que nous avions vu fuivre fon maître dans toutes fes her-
borifations 4 au milieu des neiges & fut les monts, glacés
du détroit de Magellan -, & porter même dans ces mar^
ches pénibles provifions dé bouche, armes & cahiers de
planta avéc Un Courage & une forcé qui lui avoient
mérité du Naturalise le furnom de fa bête de femme f
Il fallait qu’une feëOë qûife pàffa à Taiti, changeât te
foupçon én certitude. M<- de Cofnmerçon y dépendit
peur héïbarîfëf -, à peine Baré qui le ftiivoït avec les cahiers
fous fon bras , eut mis pied à terre , que les Tai-
tiens féntourënt, crient que c’eft une femme & veulent
lui faire lés-honneurs de | ÉÉ Le Chevalier de Bournand,
qui étoit dé garde à têrre, fut obligé de venir à fon fe-
coUrs & dè' l’efeortet jufqu’àu bateau. Depuis ce tems il
étoit affe'z difficile d’empêchër que les matelots n’alar-
mafferit quelquefois fa pudeur. Quand je fus à bord de
l’Etoile#Baré lesÿeüx baignés.de larmes, m’avoua quelle
étoit fille ; elle me dit qu’à Rochefort elle avoir trompé
fon maître en fe ptéfentânt à lui fous des habits d’homme
au moment même de fort embarquement,- qu’ell© avoir
déjà ferVi comme laquais un Genevois à Paris ; que née
en Bourgogne & orpheline, la perte d’un procès l’àvoit
réduite défis la mifète & lui âvoit fait prêndfe le parti de
déguifèr fOn fe*é, qu’au réftfe elle fàvoit en S’embarquant
qu’il s’agiffoit de faire le tour du Monde, & que. ce
voyage âvoit piqué fa curiofité. Elle fera lâ prêmiefe', &
je lui dois la jufticë quelle s’efi toujours conduite à bord
âvet la plus fcfupuleufe fageffe.- Èllé n’èft ni laide ni
jolie & n’a pas plus de vingt - fix oü Vingt - fept ans*
Il faut convenir qüé fi lés deux vàifféaux èüffent fait naufrage
fur quelque île défertê de ce vafte Océan, la chance
eût été fort finguliere pour Baré.