4.2 H i s t o i r e N a t u r e l l e
les voit plufieurs enfemble, ce n eft point une ibcietê
de paix, c’eft un attroupement de guerre | qui fe fait
à grand bruit avec des hurlemens affreux, & qui dénote
un projet d’attaquer quelque gros animal, comme un
■ cerf, un boeuf, ou de fe défaire de quelque redoutable
mâtin. Dès que leur expédition militaire eft confommée,
ils fe féparent & retournent en filence à leur folitude.
Il n’y a pas même une grande habitude entre le male &
la femelle; ils ne fe cherchent qu’une fois par an, &
ne demeurent que peu de temps feiifemble. C eft en
hiver que les louves deviennent en chaleur : plufieurs
mâles fuivent la même femelle , & cet attroupement eft
encore plus fanguinaire que le premier; car ils fe la
difputent cruellement, ils grondent, ils fremiflent, ils fe
battent, ils fe déchirent, & il arrive fouvent qu’ils mettènt
en pièces celui d’entre eux qu’elle a préféré. Ordinairement
elle fuit long-temps, laffe tous fes afpirans, & fe
dérobe, pendant qu’ils dorment, avec le plus alerte ou
le mieux aimé.
La chaleur ne dure que douze ou quinze jours, &
commence par les plus vieilles louves, celle des plus
jeunes n’arrive que plus tard. Les males n ont point
de rut marqué, ils pourroient s’accoupler en tout temps;
ils paffent fiicceflivement de femelles en femelles à
meftire qu’elles deviennent en état de les recevoir ; ils
ont des vieilles à la fin de décembre, & Unifient par
les jeunes au mois de février & au commencement dé
mars. Le temps de la geftation eft d’enYÛon trois mois
& demi *, ,& l’on trouve des louveteaux nouveaux nés
depuis la fin d’avril jufqu’au mois de juillet. Cette différence
dans la.durée de la geftation entre les louves, qui
portent plus de cent jours, & les chiennes, qui n’en
portent guère plus de foixante, prouve que le loup &
le chien, déjà fi différens par le naturel, le font auffi par
le tempérament & par l’un des principaux réfultats des
fondions de l’économie animale. Aufti le loup & le
chien n’ont jamais été pris pour le même animal que
par les nomenclateurs en hiftoire naturelle, qui ne con-
noiffant la Nature que fuperficiellement, ne la confidèrent
jamais pour lui donner toute fon étendue, mais feulement
pour la refferrer & la réduire à leur méthode, toûjours
fautive, & fouvent démentie par les faits. Le chien & la
louve ne peuvent ni s’accouplerb, ni produire enfemble,
il n’y a pas de races intermédiaires entre eux; ils font
d’un naturel tout oppofé, d’un tempérament différent;
le loup vit plus long-temps que le chien, les louves
ne portent qu’une fois par an, les chiennes portent
deux ou trois fois. Ces différences fi marquées font plus
que fuffilàntes pour démontrer que ces animaux font
d’efpèces affez éloignées : d’ailleurs , en y regardant
de près, on reconnoît aifément que, même à l’extérieur,
le loup diffère du chien par des caractères effentiels &
* Voyez le nouveau traité de Vénerie. Paris, /yj o, pages y p
Ù’ yS.
1 Voyez les expériences que j’ai faites à ce fujet, Vol, V de cet
ouvrage, à l’article du chien.
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