des rochers autour desquels se venoit jouer leur
proie, et sur lesquels, se pouvant reposer, l ’amour
leur apprit qu’ils pouvoient aussi déposer leur
progéniture.
Ainsi, dès qu’une série d’êtres étoit constituée,
il devoit en naître une autre, que son organisation
subordonnoic à quelque série préalable. L ’arbre,
par exemple, ne pou voit précéder la mousse, le
lichen, la fougère ou le gravier, destinés à préparer
le sol propre à supporter ses racines. L ’arbre se
trouvant ainsi, par Tordre de son apparition, subordonné
à Tapparition de l’herbe ; l’oiseau granivore
ne pouvoir naître avant le végétal qui le devoit
nourrir de ses semences. .Le mammifère broutant
devoit attendre, pour paroître, que le jet de
la terre assurât son existence; et l’animal sanguinaire
ne put tyranniser les campagnes que lorsque
la vie s’y fut répandue parmi les séries qui lui mé-
nageoient ses alimens. Enfin, les omnivores, entre
lesquels s’élève l’homme, ne pouvoient venir que
les derniers. Telle fut la marche de la nature, à
laquelle s’est exactement et minutieusement conformé
l’auteur duBérésirh, marche toujours conséquente
du premier pas, où chaque chose se contrebalance,
en déterminant la production de celle qui,
vivant à ses dépens, devint l’un des moyens coercitifs
employés pour empêcher que telle ou telle
cohorte de la création ne finisse par dominer exclusivement
dans l’Univers.
Ainsi l’homme est le dernier venu, dans ce que
les Livres sacrés nomment les deux avec toute leur
armée; il y apparoît pour y commander, et comme
la plus haute conception d’une sagesse qui voulut
que cet anneau d’une grande chaîne la rattachât
à l’ensemble général émané de sa puissance législative;
mais lorsqu’en reconnoissant un plan de |
conceptions successives dans l’ensemble de la nature,
on eh suit la progression selon le sens que
nous venons d’indiquer, doit-on conclure de
ce que les traditions restent muettes après la formation
du genre humain, que l’impulsion productive
ait été à jamais suspendue quand elle eut
enfanté nos premiers pères ? Qui oseroit tenter de
déterminer le point où le mouvement imprimé
aux élémens exhumés du chaos â la voix du législateur
souverain, auroit dû suspendre le cours de ses
merveilles? Outre que le mode de développement
propre à chaque être organique amène en lui des
modifications individuelles qui le font paroître,
selon les phases de son existence, comme des êtres
fort différens du type spécifique, et que les variétés
ou que les hybrides qui se perpétuent soient
encore comme des créations de tous les jours,
des créations plus décidées et complètes d’espèces ^
de genres et de familles entières de plantes ou
d’animaux, ne pourroient-elles pas avoir lieu incessamment
? Et n’est-ce pas restreindre injurieusement
la puissance créatrice, qu’imaginèr qu’ayant
en quelque sorte brisé ses moules, et fatiguée de
produire, elle ne se soit pas réservé la faculté de
modifier, d’augmenter ou de recommencer ses ouvrages
sur des plans nouveaux? L ’homme auroit le
rare privilège d’avancer dans la carrière du développement
en perfectionnant ses fragiles oeuvres
, et le Tout-Puissant qui le doua du plus
noble attribut, condamné par l’orgueil humain
à demeurer stationnaire , seroit captif dans le résultat
impérieusement fixé de ses premiers enfan-
temens? Contraint à voiries défectuosités de ceux-
ci , sans y pouvoir porter remède, il ne posséde-
roit plus la disposition des moyens dont il nous
accorda l’usage ? Et parce qu’il auroit plu à l’ignorance
présomptueuse d’attribuer â l’auteur de la
nature une prévision qu’il ne voulut probablement
pas s’attribuer, sa souveraine sagesse, désormais
enchaînée, pourroit â la fin se trouver
égalée par la sagesse des créatures perfectibles,
c’est-à-dire que Dieu seroit sans cesse menacé
par des Titans nouveaux !
N o n , la Toute-Puissance créatrice, éternellement
agissante, n’a jamais interrompu la pompe
de sa marche; elle a pu modifier plusieurs fojs,
non-seulement une partie de ses chefs-d’oeuvre,
mais encore l’immensité de plusieurs de ses plans
généraux de créations qui ont disparu pour faire
place à d’autres. Et celui qui dit le premier
proverbialement, tout change dans la nature>
énonça une grande vérité manifestée, non-seulement
dans l’ensemble de l’Univers, mais encore
dans chacune de ses parcelles; car l’homme
n’est pas au berceau ce qu’il doit être dans sa virilité,
ou ce qu’il deviendra vers sa décrëpirude.
Et lorsqu’il se dressa vierge et nouveau à la face
de la Terre , d’autres séries animées dévoient encore
y venir après lui, puisqu’il en est qui, vivant
de sa propre substance, ne pouvoient s’y mon-,
| trer avant qu’il n’y fût introduit. N ’est-il pas
clair que ces insectes incommodes qui souillent
sa chevelure, que les vers dévorans nés des mucosités
de ses intestins, ne sauroient être antérieurs
aux intestins non plus qu’aux cheveux ? Il en est
de même pour une multitude d’êtres qui v ivent,
parce que d’autres vivoient auparavant. Ainsi, lorsque
des lichens, des mousses et des fougères terrestres,
préparoient l’humus dans lequel un arbre à
venir pourroit trouver un appui ; les lichens, les
mousses et les fougères qui croissent exclusivement
parasites sur l’écorce des arbres, ne fai-
soient point encore partie d’une création où de
tels végétaux n’eussent pas trouvé le'support convenable
à leur espèce; enfin, lorsque les grands
animaux apparurent sur le Globe, il restoit à éclore
d innombrables légions de créatures organisées
qui, se nourrissant aux dépens de ces grands
animaux, et habitant leur propre substance,
n aurotent pu se développer, si les corps qu’ils
dévorent morts ou vivans, n’eussent d’abord
existé pour leur fournir une curée.
