Août, & même un peu plus tard, fuivant la fàifon. En Amérique, on le
pêche en abondance dans les mois de Mai, Juin & Juillet d).
L’efturgeon eft un des plus gros poiffons. On en a pris à l’embouchure
de l’Elbe qui avoient dix-huit pouces de long e ) ., Mr. G enq, directeur
général de la monnoie, m’a affuré qu’on en avoit pris dans l’Oder, près
de Breslau, qui pefoient jufqu’à deux cents livres. Dans l’Oby, enSybérie,
ils font fi gros, qu’un mâle a quelquefois deux cents livre's d’oeufs & une
femelle cinquante livres de laites f ) . En i y go, on en prit un en Italie qui
pefoit cinq cents-cinquante livres, & dont le duc Carpinetto fit préfent au
pape g ). En Norvège, on en a dont la tête feule fournit une tonne
d’huile li); & on en a quelquefois péché qui pefoient mille livres z).
Ce poiflon a la chah graffe & de bon goût; cépendant au printems,
où il n’eft pas gras, le goût n’en eft pas fi bon que lorfqu’il a refté quelque
tems dans les fleuves & qu’il s’y eft engraiffé. Celui qu’on prend en Eté,
eft le meilleur : fa chair eft doucereufe, & a beaucoup de reffemblance
avec celle du Veau. On mange l’efturgeon fiais, falé ou mariné. Les
Norvégiens le coupent aufli en longues bandes, & en font du roeckel.
Comme il eft ordinairement gras, il offre une nourriture difficile à digérer;
& dangereufe pour les perfonnes foibles & maladives.
Les • efturgeons qui ont paffé l’hiver dans les fleuves, retournent en
Eté dans la mer. Le tems du fiai tombe en Avril & Mai. La grande
quantité d’oeufs & de laites, dont nous avons parlé, fuffit pour faire juger
qu’il multiplie beaucoup : car combien n’y a - tr ij pas de millions d’oeufs
de la groffeur d’un grain de chenevis dans une malle de deux cents
livres ? Quelle doit être la quantité plus innombrable encore des animaux
fpermatiques dans une laite de cent cinquante livres ? puifqu’une feule
partie qui tient fur la pointe d’une aiguille, en contient une quantité
innombrable k).
L’efturgeon étoit en grande confidération chez les Grecs & les
Romains : car félon Athénée l ) , c’étoit le meilleur morceau dans tous les
grands, repas. Selon Pline m ), on l’apportoit fur les tables fomptueufes
avec beaucoup de pompe & de cérémonies : on l’ornoit de fleurs & de
guirlandes; & ceux qui le portoient, étoient couronnés de fleurs, & une
mufique inftrumentale les accompagnoient. Ce poiffon fe vendoit aufli
très-cher
d) Penn. B. 2,. III. p. la 5. jf ) Rondel. H. des PoiíT P. II. p. 173. Millier.
e ) Schonev. Ichthv p. 9. , L. S. III. p. 28 8-
f ) Richter. 719» jfc) Voyez la première partie» p. 102.
g ) Au livíe cité. I ) Lib.' 7. cap. 15.
h) Pontopp. Norw. H. p. 489. th) 11. N. lib. 9. cap. 7*.
très-cher à Rome: car Ovide \m donne l’épithète de noble n ), & Cictron
n’auroit pas fait des reproches de gourmandife à ceux qui le mangeoiënt o).
De nos jours, il eft encore fort eftimé dans nos contrées. En 17 13 , on
le vendoit à Rome quatre fcudi, & le cardinal Gualthen en a payé un
foixante & dix fcudi p ).
En Ruflie, on fait un commerce confidérable du caviar q ) dans les
pays étrangers. On l’envoie en quantité àConftantinople, en Italie, & dans
les autres contrées de l’Europe. A Aftracan feulement, on en fait
quelquefois en une feule année cent tonnes & plus. Ojgjprépare le caviar
de la manière fuivante : On lave les oeufs lorfqu’ils font encore frais, en
les frottant doucement avec les mains dans un tamis ferré. Enfuite, on
met une poignée de fel pour chaque feau d’oeufs ; ofi remue bien le tout
enfemble, & on le place dans un endroit chaud, afin que les oeufs
s’imprégnent auflitôt beaucoup de fel r). Ce caviar eft différent de Celui
pour lequel on emploie une grande quantité de fel. Il y en a encore une
autre efpèce que l’on nomme le caviar preffé. Pour faire ce dernier caviar,
en ne le frotte pas de la manière précédente; mais quand il eft ôté du
poiffon, on le laiffe pendant trois jours dans une faumure ; puis, on le
frotte fur une écorce d’arbre, pour le faire enfuite féchër au foleil s)-.
Après cela, on le met dans des tonneaux. Entre le caviar falé & le preffé,
il y en a un autre qui tient le milieu, & que l’on nomme caviar à morceau.
Voici de la manière qu’on le prépare: Après avoir frotté les oeufs.& les
avoir mis.dans une forte faumure, on les jette dans des facs de coutii, &
on les preffe r). On prépare aufli du caviar de cette manière avec les
oeufs de filme & ceux des autres poiffons d’eau douce.
En Italie, on coupe l’épine du dos en tranches, que l’on fale & que
l’on fait fumer. Ëfle paffe pour un bon manger, & eft connue fous le nom
dechinalia ou Jpinachia. Dans ce pays, on fale aufli & on marine ce poiffon.
Les morceaux du ventre font fur-tout fort eftimés.
L’efturgeon vit d’aunes poiffons, & pourfuit, fur-tout en Norvège,
félon Pontoppidan, les harengs, les faumons, les maquereaux & les colins,
quand ces poiffons cherchent les côtes pour frayer. Comme la nourriture
de ces différens poiffons influe fur fa graiffe & fa chair’, les pêcheurs
Norvégiens lui ont donné différentes dénominations, ainfi que les Suédois
n) Taque peregrinis Acipenfer nobilis undis. p ) Richter. Ichth. p. lo i .
V. 132. q) Les Ruflifens le noMment : Ikari.
o) O PubliyO gurges, Geloni es homo mi/ir, r ) — — ;— — , . t --’ . Ser'nijla Ikra.
inquit, Caenafti invita nunquam bene cum omnia s ) — — — —---------- Pujusnaja Ikra.
ihifio Confumis, fquilla, atque acipenfer cüm 'de- * ) — ———• — - Mcfchech’najaîkra.
cumano. De Finib. lib. 3.
Part. I I I . Y