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nature^eût donné deux membres de génération à ces animaux, parce
qu’ils fe nuiroient mutuellement, à raifon de la petite ouverture de la
matrice, & rendraient l’accouplement impoffible. Il eft vrai que la plupart
des créatures ont des membres & des fens doubles; mais ces membres
font diftribués de manière que chacun d’eux eft indifpenfabie, ou du moins
qu’ils ne fe nuifent point dans leurs fondrions. Quoiqu’une chofe paroiffe
vraifemblable, il faut cependant que l’expérience feule conduife à des
preuves ; c’eft pourquoi j ’ai prié mes amis, qui demeurent dans des
villés maritimes, de me procurer des rayes & des requins. Il y a quelques
années que Mr. Spengler, infpeéteur du cabinet du roi, à Coppenhague,
m’envoya une raye bouclée u ) mâle, dont je donne ici la defcription
anatomique. Elle prouvera que les prétendus membres font plutôt des
mains ou des pieds, que des parties deftinées à la génération, & qu’ils
fervent plutôt à embraffer la femelle pendant l’accouplement. Comme chez
les quadrupèdes, les pieds de devant font auffî cet office, je leur ai donné
le nom de pieds, & j’elpère que la diffe&ion de ces parties juftifiera
cette dénomination. ÎKillughby v) , Artédi x ) & Klein y ) ont aufli
difféqué ces poilfons ; mais il faut qu’ils n’aient pas examiné ces parties
allez attentivement, fans quoi ils n’auraient pas méconnu leur deftination
& leur véritable ufage. Le pied qui articule avec l’os pubis, par le moyen
de la cuilfe, conlifte dans des parties folides & molles, & on y voit un
petit canal au bord extérieur. Les premières font les nageoires de l’anus,
un corps glanduleux & deux- mufcles forts. A la partie lùpérieure du
pied, on remarque fous la peau, une partie élevée, qu’on peut faire aller
& venir fous cette même peau. Si l’on ôte la peau extérieure, on voit
paraître une bourfe mufculeufe, qui, lorfqu’elle eft ouverte, découvre une
glande, qui eft longue. Je l’y ai trouvée alfujettie de tous côtés par
la membrane celluleufe. Au milieu, j’apperçus un canal, dans lequel
il y avoit plufieurs petites ouvertures rondes, arrangées en deux raies,
dont chacune fe trouvoit toujours placée vers l’efpace vide qui étoit entre
les deux du côté oppofé. En preffant cette glande, j ’en exprimois une
férolité blanche; & malgré tous mes foins, je n’ai pu appercevoir aucun
paffage qui put conduire cette férofîté dans un autre endroit. Seulement
vers la partie intérieure du fac mufculeux, vers le bas, on trouve un trou
oblong, qui s’ouvre fur le côté extérieur, & eft joint avec le canal qui fe
trouve au bord extérieur du pied. Klein regarde ces glandes comme des
tefticules;
u) Raja clavata. L, 4 x ) Spec. p.. 103.
v) Icht. p. 77. ' y ) MiiT Pifc. III. p. 37.
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tefticules; mais il avoue qu’il n'a pu y trouver aucune communication avec
les reins, ni avec les vaiffeaux lpermatiques, quoiqu’il ait cherché à plufieurs
reprifes cette communication, en fouillant & injectant la liqueur ç). Si
l’on ôte la peau du pied, on voit d’abord deux mufcles, dont l’un eft
long, & l’autre court; puis, on découvre onze os. Comme les premiers
font affujettis aux féconds, jevais décrire ces derniers, afin d’en donner
une idée plus claire. La partie folide du pied confifte en trois pièces;
favoir, la partie fupérieure, la moyenne & l’inférieure. La fupérieure,.
qui repréfente la cuilfe, eft compofée de quatre os, qui font placés les
uns fur les autres : le fupérieur forme une articulation avec l'o.v pubis; &
linférieur avec la jambe. La fécondé partie eft compofée de deux os longs
à lajambe, & du péroné. On remarque encore aux jambes deux cartilages,
dont l’un va en long & ferme le canal dans quelques circonftânees; &
1 autre, qui a la forme d’un crochet, Va jufqu’à la fin du pied. La partie
inférieure eft compofée de cinq os, que je décrirai en peu de mots.
Le premier a la forme d’une faucille; le fécond reffemble à un calqué;
le troifîème, à un ver; le quatrième, à un équerre, & le cinquième, à
une pelle. Tous ces os s’éloignent les uns des autres par le moyen des
deux mufcles dont nous ' avons parlé, & fe retirent par le reffort du
cartilage & de la forte membrane qui les lient. L ’un de ces mufcles eft long
& étroit; & l’autre, court & large. Ce dernier couvre le péroné & une
partie de l’os de la jambe, auquel il eft uni par fa partie fupérieure. Le
premier, eft attaché par fon extrémité fupérieure à fos de la cuilfe; il
defcend le 'long de l’os de la jambe, dont il couvre la longue partie
cartilagineufe, & il fe réunit par deffous à la plus courte : l’un & l’autre
fe terminent à l’o s, qui a la forme de la pelle. Quand les mufcles fe
retirent, il arrive que les cinq os, qui font réunis par de fortes bandes,
s’éloignent tellement les uns. des autres, que le pied prend la forme
d’une griffe.
D’après la defcription que nous venons de faire de ces parties dont
font compofés ces prétendus membres de génération, on voit qu’ils ne
font point du tout ce qu’on les a crus; vu qu’il ne faudrait pas pour cela
tant d’os, d’articulations, de membranes, de corps élaftiques, de glandes
& de mufcles; & d’ailleurs, étant trop gros & doubles, ils ne peuvent
avoir été deftinés à ce but. Ils font plutôt donnés au mâle pour faifir la
femelle & s’y attacher. Car comme chez ces poiffons les oeufs éclofent
dans 1 intérieur du corps de la mère, ils.ne peuvent pas, comme ceux
des autres poiffons, être fécondés après en être fortis. Par conféquent,
{) MiiT. Piib. IIL p. 4ti