
 
		fortune  auffi  purs  que  ceux  par  lefquels  je me  fuis  feulement affiné  
 le  néceflaire ,  quoique  nous  foyons,  l’un & l’autre , parti  à  peu  près  
 du  même  point. Mais  le  peu de  fuccès  des  elfais faits depuis ce temps  
 fur des milliers deMufcades & Mufcadiers, me juftifieroit encore, fi j’en  
 avois befoin.  Je  reviens aux faits, qui font partie  de l’hiftoire  du Muf-  
 cadier  dans nos  Colonies» 
 On  a  fait  encore  diverfcs  tentatives  pour fe procurer  les  épiceries  
 fines ;  S i  prefque  tous  les Vaifleaux,  dont  la  deftination  favorifoit ce  
 projet,  ont  reçu  des  inftruétions  relatives  à  leur  acquifition  ;  je  ne  
 parlerai»que  des  expéditions  qui ont eu un fuccès venu à la connoiflan-  
 ce  du  public, national  & étranger. 
 La  Corvette,  l’Etoile  du  matin  ,  commandée  par  M.  Etchevery  
 partie de lTfle de France,  revint en  177 o , avec une grande quantité de  
 graines  &  de  plants  de  Girofliers  &  de  Mufcadiers  enlevés,  dit-on,  
 dans des  Mes  voifines de  Gilolo ;  la  Flutte  du R o i, l’Ifle  de  France,  
 commandée  par  M.  Coetivi,  &   la  Corvette  La  néceflaire,  commandée  
 par M.  Cordé ,  chargées  des  mêmes inftru&ions , furent  de  
 retour  en  177a  ,  avec beaucoup  de plants  &  de graines, tant de Mufcadiers  
 que de Girofliers, qui venoient également de  l’Ifle de Gilolo &  
 de  fes  environs. 
 Dans  la  derniere  édition  d’un  Ouvrage  ,  qui  efl  curieux  &  bien  
 écrit  ,  &  à  qui il [ne  manque, pour être  lu avec confiance,  que  d’avoir  
 cité  les  Auteurs  dont  font  tirés  la [plupart  des  récits  :  dans  ce  
 Livre, dis-je, on prétend  que « le  14  Juin  1770,  il  a  été  porté  dans  
 » l’Ifle de  France 400  plants  de Mufcadier  10000  noix  mufcades  ou  
 »germées  ou propres  à germer,  70  plants de Girofliers, une  caiffe de  
 »Girofle, dont  quelques-unes  étoient  germées & hors  de  terre  :  ces  
 »richefles ont été diftribuées  aux Colons, pour eflaÿer  tous les  terreins  
 »& toutes  les  expofitions.  La plupart des plants ont péri,  & il efl: vrai-  
 »femblable  que les  autres ne porteront  pas  de  fruits ».  Encore  fi  on  
 nous  eut  fait  parvenir  en Europe  quelques-unes  de  ces Mufcades  &  
 quelques  plants de Mufcadier pour tenter de les élever dans  des  fcrres  
 chaudes,  comme  on  a  fait  pour  le  Café ,  ou  du  moins pour mettre  
 dans  nos  herbiers ;  les  dépenfes  &  les  travaux  de  trente  ans  euflent  
 fervi  a  augmenter nos connoiflances  botaniques,  à  iàtisfaire  la  curiofité, 
   enfin il refteroit  quelque chofe  de  ces tentatives :  peut-être le retour  
 de  1771  nous procurera-t-il ces avantages. 
 J’ai  oui  dire à des perfonnes  trèsenétatde voir & de rendre  compte  
 de ce qu’ils ont vu, que le feu Roi Louis XV, &   l’Académie des Sciences  
 de Paris, avoient  reçu de vraies  Mufcades,  qui leur étoient annoncées  
 comme  propres  à  la  végétation. Quoique plantées  avec  attention  &  
 tres-foignées, ces Mufcades ont pourri; on a même foupçonné, par l'examen  
 de  quelques  baies,  qu’elles  avoient été  tirées  de l’eau-de-vie,  
 dontelles  confervoient  encore un peu  d’odeur : ainfi tout  nous  porte  
 à croire que l’on n’a pas encore pu fe procurer la vraie Mufcade  en état  
 de germer,  ni des plants du Mufcadier  du  commerce;  que les Mufcadiers  
 & les Mufcades  que fe  font  procurés  les Argonautes  de  la Mufcade, 
   font des Mufcadiers  fauvages  dont font remplis  les Mes  de l’Archipel  
 Indien,  fit  que beaucoup  de  ces Mufcades  qui  nous  viennent  
 par  les Vaifleaux d’Afie  ,  font  la Mufcade  commmune  aux  Philippines, 
  Manilles, Molucques,  à  Keydafufla  côte de  Malabar,  & celle-  
 ci fe vend fraîche dans  les Bazars  ou Marchés  de  l’Inde ,  ainfi  qu’aux  
 endroits  precédens.  Les  Hollandois  n’ont  pas  détruit  les  efpeces  
 qui 11e font d’aucune utilité dans le commerce, par leur défaut  de  qualité; 
   &  il  ne faut pas beaucoup de  courage ou  de  peine  pour  fc  procurer  
 ces  eipeces.  Mais , félon Rumph,  plus  le Mufcadier efl' éloigné  
 de Banda,  plus  il  efl  fauvage  &  plus  les  noix  font  mauvaifes :  elles  
 font  auffi  beaucoup  plus petites  &  moins  parfaites.  Or  Gilolo  paroît  
 être à 60  ou  80  lieues de Banda. 
 Les faits généraux  relatifs au Giroflier,  font  à  peu  près  les  mêmes  
 que pour le Mufcadier, &  les  réflexions qui précédent font  également  
 applicables  au  premier. L’efpece qui  donne le  vrai Girofle, ne fe  cultive  
 que  dans  trois Mes voifines  d’Amboine;  mais  il  y  a dans prefque  
 toutes  les Mes  de l’Archipel  Indien,  des  Girofliers fauvages,  que  les  
 Hollandois  ont  négligé  de  détruire,  parce  qu’ils  ne  donnent  pas  le  
 Girofle marchand. 
 Le  Gouvernement  regrettera  fans  doute  les  dépenfcs  que  lui  ont  
 fait  faire,  depuis trente  ans ,  ceux  qui  lui  ont tant  vanté  la  poffibilité  
 &  les avantages infinis de  la  reuffite de ce  projet ; projet qui,  comme  
 on 1 a  vu ci-deflus, eût  été  remis à  un  autre temps  ,  fi  on l’eût  fournis