34 H i s t o i r e N a t u r e l l e .
grand nombre d’hommes, ne conferva fa pureté que
pendant les liècles de lumière : une révolution de ténèbres
ayant fuccédé, on ne le fouvint des molécules organiques
-vivantes:, que pour imaginer que ce qu’il y avoit de
vivant dans l’animal étoit apparemment un tout indeftruc-
tible qui fe féparoit du corps après la mort. On appela
ce tout idéal, une ame qu’on regarda bien-tôt comme
un être réellement exiliant dans tous les animaux ; &,
joignant à cet être fentaftique l’idée réelle, mais défigurée,
du pa!Tage des molécules vivantes, on dit qu’après la
mort cette ame paffoit fucceffivement & perpétuellement
de corps en corps. On n’excepta pas 1 homme;, on
joignit bien-tôt le moral au métaphyfique ; on ne douta
pas que cet être furvivant ne confervât, dans fa tranftni-
gration, fes fentimens, fes.affrétions, Tes delirs: les têtes
foibles frémirent 1 Quelle horreur en effet pour cette ame,
lorfqu’au fortir d’un domicile agréable, il falloit aller habiter
le corps infeéte d’un animal immonde! On eut d’autres
frayeurs (chaque crainte produit là fuperftition ) on eut
peur , en tuant un animal, d’égorger fa maîtrefle ou fon
père ; on refpeéla toutes les bêtes, on les regarda comme
fon prochain ; on dit enfin qu’il falloit, par amour, par
devoir, s’abltenir de tout ce qui avoit eu vie. Voilà
l ’origine & le progrès de-cette religion, la plus ancienne
du continent des Indes ; origine qui indique alTez que la
vérité livrée à la multitude efl bién-tôt défigurée ; qu’une
opinion philofophique ne clevient opinion populaire-,
qu’après avoir changé de forme ; mais qu’au moyen de
cette prépara ion elle peut devenir une religion d autant
mieux fondée, que le préjugé lera plus général, & d autant
plus relpeétée , qu’ayant pour bafe des vérités
mal entendues, elle fera nécelîàirement environnée
d ’obfcürités , & p;r conféquent paroîtra mylléricufe,
augulle , incompréhenfible ; qu’enluite, la crainte fe
mêlant au refpeét, cette religion dégénérera en fuperfti-
tions, en pratiques ridicules, lefquelles cependant prendront
racines, produiront des ulàges qui feront d’abord
fcrupuleufement fiiivis, mais qui s’altérant peu à peu,
changeront tellement avec le temps , que l’opinion
même dont ils ont pris naillànce ne fe conlèrvera plus
que par de fàulTes traditions, par des proverbes, &
finira par des contes puériles & des ablurdités ; d’où l’on
doit conclurre que toute religion fondée fur des opinions
humaines eft fàulfe & variable, & qu’il n’a jamais
appartenu qu’à Dieu de nous donner la vraie religion,
qui ne dépendant pas de nos opinions, eft inaltérable,
conftante, & fera toujours la même.
Mais revenons à notre fiijet. L ’abftinence entière de
la chair ne peut qu’affoiblir la Nature. L ’homme, pour
le bien porter, a non feulement belbin d’ufer de cette
nourriture folide, mais même de la varier. S’il veut
acquérir une vigueur complète, il faut qu’il choififtè ce
qui lui convient le mieux ; & comme il ne peut le
maintenir dans un état aétif qu’en fe procurant des
fenlàtions nouvelles, il faut qu’il donne à fts.lens toute
leur étendue, qu’il fe permette la variété des mets comme