L E R A T . *
D e sc endant par degrés du grand au petit, du
fort au foiblé, nous trouverons que (a Nature a fû tout
cômpenfcr ; qu’uniquement attentive à la confervation de
chaque efpèce,. elle fait profufion d’individus, & fe foû-
tient par le nombre dans toutes celles qu’elle a réduites
au petit, ou qu’elle a laiffées fans forces, fans armes &
fans courage: & non feulement elle a voulu que ces
efpèces inférieures-Ment en état de réfifter ou durer
par le nombre; mais il femble qu’elle ait en même
temps donne des fupplemens a chacune, en multipliant
les efpèces voilines. Le rat, la fouris,, le mulot, le rat
d’eau, le campagnol, le loir, le lerot, le ' mufcardin,
la mufàraigne, beaucoup d autres que je ne cite point
parce qu’ils font étrangers à notre climat, forment autant
* L e R a t ; en G r e c , mJ ; en L a t in , Mus major, Rattus; en
I ta l ie n , Rato di cafa; en E f p a g n o l , Raton; en A l l em a n d , Rat?y;
en A n g lo i s , Rat, Rat te ; en S u é d o i s , Rotta; en P o lo n o i s , Scpircç.
Mus domejlicus major, ftve. Rattus. G e tn e r , Hijl. quadrup, pag.
Icon. animai• quadrup. pûg> 11
Mus domefticus major, fvte Rattus. R a y , Synopf. animal, quadrup,
pag. 2 i j .
Mus caudâ longâ, fubnudâ, corpore fufco cinerafcentc. L in n æ u s .
Mus, Rattus domejlicus. K l e in , de quadrup. pag. y y.
Mus caudâ longijfimâ, obfcure cinereus. . . . . Rattus. B r i l lo n . Regtl,
animal, pag. i 6 8.
d’efpèces diftinétes & féparëes, mais alfez peu différentes
pour pouvoir en quelque forte fe fuppléer & faire que,
û l’une d’entr’elles venoit à manquer, le vuide en ce
genre feroit à peine fenfible ; c ’efl ce grand nombre
d’efpèces voifines qui a donné l’idée des genres aux
Naturalifles ; idée que l’on ne peut employer qu’en ce
fens, lorfqu’on ne voit les objets qu’en gros, mais qui
s’évanouit dès qu’on l’applique à la réalité, & qu’on
vient à confidérer la Nature en détail.
Les hommes ont commencé par donner différens
noms aux chofes qui leur ont paru diflinélement différentes,
& en même temps ils ont fait des dénominations
générales pour tout ce qui leur paroiffoit à peu près
femblable. Chez les peuples greffiers & dans toutes les
langues naifîàntes, il n’y aprefque que des noms généraux,
c ’eft-à-dire, des expreffions vagues & informes de chofes
du même ordre & cependant très-différentes entr’elles ;
un chêne, un hêtre, un tilleul, un fàpin, un if, un pin,
n’auront d’abord eu d’autre nom que celui d’arbre ;
enfuite le chêne, le hêtre, le tilleul fe feront tous trois
appelés chêne, lorfqu’on les aura diftingués du fàpin , du
pin'/: de l’if, qui tous trois fe feront appelés fàpin. Les
noms particuliers ne font venus qu’à la fuite de la com-
paraifon & de l’examen détaillé qu’on a fait de chaque
efpèce de chofes: on a augmenté le nombre de ces
noms à mefùre qu’on a plus étudié & mieux connu la
Nature; plus on l’examinera, plus on la comparera,
plus il y aura de noms propres & de dénominations