
i3 h i s t o i r e n a t u r e l l e
Le Coaïta n’a point dans la gorge cette boîte osseuse qui donne à l’A*
louate une voix si extraordinaire; mais il a, comme lm la queue longue,
prenante et nue en dessous à son extrémité. Il diffère de g Alouate et de
tous les autres singes, par le manque de pouce aux mains, c est-à-dire 1 aux
pieds de devant ; mais en y regardant de près, on trouve sous le poil
petit tubercule qui indique la place du pouce. «I lny avoit à la place des ■
« phalanges du pouce qu’un osselet : aussi le pouce n W M g SM
« rieur que par un petit tubercule. » H is to ir e naturelle d e B u f fo n . D e s cription
anatomique du C o a ita , p a r D a u b en to n .
Les voyageurs et les anatomistes s’accordent à dire qu’on trouve dans
le corps des Coaïtas, des vers très-longs, très-minces, de forme cykndn-
que et pointus par les deux bouts ; et ce n’est pas seulement sur ceux de
ces animaux qui vivent en captivité qu’on a fait cette observation, on a
fait la même remarque sur ceux qu’on tue dans les forêts, et qui, vivant en
pleine liberté, choisissent les alimens qui leur conviennent.
Le Coaita a les membres si longs que quelques auteurs l’ont indiqué
sous le nom de Singe araignée. Il paraît que cet animal lait encore plus
usage de sa queue que l’Alouate ; il ne sauroit être en repos sans s accrocher;
il va toujours tâtant, et peut avec sa queue ramasser les plus petits
brins de paille. J’en ai vu un qui prenoit ainsi du foin, en faisoit un tas et
le remuoit à peu près comme fait un éléphant avec sa trompe. J ai vu cet
animal, déchaîné, grimper sur les arbres des boulevards de Pans, se pendre
par la queue et se brandiller pour franchir l’espace qui le séparait des
arbres voisins. On s’amusoit quelquefois à lui jeter plusieurs pommes il
en tenoit toujours une avec sa queue ; et c’étoit-là le plaisir qu on vouloit
se procurer. Cet animal étoit très-privé; il revenoit de lui-même à sa cage.
Lorsqu’on blesse à mort ces animaux, ils s’attachent avec lès mains ou par
la queue à quelque branche, et demeurent ainsi suspendus long-tems après
leur mort. Nous avons fait la même observation à 1 article de 1 Alouate (i).
Quoique ces Coaïtas aient la physionomie triste, ils sont cependant
très-vifs et très-hardis ; ils ne fuient pas, comme l’Alouate, à l’aspect des
chasseurs : on dit même qu’ils osent attaquer un homme seul ; mais le bruit
d’un fusil les met en fuite. Us craignent les chiens, et l’on assure que la
| Ce fait, qu’on a regardé comme particulier aux Sapajou», doit peut-être »’entendre de tous le»
animaux de ce genre. Depni» quelque» jour», j'ai reçu plusieur» singe» morts dan» nue ménagene a
P a r r i avaient les doigts fermés! etsiroide» qu’en y introduisant un bâton on pouvait les enlever
i'en ai ainsi suspendu un pendant vingt-quatre heure»; au bout de ce tenu les oig s1 01
le même état. Ce singe est une Moue, et j’ai fait la même observation sur un jeune Magot, ma s
un Sapajou avoit le» doigt» et la queue flexibles. prc,sciivC
D U C O A Ï T A . ü
présence seule d’un de ces animaux suffit pour garantir le voyageur de l’attaque
des Coaïtas.
Les singes de cette espèce sont très-nombreux à la Guyanne ; ainsi que
leurs congénères , ils marchent en troupes, et vivent de fruits, principalement
dé celui du palmier : ils mangent aussi des animaux, tels que des
insectes et des vers : on assure même qu’à l’aide de leur queue ils pèchent
du poisson, et savent très-bien casser les huitres pour les manger.
Ces animaux sont courageux ; ils se battent souvent, mais ils se secourent
dans le danger. Si un Coaïta est blessé par un coup de fusil, les autres
s’en emparent, le portent à la cime d’un arbre, et tâchent, dit-on,
d’arrêter la perte de son sang en appliquant leur main sur la blessure. On
prétend qu’un Coaïta percé par une flèche la retire lui-même de son corps,
et la lance contre celui qui l’a blessé.
Lorsque par un coup de fusil on a démonté un Coaïta, il est très-difficile
de l’achever ; cet animal ayant la vie très-dure : on dit qu’alors il étend
ses bras vers son ennemi, le regarde en faisant remuer ses mâchoires, et
semble lui demander la vie. Ces gestes, ces regards pleins d’expression
d’un animal si semblable à un homme, portent le trouble dans l’ame d’un
chasseur peu accoutumé à cette proie ; et ce sentiment est si vif que plusieurs
même ont renoncé à cette espèce de chasse. Il n’est parmi nous aucun
chasseur qui n’ait éprouvé un sentiment de compassion en voyant
mourir dans les convulsions un lièvre ou un autre animal blessé à mort,
et c’est pour se débarrasser de cette cruelle image qu’on s’empresse ordinairement
de l’achever : et ce sentiment de compassion doit être d’autant
plus vif que l’être qui en est l’objet a de ressemblance avec l’homme. En
effet, qu’on se représente un singe couché sur l’herbe teinte de son sang,
luttant contre la mort, étendant ses petites mains vers celui qui l’a blessé,
et tournant vers lui sa face presque humaine ; qu’on se figure les yeux
mourans de cet animal qui, par leur expression touchante, semblent reprocher
à son ennemi les douleurs qu’il ressent et sa perte prochaine. Sted-
man dit, qu’ayant blessé un singe il voulut l’achever, qu’il le prit par la
queue et que le faisant tourner en l’air, il lui frappa la tête contre le bord
de son canot, mais que l’animal ne fut pas tué du coup ; que les regards
de cette pauvre bête le troublèrent au point qu’il n’eût pas la force de recommencer
, et que pour faire cesser une scène si déchirante, il lui plongea
la tête dans l’eau et le noya. Cette anecdote fut cause qu’il ne voulut
plus chasser ces animaux.
Le Coaïta varie, dit-on, pour la couleur ; on dit qu’il y en a de roux et
même de blaires ; je n’en ai jamais vu que de noirs. Buffon rapporte à cette
A a