
 
		Dans  les  divers  pays  où  j’ai  vu  le  Café  cultivé  comme  un  objet  
 principal du  commerce  ,  j’ai  fait  quelques  obfervations  relatives  aux  
 avantages &  déiavantages  des  différentes  cultures  de  cette  plante ;  je  
 crois devoir  communiquer  ici une  de  ces  obfervations, qui  peut  etre  
 utile aux Colonies,  ou  du  moins  qui  doit  engager à  faire  des  eifais.  
 J’ai 3  dis-je  ,  remarqué  que  l’arbre  du Café qui  eft abrité  des  vents  ,  
 garanti  de  la  grande  ardeur du foleil, &  planté  dans un  terrein  entretenu  
 dans une humidité modérée  par  la  nature  du  fo l,  ou  fréquemment  
 atrofé  par  des  rigoles,  croît  plus  promptement,  devient  plus  
 vigoureux  ,  donne  plus  de  fruit  ,  eft  moins  fujet  à  être  attaque  
 ou  endommagé  par  les  pucerons ,  & dure  davantage  que  lorfqu’il  fe  
 trouve  battu des vents, expofé  à l’ardeur du foleil,  planté dans  un ter-;  
 rein aride, &  qu’il n’eft arrofé que par les pluies. 
 On  obferve  allez généralement, que les plantes d’une même  famille  
 fe  plaifent dans  un  fol  &  une  expofition du même  genre.  La  plupart  
 des  plantes  de  la  famille  des  Rubiacées  à  laquelle  le  Caféier  paroît  
 appartenir  ,  aime  les  terreins  frais,  les  abris  des  grands  arbres,  des  
 brouflàilles, profite peu  au grand  foleil,  ne fouffre  pas  la  taille ,  fi ce  
 n’eft d’être  rabattue ou coupée  près  de  terre :  il  eft rare  qu’on  trouve  
 ces plantes ifolées ou expofées à l’ardeur du foleil, non plus que dans les  
 terreins  bas fujets à être inondés. 
 Mais  ce n’eft pas fur  de fimples  raifbns  d’analogie,  que  je  confeille  
 d’établir une  culture  auiîï  importante  que  celle du  Caféier.  Voici  des  
 obfervations  plus décifives  pour  des  Cultivateurs ;  je  les préfenterai  
 dans  l’ordre de mes voyages. 
 Lorfque je relâchai à S. Iago , l’une des Ifles du Cap-verd, le premier  
 Mars  1754, j’y vis  des Caféiers plantés  à l’abri  de grands arbres  &  ar-  
 rofes  durant les  féchereffes par  des rigoles  pratiquées pour  cet ufâge:  
 ces arbres,  élevés  d’environ lept  pieds  ,  étoient  d’une  belle  verdure  
 &  chargés  de  fruits,  leurs  branches &  rameaux  s’étendoient  en  tout  
 fens. 
 ■  J’arrivai à llile  de France  au mois d’Août :■ j’y  ai vu, fur  l’habitation  
 de M. Marfac,  dans un  terrein  mal  cultivé  rempli de  bidens  appelle  
 dans le pays, Herbe à fornet, des  Caféiers  d’une belle venue, chargés 
 Obfervations fur la Culture du Cafei  y 3 
 'de fleurs & de fruits; mais ils  étoient  entourés & féparés par des  Bananiers  
 ,  des Gouyaviers & des  Pêchers.  Les Caféiers  n’étoient pas moins  
 beaux dans les habitations  Bigaillon, Vendôme, Géniès & Grainville,  
 qui font  des  terreins  un  peu plus  frais &  plus  arrofés  par  les  pluies.  
 En général,  ce  quartier eft peu  découvert,  les  défrichés  font petits,  
 bordés  de  grands bois, coupés de ruiffeaux,  &  les  Caféiers  y  étoient  
 abrités  par  beaucoup  de  Bananiers,  Gouyaviers  , Pêchers  ,  &  autres  
 arbres  plantés çà & là au milieu d’eux.  Enfin, les plus beaux  arbres  que  
 j’ai  vus,  étoient  des pieds  plantés  dans  les cantons frais  de l’Iile  fur  le  
 bord  des forêts,  dans  les pentes  des  ravines  Sc  fur  tout au  bas  de  ces  
 ravines :  malheureufement aucun  des  Habitans  de  l’Ille  ne  faifoit du  
 Café , un objet  principal de culture. 
 En  1761, je paflfai  à l’Ifle de Bourbon quelques jours , & j’y parcourus  
 les Paroiffes de  S.  Louis, Ste Suzanne,  S. Denis &  S.  Paul.  J’y  ai  
 obferve des  Cafeiers  plantes en  quinconce,  expofês  au grand  vent  &  
 étêtés  : ils  portoient,  à  la  vérité,  beaucoup  de  Café ,  mais les a;bres  
 avoient  un port  trifte ;  on  voÿoit  beaucoup  de  branches  fupérieurcs  
 fans  feuilles ;  il y en  avoir un allez grand nombre de lèches ou mortes ;  
 les branches chargées defruits étoient fans feuilles;  les nouvelles pouffes  
 ,  occafionnées  par  l’étêtementyétoient  fortes,  s’éleyoient  droites  
 &  ne préfentoient  ni  fleurs  ni  fruit; ce  font les  branches  inférieures  ,  
 dont  l’étêtement  occafionne  l’allongement,  qui  portent  le  fruit.  Il  
 femble que l’on a adopté cette taille  des  Caféiers,  parce  qu’on  a fenti  
 la néceffité  de tenir  le pied  de  l’arbre frais  &  humide,  & que l’exten-  
 fion des branches inférieures garantiffant le pied de la féchereiïe,  entretient  
 plus frais le  terrein  occupé par les racines des arbres. 
 Mais cet expédient a lui-même des  inconvéniens  confidérables ;  les  
 bleffures qui fe multiplient par  cette taille,  qui  fe pratique  tous les ans,  
 ou  tous les deux ans , donne entrée  à l’air &  à l’eau dans les branches  
 facilite leur defféchement par le  foleil;  ce  qui occafionne la carie,  l’atrophie  
 d’abord  des  branches,  enfuite  du  tronc  ;  la feuille  dfijxes ¡arbres  
 devient jaune & le  fruit de mauvaife qualicé  ,  parce  qu’if, n’arrive  
 ni  à fa groffeur ni en maturité. A cet état languiilànt de l’arbre, le Cultivateur  
 ne  connoît  de  remede  que  de  le  couper  au  pied,  ce  qui- fê