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Au reste, Wurmb est bien éloigné d’accorder au singe dont il est question
, ces rapports de forme et d’intelligence que les voyageurs ont cru remarquer
entre le Pongo et l’espèce humaine. Voici la traduction de la
description qu’il en donne (1)4
« Mais l’Orang-Outang de la grande espèce, ou le Pongo de Buffon,
« n’est point du tout commun à Bornéo ; et la difficulté de se rendre maî-
cc tre de ces grands et médians animaux, fait qu’il y a plus de vingt ans
« qu’on n’a pu en fournir un seul $ de sorte même que, sans le zèle et les
« soins de M. G. A» Palm, résidant à Rembang, nous n’en aurions pas en-
cc core eu. M. Palm , ayant été envoyé en mission, il y a quelque tems, à
« Succadana, à saisi cette occasion pour faire des recherches sur cette es-
« pèce d’animaux ; il a été assez heureux pour en trouver un, qu’il a en-
« voyé, conservé dans de l’arâc, à la société de Batavia. C’est cet individu
cc que je vais décrire, pour faire voir combien inutilement-on a cherché
« à trouver l’Homme Sauvage de Bontius, dans cette espèce d’Orang-
« Outang.
cc La tête du grand Orang-Outang de Bornéo est un peu pointue vers le
cc haut de l’occiput. Le museau est un peu proéminent; et les deux joues
cc sont garnies d’une large excroissance charnue, qui s’étend de chaque
cc côté plus que ne le comporte la grosseur de la tête. Les yeux sont petits
cc et saillans hors de la tête. Le nez, qui n’offre aucune élévation, ne con-
cc siste qu’en deux narines placées obliquement l’une à côté de l’autre. Les
cc oreilles sont petites, et collées contre la tête. La bouche est garnie de
cc grosses lèvres et d’abajoues. La langue est épaisse et large : on y a trouvé
cc quelques restes d’herbages que l’animal avoit mangés.
cc Chaque mâchoire est garnie par-devant de quatre larges dents incisi-
cc ves, entre deux grosses dents canines qui les dépassent. La face est d’un
cc noir fauve, sans poils, excepté une barbe fort rare. Le cou est fort court,
cc La poitrine est beaucoup plus large que les hanches. On ne voit au crou-
cc pion aucune trace de queue, ni point de callosités sur les fesses. La verge
cc semble se retirer dans le ventre, les mains fort longues, sont d’un noir
cc fauve, ainsi que les doigts. Les jambes courtes et grêles sont fortement
cc musclées. Les pieds ressemblent beaucoup aux mains. Les orteils des
cc pieds, ainsi que les doigts des mains, sont garnis d’ongles noirs, qui ap-
cc prochent infiniment de ceux de l’homme j si ce n’est que ceux des gros or-
(1) Cette traduction est de H. J. Jansen, et est insérée dans le journal intitulé Décade philosophique
; celle du mémoire de Wurmb insérée à l’article du Kahau, est aussi du même traducteur. Je saisirai
cette occasion pour dire que H. J. Jansen, littérateur et libraire, a imprimé et fait les premiers
frais de cet ouvrage qui, sans lui, sans son amour pour les arts, n’auroit peut-être jamais paru.
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« teils étaient beaucoup plus courts et plus étroits : ce qui doit être attribué
« sans doute à l’usage que l’animal fait de ces parties. La poitrine et le venir
tre sont, en général, sans poils ; mais les autres parties du corps, à l’ex-
« ception de la face, des oreilles, du dedans des mains et des pieds ainsi
« que des doigts, sont garnies d’un poil brun, lequel dans certains endroits
« a bien un doigt de long. Dessous la peau du cou et de la poitrine, on
« trouva deux poches, dont l’une occupoit la plus grande partie de la poi-
« tnne; et laquelle avoit, de même qu’une autre petite poche, renfermée
« dans la grande, communication avec la trachée artère.
« Comme cet animal était destiné pour le cabinet du prince d’Orange,
« on n’a pas voulu le soumettre à d’autres opérations anatomiques. D’ail-
« leurs, pour le préserver de corruption, on en avoit déjà enlevé les in-
« testins.
le territoire de la compagnie s’est beaucoup étendu dans
« lue de .Bornéo, nous espérons pouvoir obtenir des renseignemens plus
« exacts sur la figure et sur les moeurs de cette espèce de grands Orane-
« Outangs.
« M. Palm rapporte, que lorsqu’on voulut prendre cet animal, il se dépendit
si vigoureusement avec de grosses branches d’arbres qu’il arra-
ec choit, qu il fut impossible de le saisir vivant ; ce que cette espèce de sin-
« ges a de commun avec le Pongo d’Afrique; lequel, suivant Battel, at-
« taque même les éléphans avec cette sorte d’armes, et les délbge souvent
« de leurs retraites. »
On voit par cette description que le singe de Wurmb a quelques rapports
avec le Mandrill : en effet, si l’on compare la tête osseuse de cet an!
mal à celle du Mandrill, on trouvera dans l’ensemble une ressemblance
assez frappante; mais avec un examen plus sévère,,la tête du singe de
Wurmb offre des caractères qui lui sont particuliers. Le museau, aussi
long que celui du Mandrill, est en même tems plus gros et plus obtus.
On remarque sur le crâne une crête. A , qui, de l’occiput, s’élève sur le
vertex, et se partage en deux branches, B B , qui se dirigent sur les côtés
externes des orbites. Deux autres crêtes latérales, CC, en partant également
de 1 occiput, se dirigent vers les trous auriculaires; elles sont plus saillantes
que la crête supérieure, et ont quatre ou cinq lignes d’élévation.
Les vertèbres cervicales sont remarquables parleurs apophyses épineuses
D qui sont d une longueur extraordinaire ; et en cela le singe de Wurmb
différé non - seulement des autres singes, mais encore de tous les animaux
quadrupèdes. Le Aorax, E, est très-vaste, et composé de douze côtes, dont
cinq fausses. Le bassin, FF, est semblable à celui des autres singes. Les