teridrefle entre eux & leurs enfans ; & d’ailleurs ces deux
Sauvages étoient ifliis d’hommes en fociété & avôient
làns doute été abandonnés dans les bois, non pas dans
le premier âge , car ils auraient péri, mais à quatre,
cinq ou lixans, à l ’âge en un mot auquel ils étoient déjà
allez forts de corps pour fe procurer leur fubfiftance,
& encore, trop foibles de tête pour conferver les idées
qu’on leur avoit communiquées:
Examinons donc cet homme en pure nature, c ’eft-
à-dire, ce Sauvage en famille. Pour peu qu’elle prolpère,
il fera bien-tôt le chef -d’une fociété plus nombreufe,
dont tous les membres auront les mêmes manières -,
fuivront les mêmes ufages & parleront la même langue;
à la troifième, ou tout au plus tard à la quatrième génération
, il y aura de nouvelles familles qui pourront demeurer
féparées, mais qui, toujours réunies par les liens
communs des ulàges & du langage, formeront une petite
nation, laquelle s’augmentant avec le temps, pourra,
fuivant les circonflances, ou devenir un peuple , ou
demeurer dans un état femblable à celui des nations
làuvages que nous connoilfons. Cela dépendra fur-tout
de la proximité ou de l'éloignement où ces hommes
nouveaux fe trouveront des hommes policés : fi lotis
un climat doux, dans un terrein abondant, ils peuvent
en liberté occuper un elpace confidérable au delà du-
quel ils ne rencontrent que des fôlitudes ou des hommes
tout aulfi neufs qu’eux, ils demeureront làuvages & deviendront
, fuivant d’autres circonflances, ennemis ou
amis de leurs voifins; mais lorfque fous un ciel dur, dans
une terre ingrate, ils fe trouveront gênés entre eux par
le nombre & ferrés par l’efpace, ils feront des colonies
ou des irruptions, ils fe répandront, ils. fe confondront
avec les autres peuples dont ils feront devenus les con-
quérans. o.u les efclâves. Ainfi l’homme, en tout état,
dans toutes les fi.tuatfo.ns & fous tous les climats, tend
également à ta fociété ; .c’efi un effet confiant d’une
caufe nécellàire, puifqu’elle tient à l’efiënce même de
l ’elpèee, c ’eft-à-dire, à la propagation.
Voilà pour la fociété ; elle e f i, comme l’on vo it,
fondée fur la Nature. Examinant de même quels- font
les appétits,, quel eft te goût de nos Sauvages, nous
trouverons qu’aucun ne vit uniquement de fruits, d’herbes
ou de graines, que tous préfèrent la chair & le poiflbn
aux autres alimens, que l’eau pure leur déplaît, & qu’ils
cherchent les moyens de faire eux - mêmes oit de fe
procurer d’ailleurs une boiffon moins infipide. Les Sauvages
du Midi boivent l’eau du palmier; ceux du Nord
avalent à longs traits l’huile dégoûtante de la baleine ;
d ’autres font des boiflbns fermentées, & tous en général
ont le goût le plus décidé, la paflion la plus vive pour
les liqueurs fortes. Leur indufirie, diéfée par les befoins
de première nécelfité, excitée par leurs appétits naturels,,
fe réduit à faire des inftrumens pour la chalfe &
pour la pèche. Un a rc , des flèches g une mafllie, des
filets , un canot, voilà le fublime de leurs arts, qui tous
n’ont peur objet que les moyens de fe procurer une