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dents, & l’on apperçoit des petites ouvertures, tant à la mâchoire fupérîeure
qu’à l’inférieure, defquelles s’exprime une matière vifqueufe. Les yeux font
petits, & recouverts d’une membrane clygnatante; la prunelle eft noire,
& l’iris de couleur d’or. Les opercules des ouïes fe réuniffent au tronc par
le moyen d’une peau ; & la petite ouverture des ouïes à la forme d’un
croiffant, & eft placée tout près de la nageoire peétorale. Le tronc, qui
eft étroit & long, eft rond au dos & au ventre, & un peu comprimé par
les côtés. La ligne latérale, qui eft au milieu, a une direéïion droite &
des points blancs. La couleur de ce poilfon dépend, comme chez la plupart,
de la différente nature des eaux qu’il habite. Il eft noir lorfqu’ii habite
dans des eaux dont le fond eft bourbeux, & le ventre feulement eft
jaunâtre. Celui qui vit fur un fond fablonneux eft verd ou brunâtre, & a le
ventre argentin. Ce dernier eft le Jilbereel des Anglois. Hafelquijt a vu une
anguille dont le dos étoit garni de petites lignes brunes, qui formoient
des taches dans quelques endroits où elles étoient près les unes des
autres a). La peau eft très-fouple, & garnie d’écailles longues & molles,
qui ne font vifibles que fur l’anguille fèche. J’en ai fait repréfenter deux :
l’une de grandeur naturelle, & l’autre vue au microfcope, prifes fur une
anguille longue de deux pieds. Les nageoires, du dos & de^J’anus font
longues & étroites. La première, qui eft réunie à celle dè la queue, eft
rougeâtre fur les bords; la dernière eft blanche. Les nageoires pectorales
font petites, rondes, & ont une couleur un peu plus claire que le corps.
L’anguille forme le palfage des poilfons aux amphibies rampans,
fur-tout aux vipères, à l’égard de la forme extérieure, du mouvement
rampant, du corps vifqueux & du fommeil dans lequel elle eft enfévelie
pendant l’hiver; & c’eft fûrement la raifon pour laquelle Homère paroît la
retrancher du nombre des poilfons ¿).: jC’eft fans doute auffi par la même
' raifon que les Groenlandois ne la mangent point, & ne fe fervent que de
la peau, dont ils font des bourfes pour leurs balles de plomb c ). Les
Romains n’en faifoient non plus aucun cas félon le témoignage de
Juvênal d'~): Les Béotiens au contraire, l’eftimoient à tel point, qu’ils
l’ornoient de guirlandes, & la facrifioient aux Dieux c).
Nous trouvons l’anguille dans prefque tous les lacs & rivières. Il n’y a
que deux fleuves en Europe, d’ailleurs três-poilfonneux, dans lefquels on
ne la trouve que rarement; favoir, le Danube f ) & le Volga. Selon Pline,
elle
a) Palæftina. p. 371. n. 67* colubr*; vernula viparum pinguis torrente cloaca.
h) Illiade. Lib. XXI. ' e ). Richter. . Içhth. p. 8PJc)
O. Fabr. Faun. Groenl. p. 137. / ) .K/wn. Elench.p.3Zi.Marfig.Danub,IV.p.5.
d) Sut. V- Vos anguilla manet longs cognata
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elle habite le Gange g ') , & félon Sloan, la Jamaïque ; du moins ne
trouve-t-il aucune différence entre l’anguille de ce pays & celle d’Europe A)-
Ariftote a remarqué que l’anguille paffe des fleuves dans la mer i ) .
Obfervation confirmée par Gronov & Richter. Le premier rapporte qu’on
la pêche en Hollande dans la mer du Nord k ) , & le fécond, qu’au
printems, elle aime à paffer dans la mer, & qu’on la prend non feulement
en quantité dans la Baltique, mais auiïï que l’eau falée lui donne un
bon goût Z). ‘ Pendant l’hiver, elle fe cache dans la bourbe, & y refte
en grandes troupes. Au printems, elle quitte les lacs, & paffe dans les
fleuves. Chez nous, c’eft particulièrement en Mai qu’elle defcend dans
l’Oder & dans la Varte, & quelle va jufqu’au Haf. Nous la trouvons auffi
dans la Sprée, la Havel, l’Elbe, & dans les lacs qui y répondent. Le bruit
des moulins ne l’épouvante pas: elle fuit l’auge des moulins; ce qui donne
occafion aux meuniers de la prendre, par le moyen des poches qu’ils
placent derrière les moulins. Dans cette faifon, la pêche des anguilles eft
três-confidérable dans plufieurs endroits, fur-tout près de l’embouchure
de la Schwinemünde fur la Baltique, & dans les environs de l’Oder près
de Sonnenbourg, Limmritz, Krifchitz & Küftrin. On en prend une fi
grande quantité dans ces pays, qu’on ne fauroit les débiter fraîches;
c’eft pourquoi on en fume la plus grande partie m). On les Vend enfuite
aux pêcheurs étrangers, - qui en conduifent des chariots remplis en Saxe,
en Siléfle &c. H en vient fouvent aux marchés de Berlin cinq àfix chariots
à la fois. On peut juger par-là combien cette pèche eft avantageufe pour
ces contrées. Cependant depuis qu’on a conftruit la chauffée de l’Oder, on
n’en prend plus tant dans ces environs. Auparavant, dans les marais de
l’Oder, on en prenoit quelquefois fix cents & plus en une nuit. Elles font
auffi fort communes dans le Jütland : car un favant de ces contrées dit
qu’il y a dans ce pays une anguillière, où l’on prend quelquefois deux
mille anguilles d’un feul coup, parmi lefquelles il s’en trouve qui pêfent
neuf livres & plus. Cette pêche doit être auffi très-importante en France
& en Angleterre. On rapporte que dans la Garonne, on en prenoit
autrefois jufqu’à foixante mille en un jour avec un feul filet, & lorfque
Rockingham fut nommé membre du parlement, il fit mener treize tonneaux
d’anguille pour un repas qu’il donna n). Près de Workum en Frife, on en
g ) Nat. Hift. lib. 9. cap. 3,
h) Jamaic. II. p. 27 8.
i ) Hift. Anim. lib. 6. cap. 14.
k) Muf. I. n. 45.
/ ) Ichth. p. 349,
Pan. I I I .
m) Autrefois on la fechoit à l’air & au foleil:
mais comme alors elle fe corrompt aifément par un
tems humide, on aime mieux la faire fumer pendant
vingt-quatre heures dans des fourneaux faits exprès.
n) Martini Nat. Lex. Tom. I. p. g.
B