3 2 H i s t o i r e N a t u r e l l e .
fubfiftance convenable à leur goût. Et ce qui convient a
leur goût convient à la nature ; car, comme nous l’avons
déjà dit* , l’homme ne pourrait pas fe nourrir d’herbe
feule, il périrait d’inanition s’il ne prenoit des alimens
plus fubftantiels ; n’ayant qu’un eftomac & des inteftins
courts, il ne peut pas, comme le boeuf qui a quatre
eftomacs & des boyaux très-longs, prendre à la fois un
grand volume de cette maigre nourriture, ce qui feroit cependant
abfolument néccffaire pour compenfer la qualité
par la quantité. II en eft à peu près de même des fruits
& des graines, elles ne lui fiiffiroient pas, il en faudrait
encore un trop grand volume pour fournir la quantité de
molécules organiques néceffaire à la nutrition ; & quoique
le pain foit fait de, ce qu’il y a de plus pur dans le bled,
que le bled même & nos autres grains & légumes,
ayant été perfectionnés par l’art, foient plus fubftantiels
& plus noprrjflàns que les graines qui n ont que leurs
qualités naturelles, l’homme, réduit au pain & aux légumes
pour toute nourriture, traînerait à peine une vie foible ■
& languifiânte.
Voyez ces pieux folitaires qui s’abftiennent de tout
ce qui a eu v ie , qui, par de fâints motifs, renoncent
aux dons du Créateur, fe privent de la parole, fuient,
la fôcjété, s’enferment dans des murs facrés contre
lefquels fe brifè la Nature ; confinés dans ces afÿles, ou
pluftôt dans ces fombeaux vivons, ou l ’on ne refpire
que la mort, le vifàge mortifié, les yeux éteints, ils ne
* Voyez le IV Volume de cet ouvrage, article du boeuf,
jettent
jettent autour d’eux que des regards languiflàns, leur vie
femble ne fe foûtenir que par efforts ; ils prennent leur
nourriture fans que le befoin ceffe : quoique fbûtenus par
leur ferveur ( car l ’état de la tête fait à celui du corps )
ils ne réfiftent que pendant peu d’années à cette abfti-
nence cruelle; ils vivent moins qu’ils ne meurent chaque
jour par une mort anticipée ï & ne s’éteignent pas en
finifîànt de vivre , mais en achevant de mourir.
Ainfi l ’abftinence de toute chair, loin de convenir à
la Nature, ne peut que la détruire : fi l’homme y étoit
réduit, il ne pourrait, du moins dans ces climats, ni
fubfifter, ni fe multiplier. Peut-être cette diète feroit
poffible dans les pays méridionaux, où les fruits font
plus cuits, les plantes plus fùbftantielles, les racines plus
fùcculentes, les graines plus nourries ; cependant les
Brachmanes font pluftôt une feéte qu’un peuple, & leur
religion , quoique très-ancienne, ne s’eft guère étendue
au delà de leurs écoles, & jamais au delà de leur
climat.
Cette religion, fondée fur la métaphyfique, cft un
exemple frappant du fort des opinions humaines. On ne
peut pas douter , en ramafîànt les débris qui nous relient,
que les fciences n’aient été très-anciennement cultivées,
& perfectionnées peut-être au delà de ce qu’elles le font
aujourd’hui. On a fû avant nous que tous les êtres animés
contenoient des molécules indeftruélihles, toûjoürs
vivantes, & qui pafToient de corps en corps. Cette vé*
rité , adoptée par les Philolbphes , & enfuite par un
Tome VII. E