i 4 H i s t o i r e N a t u r e l l e .
dans la tête, elles fe divifent comme les branches des
nerfs, & s’étendent jufqu a leurs plus petites ramifications;
ce font, pour ainfi dire, des nerfs aplatis, elles font de la
même fübftance, elles ont à peu près le même degré
d’élafticité, elles font partie, & partie néceffaire, dufyftème
fenfible. Si l’on veut donc que le fiége des fenfàtions foit
dans la tête, il fera dans les méninges, & non dans la
partie médullaire-du cerveau , dont la fübftance eft toute
différente.
C e qui a pû donner lieu à cette opinion, que le fiége
de toutes les fenfàtions & le centre de toute fenfibilité
étoient dans le cerveau, c ’eft que les nerfs, qui font les
organes du fentiment, aboutiffent tous à la cervelle, qu’on
a regardée dès-lors comme la feule partie commune qui
pût en recevoir tous les ébranlemens, toutes les impref-
fions. Cela feul a fuffi pour faire du cerveau le principe-
du fentiment, l’organe effentiel des fenfàtions, en un
mot le fenforium commun. Cette fuppofition a paru fi
fimple & fi naturelle , qu’on n’a fait aucune attention à
l’impoflibilité phyfique qu’elle renferme, & qui cependant
eft affez évidente; car comment fe peut-il qu’une partie
infenfible, une fübftance molle & ina&ive, telle qu’eft
la cervelle, foit l’organe même du fentiment & du mouvement”;
comment fe peut-il que cette partie molle &:
infenfible, non feulement reçoive.ces impreffions, mais
les conferve long-temps & en propage les ébranlemens
dans toutes les parties folides & fenfibles i L ’on dira peut-
être, d’après Defcartes, ou d’après M. de la Peyronie,
q\ie ce n’eft point dans la cervelle, mais dans la glande
pinéale ou dans le corps calleux que réfide ce principe ;
mais il fîiffit de jeter les yeux fur la conformation du
cerveau pour reconnoître que ces parties, la glande pinéale
, le corps calleux, dans lefquelles on a voulu mettre
le fiége des fenfàtions, ne tiennent point aux nerfs,
qu’elles font toutes environnées de la fübftance infenfible
de la cervelle, & féparées des nerfs de manière qu’elles
ne peuvent en recevoir les mouvemens, & dès-lors ces
fuppofitions tombent aufti-bien que la première.
Mais quel fera donc l’ufàge , quelles feront les fonctions
de cette partie fi noble, fi capitale.' Le cerveau
ne fe trouve-t-il pas dans tous les animaux! n’èft-il
pas, dans l’homme, dans 1 ps_quadrupèdes, dans les oi-
feaux, qui tous ont beaucoup de fentiment, plus étendu,
.plus grand, plus confidérable que dans les poifions,
Jes infeétes & les autres animaux, qui en ont peu!
Dès qu’il eft comprimé, tout mouvement n’eft - il pas
fufpendu! toute aétion ne ceffe-t-elle pas ! Si cette partie
n’eft pas le principe du mouvement, pourquoi y eft-elle
fi néceflàire, fi effentielle! pourquoi même eft-elle proportionnelle
, dans chaque efpèce d’animal, à la quantité
de fentiment dont il eft doué!
Je crois pouvoir répondre d’une manière fàtisfàifànte
à ces queftions, quelque difficiles qu’elles paroiftent ;
mais pour cela il faut fe prêter un inftant à ne voir avec
moi le cerveau que comme de la cervelle, & n’y rien
fuppofer que ce que l ’on peut y apercevoir par une