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S’il arrive qu’un tems pluvieux empêche les illanken d’entrer dans ï l l l ,
& que le tems de reproduire leur efpèce foit venu, ils n’en fraient pas:
moins ; mais ils cherchent toujours pour cela les endroits où le fleuve
coule avec le plus de rapité, & où il y a le plus de pierres ou de cailloux.
Ils répandent le frai tout d’une fois en long; parce que les oeufs font
enfermés dans un fac ; de forte qu’on peut en voir une longue trace
quand l’eau eft claire. Selon les témoignages des pêcheurs, les petits ne
fortent de l’oeuf que quarte femaines après le frai.
L’illanken que j’ai aéluellement fous les yeux, pèfe trente-une livre;
mais ce n’eft pas encore des plus gros ; car il y en a qui en pèfent
quarante à quarante-cinq. D’après cela, on peut penfer que ce poiffon
devient affez vieux: mais aucun pêcheur n’a pu me déterminer fon âge.
La grande quantité d’oeufs que ïillanken produit en une fois, devroit faire
penfer qu’il multiplie beaucoup; mais il arrive tout le contraire: car il y
a trop d’animaux qui cherchent fon frai. Ce qui échappe au brochet,
devient la proie de l’anguille, de la lote & des canards fauvages; de forte
qu’il n’en peut éclorre qu’une très-petite partie. Les poiffons qui en
éclofent, avant que d’être arrivés dans le lac, font dévorés en grande
partie par le brochet, ou par les autres poiffons voraces. De forte que de
plufieurs millions d’oeufs que fait un de .ces poiffons chaque année, il n’y
en a que quelques milliers qui viennent à bien ¿).
On prend ïillanken au filet & à la naffe. Au mois d’Avril, il fort des
fonds du lac de Confiance, & entre dans la partie du Rhin qu’on nomme
le vieux Rhin, au haut du lac, à l’endroit où ïAach fe jette dans le lac.
Alors les habitans de Gaifau forment leurs parcs. C’eft dans cette contrée
que l’on prend le plus grand nombre de ces poiffons." Comme ces parcs,
font dreffés dans quelques endroits contre le cours du Rhin de Gaifau à
Feldkirch, il ne fera pas inutile d’en donner une idée. On forme des deux
côtés du Rhin jufqu’au milieu, où il eft le plus profond, deux cloifons de
bois entrelacés, hautes de fix à fept pieds, & on les affujettit dans l’eau
avec des pieux; de manière qu’il ne refte qu’une ouverture de trois pieds
pour l’écoulement de l’eau. A cette ouverture,'¡ion adapte un verveux
très-fort, qui a des mailles de deux à trois pouces en quarré. Ce vérveux
eft aufii affujetti par des pieux, & attaché au parc. Or, comme ce poiffon
cherche toujours l’endroit du fleuve le plus rapide, il entre dans le verveux,
J ) Avec quel foin la nature n’entretient-elle les petits poiffons diV lac de Confiance ? Mais
pas tout dans de jufies bornes ! Si tous les oeufs tout dans la nature concourt au grand deifein
d’un feul de ces poiffons venoient à bien, à de fon Créateur,
quelle horrible deftru&ion ne feroient pas expofés
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& eft pris. ■ Mais fi les pêcheurs n’ont pas l’attention d’épier quand le
poiffon eft pris & deffôter auflitôt,'ils rifquent de le perdre, parce qu’il
eft plein de rufes pour s’échapper. S’il en entre en même tems deux ou
trois dans le verveux, ils le déchirent fouvent, & s’échappent, fur-tout
quand ils font gros. Quelquefois aufii, ils fautent par deffus le verveux &
le parc: mais ils n’y gagnent guère; car il y a d’autres parcs qui les
attendent les uns après les autres, jufqu’à Feldkirch. Ceux qui paffent cet
endroit ne font pris ni avec des verveux, ni avec des filets, mais on lejs
tue à coups de fufil. Ce gros poiffon n’avance pas dans les endroits où il
y a peu d’eau, quand l’Été eft très-chaud & le Rhin fort bas. Ceux qui
échappent aux parcs jufqu’à Feldkirch, vont frayer dans ï ll l . Après' le
frai, les mâles & les femelles pèfent un tiers de moins, & quelquefois la
moitié, quand ils ont refté longtems dans le Rhin. Plus.ils ont remonté
le fleuve, plus ils font maigres. Après le frai, ils fe hâtent de retourner
dans le lac. Alors on n’en prend prefque plus ; parce qu’ils font fort maigres.
En defcendant le Rhin, ils fe laiffent aller au courant de l’eau, la tête
tournée contre le fleuve; de manière qu’ils vont à reculons. ilLa pêche de
ïillanken ne dure guère que depuis le mois de Mai jufqu’en Septembre.
C e brochet eft le plus grand ennemi de ïillanken : il le pourfuit jufqu a
Feldkirch; mais1 il lui arrive auffi fouvent d’être pris en même tems. Un
■brochet, qui n’eft pas moitié, & même un quart fi gros qu’un illanken,
l’attaque fouvent, parce qu’il eft plus léger : il nage fans ceffe à côté, ou
derrière lui, jufqu’à ce qu’il ait trouvé foccafion de fe fourrer-fous fon '
ventre, qu’il déchire avec fes dents. Si ïillanken peut fe défendre, le
brochet devient fa proie; & -s’il n’eft pas trop bleffé, la plaie fe guérit
d’elle-même. Il n’eft pas rare de trouver des illanken qui ont une cicatrice
au ventre. Comme le brochet eft très-friand de la chair de ïillanken, il n’a
pas d’autre moyen pour fatisfaire fon avidité, que de l’attaquer par deffous.
Si ïillanken ne fe défend pas bien, c’eft fait de lui, & il devient la proie
du brochet.
L’illanken vit de poiffons, de vers, d’infectes & de charogne. Il eft
fur-tout fort avide des ombres. Voilà pourquoi les pêcheurs difent que
ïillanken caufe plus de dommage dans le lac, qu’il n’y procure d’avantage
par fa pêche, quoique fa chair foit bonne & eftimée.' Ils font aufii fort
inquiets quand ils n’en prennent pas beaucoup pendant f l’hiver, parce
que cela leur annonce que la voracité de ïillanken ne leur aura pas laiffé
pour la pêche, des ombres en abondance. Les illanken qui paffent l’hiver -
dans le fond du lac & à l’embouchure du Rhin, deviennent fort gras; mais
ceux qui ont refté dans le Rhin, font fort maigres, parce qu’ils n’y ont