5 6 H i s t o i r e N a t u r e l l e .
celle des autres objets, & qu’il prévienne le dégoût
qu’occafionne l’uniformité de nourriture; mais qu’il évite
les excès, qui font encore plus nuifibles que 1 abflinence.
Les animaux qui n’ont qu’un eftomac & les inteftins
courts, font forcés, comme l’homme, à Le nourrir de
chair. On s’affurera de ce rapport & de cette vérité en
comparant, au moyen de nos defcriptions, le volume
relatif du canal inteftinal dans les animaux carnaffiers &
dans ceux qui ne vivent que d’herbes: on trouvera
toû jours-que cette différence dans leur manière de vivre
dépend de leur conformation, & qu’ils prennent une
nourriture plus ou moins folide, relativement a la
capacité plus ou moins grande du magafin qui doit la
recevoir.
Cependant il n’en faut pas conclurre que les animaux
qui ne vivent que d’herbes foient, par néçeffité phyfique,
réduits à cette feule nourriture, comme les animaux car-
naffiersfont, par cette même néceffité, forcésàfe nourrir
de chair; nousdifons feulement que ceux qui ont plufieurs
cflomacs, ou des boyaux très-amples , peuvent fe pafTer
de cet alimentLubftantiel .& néceffaire aux autres; mais
nous ne difons pas qu’ils, ne puffent en ufer, & que fi la
Nature leur eût donné des armes, non feulement pour fe
défendre , mais pour, attaquer & pour faifir, ils n en
euffent fait ufàge .& ne fè biffent bien-tot accoutumes a
la chair & au fàng, puifque nous voyons que les moutons,
les veaux, les, chèvres, les chevaux, mangent avidement
le lait, les ceufs, qui font des nourritures animales,
les A n i m a u x c a r n a s s i e r s . 37
& que, fans être aidés de l’habitude, ils ne refufent pas
la viande hachée & affaifonnée de fel. On pourrait
donc dire que le goût pour la chair & pour les autres
nourritures folides efl l’appétit général de tous les animaux
, qui s’exerce avec plus ôu moins de véhémence
ou de modération, félon la conformation particulière de
chaque animal, puifqu’à prendre la Nature entière , ce
même appétit Le trouve non feulement dans 1 homme &
dans les animaux, quadrupèdes, mais auffi dans les oifeaux,
dans les poiffons, dans les infeéles & dans les vers,
auxquels en particulier il femble que toute chair ait été
ultérieurement dcflinée.
La nutritiondans tous les animaux , fe fait par les
molécules Organiques, quiLéparees du marc de la nourriture
au moyen de la digcflion, fe mêlent avec le. fâng
& s’affimilent à toutes les parties du corps. Mais indépendamment
de ce grand,effet, qui paraît être le principal
but de la Nature, & qui efl proportionnel à la
qualité des alimens, ils en produifent un autre qui ne
dépend que de leur quantité , c’efl-à-dire, de leur maffe
& de leur volume. L ’eflomac &. les boyaux font des
membranes fouples, qui forment au dedans du corps
une capacité très-confidérable; ces membranes, pour fe
foûtenir dans leur état de tenfion, & pour contre-balancer
les forces des autres parties qui les avoifinent, ont
befoin d’être toujours remplies en partie : f i , faute de
prendre de la nourriture, cette grande capacité fe trouve
entièrement vuidc, les membranes n’étant plus foûtenues