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 rougeâtres,  branchues,  rameufes, noueufes ;  fes noeuds  font  très-rap-  
 prochés ;  la tige  eft  haute  de iix  à  fept  pieds.  Ses  racines  ont  la  péàu  
 brune;  elles  font  plus  ou  moins  grolfes  ,  félon  la  qualité  du  terrein :  
 elles ne font bonnes à  arracher qu’après  quinze mois. La Caifave qu’on  
 en fait  eft  excellente. Si  ce Magnoc  eft  cultivé  dans un champ  où  les  
 eaux  de  pluie  ne  croupiifent  pas  ,  fes  racines  fe  confervent en  terre  
 l’eipace de  trois  années,  fans fe pourrir  ni  fe durcir. 
 Le  Magnoc  mai pourri-noir  forme  la  cinquième  elpece  :  elle  ne  
 différé de la précédente que par fes tiges do nt l’écorce eft brune; d’ailleurs  
 fa racine a les  mêmes  propriétés  que  celle  de  la  quatrième  efpece ,  &  
 ces deux plantes font tout-à-fait femblables. 
 Nous mettrons pour  iïxiéme  efpece  ,  le  Camagncc.  Celui-ci différé  
 de tous les autres Magnocs par fes  racines, qui font  bonnes  à  manger  
 fans  être  râpées, preffées  ni réduites en farine  :  on peut les faire  cuire  
 fous  la  cendre ou  dans un  four,  ou les faire  bouillir ;  de  quelque maniéré  
 qu’on  les cuife,  elles font bonnes à manger  S i peuvent  tenir lieu  
 de pain. 
 Elles n’empâtent point la bouche ,  comme  les cambars  ou  ignams.  
 Ses  racines  font  longues  d’environ  un  pied fur trois  ou quatre  pouces  
 de  diamètre; on  les  arrache  au  bout  de dix mois ; les tiges font hautes  
 de  cinq à  fix  pieds ,  leur écorce eft  rougeâtre;  les  feuilles  font également  
 rougeâtres  en  deifous  S i  fujetes à  être  piquées  par  les  infeétes.  
 Les  extrémités des tiges  chargées de  feuilles, font  dévorées par les vaches; 
   les  chevres &  les  chevaux en mangent auffi avec plaifir.Les racines  
 coupées  par  rouelles,  font  du  goût des  vaches ,  des  chevaux  &  
 des cabris. Quand  les  faifons  font  féches ,  lorfque  le  fourage manque,  
 cette  plante  peut  être d’un  grand  fecours,  pour  nourrir  &  engraiflèr  
 les troupeaux.  On peut nourrir avec fes  feuilles  un  grand  nombre  de  
 cochons  ;  les  racines  peuvent  avoir  la  même  utilité.  Les  habitans  
 d’Oyapoco  mangent ces  racines  rôties. 
 Il y a encore d’autres variétés de Magnoc; & fi on s’arrêtoit aux différentes  
 nomenclatures des différens quartiers que  les Européens habitent, il  
 paroîtroit y en avoir un plus grand nombre par les différens noms  qu’ils 
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 appliquent'aux mêmes efpeces : je n’ai parlé que de celles qui font généralement  
 connues par  les naturels de la Guiane. 
 Des  diverfes préparations  du Magnoc en  farine  ,   Cajfave  ,  
 Galette  ,   Couaque  ,  Cipipa  ,   &c. 
 Lorfque j’arrivai dans la Guiane Françoife,  tous  les  habitans de l’Iile  
 de  Caïenne  Si  de  la  Guiane  n’avoient  point  d’autre méthode  pour  
 râper  la racine  du Magnoc,  que celle  qui leur avoit été  indiquée par  
 les naturels  du  pays  ;  ils  fe  fervoient  d’une  rape  faite  avec  la  planche  
 d’un bois blanc &  peu  compaéte; dans  cette planche,  on  implan-  
 toit  de petits morceaux irréguliers de  lave ou pierre  de  volcan , nommée  
 à  Caïenne , Grifon ; alors  les  pores  de  la planche  étant  imbibés  
 d’eau , fe gonfloient, & par ce moyen, les petits éclats de lave fe trou*  
 voient preffés:  on promenoit la racine fur  cette rape  en appuyant  fortement. 
  Les nègres étant  obligés  d’appuyer leur poitrine  fur'  la  planche  
 pour  la  contenir,  leur  fueur  pouvoir communiquer  des  maux  à  
 ceux  qui mangeoient cette farine. Je fis exécuter aux habitations Regis  
 &  Boutin  la  roue  à'  râper  le  Magnoc  ,  que  M.  de  la  Bourdonnais  
 avoit donnée  aux  habitans des IfleS de France Si  de Bourbon  ,  ôc  dont  
 on trouve la defcription  S i  la figure  dans Pifon, Hiftoire  naturelle  du  
 Bréfil : l’on reconnut  que  trois  perfonnes faifoient le  travail  de douze.  
 On  pourroit encore  renfermer  cette roue  dans  une caiffe,  à la partie  
 fupérieure  de  laquelle  on  conftruiroit une  boëte  qu’on  rempliroit  de  
 racines; on  y  emboiteroit  un madrier  affez  pefant pour  faire avancer  
 le Magnoc  fur la  rape  à mefure  que  la  roue  tourneroit  ;  par - là  on  
 économiferoit  encore  le  temps  du  nègre,  qui  préfente la  racine  à  la  
 rape  ,  S i on  éviteroit le danger qu’il court de s’écorcher les doigts à la  
 rape  ,  lorfqu’il  veut  l’employer  toute  entiere.  Comme  cette  racine  
 n’exige pas une force fupérieure, le  courant d’un ruiffeaupourroit faire  
 tourner la  roue, S i on gagneroit par ce moyen le  temps d’un nègre. 
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