H î D e l à D o r a d e . . .C h i n o. i .s e .
La tête eft de moyenne groffeur. Les narines, qui font doubles &
larges font placées près des yeux. Ceux-ci ont une prunelle noire; &
l’iris jaune. Le refte de la tête eft rouge.par en haut, & jaune d’or des
deux côtés. L’opercule des ouïes coniifte en deux petites plaques. Le dos
eft rond, & on y remarque diverfes taches noires; des deux côtés, il eft
dun rouge mêlé de jaune, & le ventre eft rougeâtre, avec un mélange
de couleur argentine. Le tronc eft couvert de greffes écailles. La ligne
latérale a une direétion droite près du dos. Toutes les. nageoires font
rouges comme du carmin. La nageoire de la queue eft fourchue. Cependant
je ne connois aucun poiffon où les nageoires foient fi variables que dans
celui-ci. J’en poffède un dont la.nageoire du dos n’a que deux rayons;
dans d autres elle manque entièrement, comme à celui qui eft repréfenté
fur la XCIVèlne planche. Un autre encore a feulement une élévation au lieu
de nageoire, & un troifième à deux élévations femblables. Dans un, la
nageoire de l’anus eft double, & celle de la queue comme une fourchette
à trois pointes, ou fourchons, comme on peut le voir aux fig. i & 2 de
la planche citée. Dans un autre encore, cette dernière nageoire eft
extrêmement longue, & les autres nageoires font plus longues qu’elles ne
le font ordinairement. Les deux nageoires de l’anus font placées près
lune de l’autre; mais la partie fuperflue de la nageoire de la queue croît
communément au milieu du . côté. D femble que lorfque la force de la .
nature diminue d’un côté dans la produétion, ou le développement des
nageoires, elle s’augmente de l’autre : cela dépend probablement du plus
ou moins de foin qu’on prend en nourriffant ces poiffons. Une chofe
remarquable, c’eft que les couleurs de ce poiffon changent avec Ton âge.
Dans les premières années, elles font ordinairement noires ; couleur que
la nature offre affez fouvent dans le genre minéral & dans les quadrupèdes,
très-rarement dans les infeétes, les oifeaux & les plantes, mais jamais
dans les poiffons, excepté dans celui-ci. Dans le cours de quelques
années, ils offrent ordinairement des points argentins, qui augmentent
infenfiblement jufqu’à couvrir entièrement l’animal. Après cela, il devient
rouge, & s’embellit à mefure qu’il avance en âge. Cependant, il arrive
auffi quelquefois qu’il devient rouge avant que de prendre la couleur
argentine; quelquefois aufii, il eft rouge dès le commencement.
Ce poiffon eft fans contredit le plus beau & le plus fuperbe animal des
habitans des eaux. J’avoue qu’à la première vu e , j ’ai été frappé de fon
éclat, quoique je poffède plufieurs beaux poiffons étrangers. Car à travers
du bocal, où je le reçus dans de l’eau, il avoit une' couleur lumineufe,
femblable à celle d’un charbon ardent. Mais ma joie ne fut pas de
longue
D e l a D o r a d e C h i n o i s e . 113
longue durée; car à peine eut-il refté quelque tems dans de l’eau-de-vie,
que préfque toute fa couleur difparuit : circonftance qui fait croire que
cette couleur vient d’une matière vifqueufe dont le corps du poiffon eft
enduit; car l’eau-de-vie fe. teignit de la couleur du poiffon, à mefure
qu’il la perdoit. J’ai remarqué la même chofe à la loche de marais : elle
perdit la belle couleur jaune du ventre dans les endroits où j ’avois ôté la
matière vifqueufe, en la tenant dans mes mains. Ce qui me confirme
encore davantage dans cette opinion, c’eft que le poiffon conferve cette
couleur quand il eft féché ou empaillé. .Alors la matière vifqueufe refte,
& le .poiffon Conferve fa couleur naturelle, moyennant qu’on le verniffe.
Les gens riches de la Chine & du Japon, qui le regardent comme un de
leurs plus beaux poiffons, le gardent comme un ornement dans leurs
étangs & haflins. Ils en tiennent aufii dans des vafes de porcelaine. Il
fert fur-tout de récréation aux Dames de qualité : elles s’amufent à le
le nourrir, & à voir les mouvemens rapides qu’il fait dans l’eau. Ce
poiffon eft originaire d’un lac qui eft peu éloigné de la haute montagne
qu’on nomme TJienking , près de la ville de Tchanghou, fituée dans la
province de The Kiang, à trente degrés vingt-trois minutes de la hauteur
du pôle. De là, il a été traniporté dans les autres provinces de cet Empire,
ainfi qu’au Japon & en Europe. A préfent, on le trouve non-feulement en
Angleterre & en France, mais auffi en Hollande & dans plufieurs villes
de l’Allemagne. ,11 fut apporté en Angleterre l’an 16 1 1 , & en 1738, il y
étoit déjà généralement connu a).
Mr. Grewe, négociant à Hambourg, Madame la Comteffe de Goes, en
Carinthie, & Mr. le Bourguemaître Oelrichs, à Brème, ont confacré des
étangs particuliers à! ces poiffons. Mr. Oelrichs a écrit à ce fujet ce qui
fuit à Mr. le docteur Wichelhaufen, qui demeuroit alors à Berlin : “ Je
,-, poffède un affez bon nombre de dorades chinoifes, qui font provenues
„ de huit que j ’ai reçues de Mr. le Doyen Rouwe. Je les garde dans, un
„ petit baffm d’environ trente-fix pieds de lo n g q u e j ’ai fait creufer
„ exprès, où elles vivent très-bien; & je n’ai pas remarqué qu’il en Toit
„ mort une feule. Les huit premières, qui avoient un demi-doigt de long
„ lorfque je les reçus, ont déjà tellement groffi, que deux d’entr’elles font
„ comme des petits harengs. Les petits qu’elles ont fait ne croiffent pas
„ fiv îte ; peut-être parce que le baffm en eft trop rempli. Les huit
„ premières étaient noirâtres lorfque je les reçus. A préfent, deux font
„ toutes rouges; une autre commence à le devenir, & n’a plus que le
„ dos noir; les autres ont confervé leur couleur. Parmi les jeunes, j ’en
a) Penn. B. Z. III. p. 374.
Part. I I I p f