3 1 0 H i s t o i r e N a t u r e l l e
point, mais fans s’attacher : comment aimer en effet
ceux qui nous dreffent des embûches î plus foibie, elfe
a plus d’ennemis auxquels elfe ne peut échapper, ou
pluftôt fe fouflraire que par fbn agilité, fà petiteffe même.
Les chouettes, tous les oifeaux de nuit, les chats, les
fouines, les belettes, les rats même lui font la guerre ;
on l’attire, on la leurre aiférnent par des, appâts, on la
détruit à milliers ; elle ne fubfifte enfin que par fon
immenfe fécondité.
J ’en ai vû qui avoient mis bas dans des fouricières;
elles produifent dans toutes les fàifons, & plusieurs fois
par an, les portées ordinaires font de cinq ou fix petits ;
en moins de quinze jours ils prennent alfez de force
& de croifiànce pour fe difp.erfer & aller chercher à
vivre : ainfi la durée de la vie de ces petits animaux eft
fort courte, puifque leur accroiflement eft fi prompt;
& cela augmente encore l’idée qu’on doit avoir de leur
prodigieufe multiplication. Ariftote 1 dit, qu’ayant mis
une fouris pleine dans un vafe à ferrer du grain, il, s’y
trouva peu de temps après cent vingt fouris toutes
ifiùes de la même mère.
Ces petits animaux ne font point laids, ils ont L’air
vif & même affez fin ; l’efpèce d’horreur qu’on a, peut;
eux, n’eft fondée que fur les petites furprifos & fur
l ’incommodité qu’ils caufent. Toutes les fouris font
blancheâtres fous le ventre, & il y en a de blanches
fur tout le corps,, il y en a aufti de plus ou moins
* Vide A r i f t o t e , Hijl. animal, lit. r*I,, cap, %.y.
brunes & de plus ou moins noires. L ’efpèce eft généralement
répandue en Europe, en Afie, en Afrique;
mais on prétend qu’il n’y en avoit point en Amérique,
& que celles qui y font aéluellement, en grand nombre,
viennent originairement de notre continent : ce qu’il y
a de vrai, c ’eft qu’il paroît que ce petit animal fuit
l ’homme & fuit les pays inhabités, par l’appétit naturel
qu’il a pour le pain, le fromage, le lard , l’huile, le
beurre & les autres alimens que l’homme prépare pour
lui-même.