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 les  voit  plufieurs  enfemble,  ce  n  eft  point  une  ibcietê  
 de  paix,  c’eft  un  attroupement  de  guerre |  qui  fe  fait  
 à grand  bruit  avec  des  hurlemens  affreux,  & qui  dénote  
 un  projet  d’attaquer  quelque  gros  animal,  comme  un  
 ■ cerf,  un  boeuf,  ou  de  fe  défaire  de  quelque  redoutable  
 mâtin.  Dès que  leur expédition militaire  eft confommée,  
 ils  fe  féparent  &  retournent  en  filence  à  leur  folitude.  
 Il  n’y  a  pas  même  une  grande  habitude  entre le male &  
 la  femelle;  ils  ne  fe  cherchent  qu’une  fois  par  an,  &  
 ne  demeurent  que  peu  de  temps  feiifemble.  C   eft  en  
 hiver  que  les  louves  deviennent  en  chaleur :  plufieurs  
 mâles  fuivent  la même  femelle ,  &  cet  attroupement  eft  
 encore  plus  fanguinaire  que  le  premier;  car  ils  fe  la  
 difputent  cruellement,  ils  grondent,  ils fremiflent,  ils fe  
 battent, ils fe déchirent,  & il  arrive fouvent qu’ils mettènt  
 en  pièces  celui  d’entre  eux  qu’elle  a  préféré.  Ordinairement  
 elle  fuit long-temps,  laffe  tous  fes afpirans,  &  fe  
 dérobe,  pendant  qu’ils  dorment,  avec  le  plus  alerte  ou  
 le  mieux  aimé. 
 La  chaleur  ne  dure  que  douze  ou  quinze  jours,  &  
 commence  par  les  plus  vieilles  louves,  celle  des  plus  
 jeunes  n’arrive  que  plus  tard.  Les  males  n ont  point  
 de  rut marqué,  ils pourroient s’accoupler en  tout temps;  
 ils  paffent  fiicceflivement  de  femelles  en  femelles  à  
 meftire  qu’elles  deviennent  en  état  de  les  recevoir ;  ils  
 ont  des  vieilles  à  la  fin  de  décembre,  &  Unifient  par  
 les  jeunes  au  mois  de  février  &  au  commencement  dé  
 mars.  Le  temps  de  la  geftation  eft  d’enYÛon  trois mois 
 &  demi  *,  ,&  l’on  trouve  des  louveteaux  nouveaux  nés  
 depuis  la  fin  d’avril  jufqu’au mois  de  juillet.  Cette  différence  
 dans  la.durée  de  la  geftation  entre  les  louves,  qui  
 portent  plus  de  cent  jours,  &  les  chiennes,  qui  n’en  
 portent  guère  plus  de  foixante,  prouve  que  le  loup  &  
 le  chien,  déjà fi  différens par  le naturel,  le  font  auffi par  
 le  tempérament  &  par  l’un  des  principaux  réfultats  des  
 fondions  de  l’économie  animale.  Aufti  le  loup  &  le  
 chien  n’ont  jamais  été  pris  pour  le  même  animal  que  
 par  les  nomenclateurs  en  hiftoire  naturelle,  qui  ne  con-  
 noiffant la Nature  que fuperficiellement,  ne la confidèrent  
 jamais pour lui donner toute fon étendue, mais  feulement  
 pour  la  refferrer &  la  réduire  à  leur  méthode,  toûjours  
 fautive,  &  fouvent démentie  par les faits.  Le  chien  &  la  
 louve  ne  peuvent ni  s’accouplerb, ni produire  enfemble,  
 il  n’y  a  pas  de  races  intermédiaires  entre  eux;  ils  font  
 d’un  naturel  tout  oppofé,  d’un  tempérament  différent;  
 le  loup  vit  plus  long-temps  que  le  chien,  les  louves  
 ne  portent  qu’une  fois  par  an,  les  chiennes  portent  
 deux  ou  trois  fois.  Ces différences fi  marquées  font plus  
 que  fuffilàntes  pour  démontrer  que  ces  animaux  font  
 d’efpèces  affez  éloignées  :  d’ailleurs  ,  en  y  regardant  
 de  près,  on reconnoît aifément que, même à l’extérieur,  
 le  loup  diffère  du  chien  par  des  caractères  effentiels & 
 *  Voyez  le  nouveau  traité  de  Vénerie.  Paris,  /yj o, pages  y p  
 Ù’  yS. 
 1 Voyez  les  expériences  que  j’ai  faites  à  ce  fujet,  Vol,  V de  cet  
 ouvrage,  à l’article  du chien. 
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