Lutra. BrifTou . Regn. animal, pag. ipp.
d e l a L o u t r e . 135
a befoin de refpirer, à peti près comme tous les autres
animaux terreflres ; fi même il arrive qu’elle s’engage dans
une naffe à la pourfuite d’un poiffon , on la trouve noyée,
& l ’on voit qu’elle n’a pas eu le temps d’en couper tous
les ofiers pour en fortir. Elle a les dents comme la
fouine, mais plus greffes & plus fortes relativement au
volume de fon corps. Faute de poiffon, d’écreviffes, de
grenouilles, de rats d’eau, ou d’autre nourriture, elle
coupe les jeunes rameaux, & mange l'écorce des arbres
aquatiques; elle mange auffi de l’herbe nouvelle au printemps;
elle ne craint pas plus le froid que l ’humidité;
elle devient en chaleur en hiver, & met bas au mois de
mars : on m’a fouvent apporté des petits au commencement
d’avril; les portées font de trois ou quatre. Ordinairement
les jeunes animaux font jolis : les jeunes loutres
font plus laides que les vieilles.. La tête mal faite, les
oreilles placées bas, des yeux trop petits & couverts,
l’air obfcur, les mouvemens gauches, toute la figure
ignoble, informe , un cri qui paraît machinal, & qu’elles
répètent à tout moment, fembléroient annoncer un animal
flupide ; cependant la loutre devient indufirieufe avec
l’âge, au moins affez pour faire la guerre avec grand
avantage aux poiffons, qui pour fin (lin cl & le fentiment
font très-inférieurs aux autres animaux; mais j’ai grand
peine à croire qu elle ait, je ne dis pas les talens du
caflor, mais même les habitudes qu’on lui fiippofe,
comme celle de commencer toûjours par remonter les
rivières, afin de revenir plus aifément & de., n’avojr