Il y a plus : une multitude d’autres produits
de la Toute-Puissance ne pouvoient se développer
avant 1 epoque ou l’homme, sorti de la
première barbarie, n avoir pas fait u^age de ses
mains, pour modifier les oeuvres du Créateur,
autant qu il lui est donné de le faire; la mite
du fromage pourroit-elie vivre avant qu’on eût
fait du fromage ? Il est un lichen qui végète
exclusivement sur la brique; où ce lichen eût-
I il trouvé son support avant que l’homme eût
imaginé de durcir la terre par le secours du
feu ?^ Et les botanistes qu’on accuse trop souvent
f de s’occuper de puérilités , n’ont-ils pas décou-
| vert récemment qu il existe des conferves vé°é-
| tant exclusivement dans Je vin de Madère &ou
i dans 1 encre, et qui dévoient conséquemment at-
\ tendre, pour prendre leur rang dans l ’ordre des
, choses créées, que nous eussions fait de l’encre et
du vin de Madère? La création, passant conséquemment
du simple au composé, en vertu des
lois immuables qui l’ont de tout temps régie
s etoit d abord élevée par l’effet de celles qui là
commandèrent, du genre monade au genre humain;
elle esc ensuite redescendue vers des sé-
| ries non moins simples dans leur organisation
que celles par ou tout commença ; dans la tora-
-Jte de ce qui la compose, la nature semble donc
s être complue a se renfermer en un vaste cercle
symbole de l’éterntté, limites du possible et conséquemment
type de la suprême raison.
Four rendre nos idées plus faciles à saisir sur
| 1 vidence des créations successives et continuelles
- est necessaire de reproduire ici certaines cou-’
sidérations ou nous nous arrêtâmes autrefois avant
aucun autre et qui nous paroisseut mériter toute
1 attention des bons esprits.
’ mem°m d*5“ ' M P Poim terr« « e évidemre
nlanê H ComP ™ ° » * reste de note
planète, nous examinions de quelle manière
la végétation et la vie avoient pu se développer
sur ce point en couvrant sa face £ plantes et enPla
peuplant d animaux. Ce point terrestre, fut ÉjjjL de
Mascareigne, située à cent cinquante lieues de Madagascar
qui en est la contrée la moins distante
et d ou 1 on pourrait d’abord supposer que lui vinà
rent ses plantes et ses animaux. Nous avons démontré
dans la relation de notre voyage dans quatre
îles des mers d Afrique, que la masse entière de
Mascareigne, excessivement élevée au sein des
flots, par 1 action des feux souterrains, fut oriei-
gmairement incandescente et liquéfiée en totalité.
.L Océan rouloit encore ses vagues sur l’espace occupe
maintenant par ldle dont il est question , que
les continens et bien des archipels se rrouvoient dès
long-temps émergés. Déjà des torrens et des rivières
depouilloient, en les sillonnant, d’antiques
montagnes et arrachoient de leurs cimes
fs atténssemens propres à augmenter l’Asie et
1 Afrique, que nulle trace de Mascareigne ne se
montroit encore. Tout y est neuf comparativement
a la parure de l’ancien continent, roue s’v
montre empreint d’un caractère de jeunesse, d’une
teinte de fraîcheur qui rappelle ce que les poëtesi
ont chante du monde naissant, et qu’on ne retrouve
guère que sur d’autres îles pareilles, formées
egalement dans les âges récens ; elle n’en
fut pas moins un soupirail brûlant au milieu des
vagues, et tel qu’on en a vu s’élever de nos jours
dans notre hémisphère entre les Açores ou bien
a Oantorm^des éruptions multipliées en exhaussèrent
peu a peu la fournaise au moyen des cou-
rans de laves_ ardentes, qui, s’y surposant sans
interruption, formèrent enfin une montagne, que
des trembletnens de terre vinrent ensuite fracasser
pour former de ses débris d’autres montagnes
sur les flancs échauffés desquelles les
eaux pluviales se réduisant aussitôt en vapeur n’ar-
rosoient aucun végétal possible. Les Salamandres
de .a Fable ou les Cyclopes de son Vulcain1, eussent
seuls pu devenir les hôtes de l’écueil fumant-
comment une aimable verdure vint-elle ombrage?
un sol dabord en feu? Comment des animaux attachés
a la terre trouvèrent-ils ensuite un berceau
sur des rochers naguère en fusion, et nécessairement
inhabitables long-temps encore après leur apparition
ou durant leur accroissement igné?
Les vents, les courans de la mer, les oiseaux
du ciel et 1 homme ont suffi pour ensemencer
et peupler Mascareigne, répondront hardiment
certains savans qui, prêts à répondre à tout
pourront setayer de l’opinion de Buffon, lorsà
que cet écrivain nous dit dans ses supplémens
(articles Chèvres et Brebis) , „ Tous Tes animaux
ont été transportés, aux îles de France