IO H i s t o i r e N a t u r e l l e .
ceux qui ontplufieurs centres de fentiment, & qui, fous
une même enveloppe | femblent moins renfermer un
tout unique, un animal parfait, que contenir plufieurs
centres d’exiftence féparés ou différens les uns des autres,
feront des êtres beaucoup moins fenfibles. Un polype
que l’on coupe, 6c dont les parties divifées vivent fépa-
rément; une guêpe dont la tête, quoique féparée du
corps, fe meut, vit, agit, 6c même mange comme auparavant;
un lézard auquel, en retranchant une partie de
fon corps, on n ote ni le mouvement, ni le fentiment ;
une écrevilfe, dont les membres amputés fe renouvellent;
une tortue , dont le coeur bat long-temps après avoir été
arraché ; tous les infectes, dans lefquels les principaux
vifeères, comme le coeur & les poumons, ne forment
pas un tout au centre de l’animal, mais font divifés en
plufieurs parties, s’étendent le long du corps, & font,
pour ainfi dire, une fuite de vifeères,- de coeurs & de
trachées; tous les poilfons, dont les organes de la circulation
6c de la refpiration n’ont que peu d’aétion 6c different
beaucoup de ceux des quadrupèdes, 6c meme de
ceux des cétacées; enfin tous les animaux dont l’organi-
fation s’éloigne de la notre, ont peu de fentiment, 6c
d’autant moins qu’elle en diffère plus.
Dans l’homme 6c dans les animaux qui lui reffemblent ,
le diaphragme paroît être le centre du fentiment ; c ’eft fur
cette partie nerveufe que portent les impreffions de la
douleur 6c du pUfir; c’eft fur ce point d’appui que
s’exercent tous es mouyemens du fyftème fenfible. Le
diaphragme fépare tranfverfàlement le corps entier de
l’animal, 6c le divife allez exaétement en deux parties
égales , dont la fupérieure renferme le coeur 6c les poumons
, 6c l’inférieure contient l’eftomac 6c les inteftins.
Cette membrane eft douée d’une extrême fenfibilité; elle
elt d’une fi grande néceffité pour la propagation 6c la
communication du mouvement 6c du fentiment, que la
plus légère bleffure, foit au centre nerveux, foit à la
circonférence, ou même aux attaches du diaphragme,
eft toujours accompagnée de convulhons, 6c fouvent
fuivie d’une mort violente. Le cerveau, qu’on a dit être
le fiége des fenfàtions, n’eft donc pas le centre du fentiment,
puifqu’on peut au contraire le bleffer, l’entamer,
fans que la mort fuivc, & <ju’on a l’expérience qu’apres
avoir enlevé une portion conhdérable de la cervelle,
i ’animal n’a pas ceffé de vivre, de fe mouvoir, 6c de
fentir dans toutes fes parties.
Diftinguons donc la fenfation du fentiment ; la fenfà-
tion n’eft qu’un ébranlement dans le fens, 6c. le fentiment
eft cette même fenfation devenue agréable ou defàgréable
par la propagation de cet ébranlement dans tout le fyftème
fenfible: je dis la fenfation devenue agréable ou deia-
gréable, car c ’eft-là ce qui conflitue l’effence du fentiment;
fon caractère unique eft le plaifir ou la douleur,
6c tous les mouvemens qui ne tiennent ni de l ’une-ni de
l’autre, quoiqu’ils fe paflent au dedans de nous-mêmes,
nous font indifférens 6c ne nous affeétent point. C ’eft
du fentiment que dépend tout le mouvement extérieur