
 
		8 8  Olfervations fîir la  Vanille. 
 V° Si'nous parvenons à  nous  procurer le  vrai Mufcadier ,  a  le multiplier  
 ,à le conferver , à le  faire rapporter de bons fruits, les autres nations  
 de  l’Europe  qui  ont  des  Colonies encore  plus  avantageufement  
 fi tuées  que  les  nôtres, ne  tarderont  pas  à  cultiver ce Mufcadier ; r;& la  
 Mufcade,  dont  la  confommation  n’eft  certainement  pas  îmmenfe,  
 devenue  bien tôt  très-commune  &  à  bas  prix  , pe fera  plus  un  objet  
 de commerce utile  ni même  une  culture profitable pour le  Colon.  Or  
 de  pareilles  cultures  manquées, ne  font  pas  feulement préjudiciables  
 par la perte du temps &c des avances, le  Colon fe dégoûte du travail, &  
 enfuite il ne trouve  plus de  prêteurs qui I aident. 
 VF   Je fuppofe encore que  les autres peuples, rivaux de commerce,  
 ne  goûtent  pas  votre  opération,  Sc  vous  laiifent  faire,  avec les Hol-  
 landois, ce  petit négoce de  la Mufcade, il  faut vous  attendre à  cultiver  
 long-temps  le Mufcadier  avant  qu’il  vous  rapporte  les  frais de  
 culture}  i°  parce que les Holiandois  qui  recueillent  beaucoup  plus  de  
 de Mufcades qu’il  ne s’en  confomme ,  qui  en  brûlent prefque tous  les  
 ans,  & à qui  il en coûte  moins pour la culture & le tranfport, font  en  
 état de  la mettre  à fi bas prix,  que  la  vôtre  vous  reftera  ou  fera  donnée  
 à perte;  z°  parce  que fi vous  la  tenez  chere  en France, ce fera la  
 contrebande  étrangère  qui fournira la moitié de votre  ctmfommanon. 
 VIF  Je  yo u s   accorde  que  le  Colon  trouve  un  débit  facile  de  fa  
 Mufcade, & que  le profit de  la vente  foitau-deffus des  frais  de culture  
 &  de  tranfport;  il refte encore  à confidérer ,  fi ce  profit  égalera celui  
 des autres cultures, &fi la culture facile ne fera pas  abandonner des cultures  
 plus difficiles, mais plus profitables à l’Etat, plus aiféesà  conferver  
 pendant la guerre ou à rétablir  après fes ravages. Les opérations que feront  
 alors les Holiandois, ne nous feront-elles pas plus préjudiciables que  
 ce  gain médiocre ;  car ils peuvent ou augmenter d’autres denrées,  ou  
 en  refufant de  nous les  vendre, nous  obliger  à  les  acheter beaucoup  
 plus cher de  la  fécondé main,  ou  en  ne  prenant  plus  chez nous certaines  
 marchandifes, nous priver de la défaite &c du retour. 
 Mais  voilà  affez  d’objeftions pour donner l’idée  de la maniéré  dont  
 ÜÜ feroit à fouhaiter que  les  projets  difpendieux  ou  fujet| à  de grandes  
 conféquences, fuffent difcutés. Voyons maintenant, par l’hiftoire de ce 
 qui  s’eft  paifé  depuis vingt ans,  pour  procurer â  nos Colonies  la  culture  
 du Mufcadier ,  fi  les  recherches & les  eifais  que  nous  indiquons  
 comme  néceffaires  à la réuffite des  entreprifes  de ce genre, font  indif-  
 penlablès pour en apprécier  la poflibilite & 1 utilité. 
 Au mois  d’O&obre  175 3, M. Aubry, Capitaine Armateur du Saint-  
 George ,  venant  de Batavia  ,  arriva  a  ilfle  de  France  avec  plufieurs  
 plants de  Mufcadier ;  ils  furent diftribués  à trois perfonnes, dont  tous  
 les foins  Sc les attentions ne purent les empêcher de périr. 
 M. Le  Poivre,  employé  par  la Compagnie'  des  Indes,  déclara  ,  le  
 premier Oétobre  175 5  , que  l’année précédente ,  17545 a  fon  retour  
 d’un  voyage  aux  Ifles  Manilles,  il  avoit  apporte  a  llfie  de  France  
 cinq  plants de Mufcadier qu’il  avoit diftribués  a  diverfes  perfonnes  de  
 la  Colonie , & qui  étoient péris.  Il me fut  reproche,  lors  de cette  déclaration  
 par M. Le Poivre,  d’avoir  dit que ces plants n étoient pas des  
 Mufcadiers : en effet, je les avois  jugés des Calaba de Plumier, fur  l’ap-  
 perçu d’un de ces plants chez  une perfonne  qui le gardoit dans un entourage  
 affez  grand où je n’entrai  pas, & fur  le refte  d’un de ces plants  
 montré au Confeil par M. le Juge. 
 Le Capitaine  Aubry demanda de  retourner  pour  chercher  de nouveaux  
 Mufcadiers, efpérant que  les plants plus forts ou  plus nombreux  
 qu’il fe propofoit  d’apporter à  ce  fécond  voyage^réuiïirbiënt  mieux ;  
 niais, au  grand regret de cet Armateur,  ceux  qui  avoient  le  droit  de  
 nommer  à  cette  commiifion,  la donnèrent  à  M.  le  Brun , Capitaine  
 de  la Frégate la Colombe,  & à M_  Le  Poivre  qu’il prit  fur  fon  bord.  
 Le  Vaiffeau fut de  retour  à  l’Ifle  de  France, le 4  Juin  1755;  niais  ce  
 ne  fut  que  le  3 o  Septembre  fuivant,  que M.  Le Poivre préfenta  Requête  
 au  Confeil  de l’Ifle, pour  qu’il lui  plût  recevoir &  faire examiner  
 par des perfonnes capables, les graines & plants qu’il  avoit apportés  
 de fon voyage.  J’eus ordre de me  trouver  à  cette  réception, &  voici  
 ce qui fe  paffa  à  mon égard  dans  cette  féance. 
 Nous  étions tous, je crois, animés par le defir de remplir notre devoir  
 &  par notre  attachement  aux  intérêts  de  la Compagnie  ;  mais j’étois  
 le feul dont la  connoiffançe  &c  la  recherche des plantes  fuffent l’occupation  
 principale,  &  celui  dont  le  fentiment  étoit  le  plus  de  confé-  
 quencç  pour  nos  Supérieurs,  ce  qui  me  fit  faire  de  ces  fubftances 
 M