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 nous  lui  voyons. On fait pourtant, & Geoffroy nous le répété ;  qu’on  
 y  trouve  fouvent  enfermes,  non - feulement  de  petits  coquillages  ôc  
 des  pierres,  mais  encore  des  os  d’animaux  ,  des  becs  ôc  des  ongles  
 d’oifeaux,  bien  plus ,  des  rayons  de  cire  d’abeilles  encore  chargés  de  
 leur miel ,  &  enfin  d’autres  fubftances  qui  indiquent  vifiblement  que  
 l’état  de  fluidité  ou  de  molefle  étoit  l’état  primitif de  l’ambre  gris.  
 Mais  fi l’ambre gris  fortoit fluide  du fein de la terre ,  ôc qu’il  fût  tranf-  
 portc  de-la,  comme  on  le  dit,  dans  la mer,  comment y  trouveroit-  
 on  enfermés  des  rayons  d’abeilles,  ôc  comment  les  eaux  de  la  mer  
 n eh auroient-elles pas diffous  le  miel ?  Il nous femble  donc  que  tous  
 ces  corps  étrangers  que  l’ambre-gris  entraîne  avec  lui  ;  tout,  en  un  
 mot,  jufqu a  la forme de fes pains plus ou moins arrondis,  annoncent  
 une  matière  d’origine végétale, & qui, lorfqu’elle  étoit  encore  fluide  I  
 ou molle  ,  a découlé  à  terre & au pied  de l’arbre qui l’a produite. 
 De ce  que  l’ambre gris,  trouvé  dans  la mer,  ou  celui  que les flots  
 ont jette fur  la côte ,  ne  reflemble pas  parfaitement à  la  nouvelle Réfine  
 dont il  eft ici queftion ,  on n’en  doit pas cependant conclure  que  
 celle-ci n’eft point  fa  congénère.  Il  eft  à préfumer que  les  eaux  de  la  
 mer, où  l’ambre gris  a féjourné  fouvent  très-long-temps,  &  les tranf-  
 ports  confidérables  qu’il  a  foufferts fur  les flots, puilqu’oq  en  a trouvé  
 fur  les  côtes  d’Angleterre ,  d’Ecofle  ôc même  de  la  Norwége  ,  ont  
 pu y  opérer quelque changement,  ôc être la feule  caufe  de cette différence. 
 Rumphius, dans  fon Herbier d’Amboine,  fait mention  d’un  genre  
 d’arbres connus fous le  nom générique de Canarium  ou  Canari,  dont  
 il donne  une  defcription  très-détaillée,  ôc dont  il  fait  plufieurs  efpe-  
 ces.  Ces arbres,  dit il,  donnent  deux  Réfines,  l’une  blanchâtre,  qui  
 découle  du haut du  tronc  ôc des greffes branches,  où on la trouve fous  
 la forme d’une matière  féche  ôc aride  comme de la  chaux ou  du  camphre  
 en grains,  ôc l’autre qui fort  du  bas  du  tronc  ôc  du  pied  de  far.  
 bre  ;  celle-ci  eft  plus  ou  moins  glutineufe  &  gradé  ,  plus  ou  moins  
 grife  ,  noire  ôc  colorée.  Lorfque  cette matière réfineufe  a  coulé  &  
 s eft  imbibee dans la terre ,  elle  y  prend  une  odeur  d’ambre gris>  fou-  
 vent  très^caractérifée. 
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 Cet  Auteur  fait mention  ,  entr’autres.,  de  deux  efpeces  de  ces  arbres  
 ,  qu’il appelle  Nanarium  minimum  five oleofum,  en  langue Ma-  
 laife ou du  pays , Nanari minjac ; ôc Canarium odoriferum, en  Malais  
 Camacaan.  Ce  font  ces  deux  arbres  qui, non-feulement donnent une  
 Réfine dont l’odeur  approche beaucoup  de  celle de  l’ambre gris, mais  
 qui eft telle , qu’on a  cru  fouvent que c’étoit-là  véritablement la fource  
 ôc l’origine  de cette Réfine. 
 Cet  arbre, dit-il,  en parlant  du Nanari,  s’élève  droit  ôc fort haut.  
 Il n’eft pas  commun, même dans  les  lieux  où on le  trouve.  Il aime les  
 terreins pierreux, élevés, ôc le voifinage de la mer. Il croît à Amboine, j  
 mais  fur-tout à Manipa  , Kelanga ôc  à  Bonoa :  l’huile  ôc la Réfine qui  
 ep,découlent dans, ces  derniers  endroits, font plus  abondantes  ôc  plus  
 odorantes qu’à Amboine. 
 Cette  Réfine  prend fur-tout l’odeur  ôc la  reffemblance de  l’ambre |  
 lorfqu’elle a  découlé à terre, qu’elle s’y  eft imbibée ou qu’elle  en a  été  
 recouverte. On découvrit,en. 1681  , un petit  terreinà Manipa, auprès  
 d’un lieu  appellé  Luhu,  qui  avoit finguliérement  cette  odeur.  On  le  
 nomma Terre  d’Ambre.  Les  habitans  ont  cru  long-tems  que  c’étoit  
 l’odeur  propre de cette terre , &   cela d’autant plus ,  qu’ils  ne voyoient  
 point d’arbres autour  quieuffent pu lui  communiquer,cette propriété  
 ôc que  le  terrein  qui  répandoit  une  telle  odeur,  étoit  d’un  très-petit  
 efpace.  Le  Propriétaire  s’étoit  perfùadé  qti’il  poffédoit-là  une  fource  
 d’ambre; mais on s’eft apperçu dans  la fuite,  à  force de recherches  ôc  
 en  creufant,  que  cette  odeur  étoit- fuperficielle  ôc  étrangère  au fol I  
 ôc que  la  terre  la contraftoit  du voifinage  ôc  auprès du Canari  odoriférant  
 ,  ôc  fur-tout  du  Nanari,  dont on  trouva plufieurs  arbres  dans  
 cette Ifle. 
 Rumphius [a) préfume  auffi , qu’il croît à l’Ifle Maurice des  arbres qui  
 donnent une Réfine  femblable,  ayant  l’odeur  de  l’ambre  gris.  « Ces  
 »  arbres ,  écrivoit un  jour  le Faéteur Hollandois  à fes Supérieurs ,  font  
 »  très confidérables.  Ils  viennent fur  le  rivage ôc pouffent  leurs racines  
 »  principalement du  côté  de  la  mer. Il en  tranfùde  une  gomme odo-  
 »  raqte, qui, découlant dans  la mer  ôc s’y  mêlant  avec  le  cailloutage,  
 (a) Rumphius. p. 16+ Si 16;.