,8 H i s t o i r e N a t u r e l l e .
font pompées par ies extrémités ou racines des nerfs,
& de-ià font portées dans toutes les branches du fyftème
fenfible : ce fyftème fait, comme nous l’avons dit, un
tout dont les parties ont une connexion fi feriee, une
correfpondance fi intime, qu on ne peut en bleffer une
fans ébranler violemment toutes les autres; lableffure,
le fimpl€ tiraillement du plus petit nerf, fuffit pour caufer
une vive irritation dans tous les autres, & mettre le
corps en convuîfion ; & l’on ne peut faire cefler la
douleur & les convulfions qu en coupant ce nerf au
deffus de l’endroit lézé, mais dès-lors toutes les parties
auxquelles le nerf aboutiffoit deviennent a jamais immobiles
, infenfibles. Le cerveau ne doit pas etre confidére
comme partie du même genre, ni comme portion
organique du fyftème des nerfs, puifqu il n a pas les
mêmes propriétés, ni la meme fùbftance, n étant ni
folide, ni élaftique, ni fenfible. J avoue que lorfqu on
le comprime, on fait cefTer i’aétion du fentiment; mais
cela même prouve que c’eft un corps etranger à ce
lyftème, qui agiflhnt alors par fon poids fur les extrémités
des nerfs, les preffe & les engourdit, de la meme
manière qu’un poids appliqué fur le bras, la jambe, ou
fur quelqu’autre partie du corps, en engourdit les nerfs,
& en amortit le fentiment. Il efl fi vrai que cette cefîà-
tion de fentiment par la compreffion n efl qu une fufpen-
fion, un engourdiffement, qu’à I inflant ou le cerveau
ceffe d’être comprimé le fentimentrenaît & 1e mouvement
fe rétablit. J ’avoue encore qu’en déchirant la fùbftance
médullaire, & en bleffant le cerveau jufques au corps
calleux, la convuîfion, la privation de fentiment, & la
mort même fuit ; mais c ’efl qu’alors les nerfs font entièrement
dérangés, qu’ils font, pour ainfi dire, déracinés
& bleffés tous enfemble & dans leur origine.
Je pourrais ajouter à toutes ces raifons des faits
particuliers, qui prouvent également que le cerveau n’efl
ni le centre du fentiment, ni le fiége des fenfàtions.
On a vu des animaux, & même des enfans, naître fans
tête & fans cerveau, qui cependant avoient fentiment,
mouvement & vie. Il y a des claffes entières d’animaux,
comme les infeéles & les vers, dans lefquels le cerveau
ne fait point une maffe diftinéle ni un volume fenfible ;
ils ont feulement une partie correfpondante à la moelle
alongée & à la moelle épinière. Il y aurait donc plus
de raifon de mettre le fiége des fenfàtions & du fentiment
dans la moelle épinière, qui ne manque à aucun
animal, que dans le cerveau, qui n’efl pas une partie
générale & commune à tous les êtres fenfibles.
Le plus grand obflacle à l’avancement des connoif-
fànces de l’homme efl moins dans les chofès mêmes,
que dans la manière dont il les confidére; quelque compliquée
que fait la machine de fon corps, elle efl encore
plus fimple que fes idées. Il efl moins difficile de voir
la Nature telle qu’elle e f l, que de la reconnoître telle
qu’on nous la préfente ; elle ne porte qu’un voile, nous
lui donnons un mlaque/ nous la couvrons de préjugés,
nous fuppofons qu’elle agit, qu’elle opère comme nous