
Méditerranée, qui en est cependant séparée par
toute la largeur de l’Asie, qu’avec la Méditerranée
proprement dite , qui n’en est pas à vingt lieues,
en comptant de Suez au fond du lac Menzaleh ;
éloignement que semblent encore diminuer les lacs i
amers de Temsati, qu’on trouve aux deux tiers ou
à moitié de la distance de l’un à l’autre de ces
points. Ce que nous venons d’établir ici nous pa-
roît mériter la plus sérieuse attention , et nous
engageons les géographes à y réfléchir. En effet,
la Méditerranée proprement dite ayant évi-
demment, comme nous l’avons prouvé dans nos
précédens ouvrages, eu son niveau beaucoup plus
élevé qu’il ne l’est aujourd’hui, lorsque le détroit
de Gibraltar n’existoit pas, devoir originairement
communiquer avec la Mer-Rouge, puisque l’isthme
de Suez, selon le nivellement des ingénieurs français
de l’immortelle et glorieuse expédition d’Egypte,
n’a que très-peu d’élévation par rapport aux
mers voisines : les deux Méditerranées communi-
quoient donc par cette dépression, dont l’antiquité
profita pour établir un canal que la barbarie laissa
disparoître sous des monceaux de sable. Nous prouverons
, dans un ouvrage qui doit incessamment
être livré à l’impression , que le détroit de Babel-
mandel, au contraire, n’existoit pas plus, primitivement,
que le détroit de Gibraltar ; c’est où se
voient maintenant les rochers à pic qui encaissent
cette brisure, que se trouvoit le point de jonction
de la Péninsule Arabique avec le continent africain ;
car l’Arabie faisoit partie de ce continent, comme
nous avons vu la Péninsule Ibérique lui avoir appartenu
originairement. Lors de cette jonction de
deux mers aujourd’hui séparées, les productions
de l’une et de l’autre dévoient être à peu près identiques.
Depuis leur disjonction, quelques Hydro-
phytes, quelques Polypiers, quelques Poissons
peu nombreux, leur sont demeurés communs;
mais des productions toutes différentes se sont développées
en grande quantité dans celle qui devint
la plus chaude : ces productions lui ont imprimé
une physionomie nouvelle. A ce propos, nous
rappellerons un fait important que nous avons rapporté
avec détails dans l’article CREATION de
notre Dictionnaire classique d’ histoire naturelle :
ayant placé des corps organisés, propres à divers
points les plus disrans du Globe, dans des
vases en cristal remplis d’eau, nous avons vu
dans leurs infusions se développer quelques Microscopiques
communs à toutes, outre un certain
nombre d’espèces exclusivement propres à
chacune : ayant mêlé de ces infusions, quelques
espèces de Microscopiques y ont disparu ;
plusieurs y ont persévéré, et il s’en est formé
de nouvelles, toutes différentes des autres. La
Nature feroit-elle quelquefois en grand ce que
nous avons fait comme en miniature dans nos
expériences ?
On a beaucoup écrit sur l’étymologie du nom
d’Erytrhée ou Rouge 3 donné à la Méditerranée qui
vient de nous occuper. On a cru récemment en
trouver la raison dans l’abondance de petits Ento-
mostracés vivement colorés, qu’on dit s’y multiplier
parfois en si grand nombre que les eaux en
paroissent changées en sang, comme au temps où
Moyse et les magiciens de Pharaon étendoient
leurs verges, également puissantes, sur ces calamiteuses
contrées. Le fait n’est cependant pas complètement
prouvé, et il se pourroit que ce nom
de Mer-Rouge n’eût pas de raison plus raisonnable
que ceux de Mer-Noire, de Mer-Blanche
ou de Mer- Vermeille, donnés à d’autres parties
de la Me r, qui ne sont ni vermeilles, ni blanches,
ni noires.
4°. M é d it e r r a n é e P e r s iq u e . On peut
encore considérer ce prétendu golfe comme une
véritable mer intérieure qu’un seul détroit unit
à l’Océan, lequel lui communique, ainsi qu’à
la précédente, les mouvemens de flux et de reflux.
Cette Méditerranée dut être originairement
plus grande de toutes les plaines mésopotami-
ques formées par les alluvions de deux immenses
fleuves, qui dépouillent les pentes méridionale
« des monts Taurus et du Kurdistan
pour encombrer leur bassin de leurs débris char-
royés. A cette diminution près , qui semble
continuer de nos jours , la Méditerranée persique
présente de grands rapports avec la précédente
; mais elle a encore fort peu été observée
par les naturalistes. Les productions, aux perles
près, en sont fort peu connues.
50. M É piTE R R a NÉE SlNiQUE. Des personnes
habituées à ne voir qu’une Méditerranée, parce
que, jusqu’ici, les géographes n’écrivirent ce nom
qu’en une seule partie de leurs cartes, mais qui,
par l’analogie qu’offre leur détroit unique, consen-
tiroient à regarder comme des Méditerranées les
mers intérieures dont il vient d’être question sous
les nos. i , 3 et 4 , répugneront peut-être à nous
voir placer au nombre des Méditerranées une étendue
d’eau que de nombreux détroits mettent en
communication avec l’O céan; cependant, s’il est
prouvé que, fermée d’un côté par une suite de côtes
continentales, cette étendue ne tardera point à
çe fermer de l’autre par la réunion prochaine d’îles
rapprochées, il faudra bien admettre quelques
I Méditerranées de plus qu’on n’écoit dans l’usaee
% d’en compter. La Méditerranée qui va nous occu-
I per s’étend assez exactement du sud-ouest au nord-
| est, depuis la ligne équinoxiale à peu près, jus-
; que vers le 5 4e. degré de latitude nord.
Les côtes peuplées par notre espèce sinique du
I genre humain ( voye% R ac e s d’hommes ) la
1 bordent sans interruption au couchant, depuis
l’extrémité boréale de la manche de Tartarie,
où l’île Séghalien touche presqu’au Continent
I vers l’embouchure du fleuve de ce nom, jus-
j qu’à l’extrémité de la presqu’île de Malaca. Elle
a finit vers le nord en pointe aiguë comme une
I corne de la Mer-Rouge. La Corée et la Péninsule
I Cochinchinoise s’avancent dans sa largeur comme
I l’Italie et la Grèce le font dans la Méditerranée
I proprement dite ; Sumatra, Bornéo et les basses du
i passage de Cauémata, qui ne tarderont pas à former
I une île par l’élévation des bancs madréporiques
; qui les rendent si dangereuses aux marins, bor-
Ilient la Méditerranée sinique vers le sud; ses li-
§ mites orientales sont tracées par les revers occiden-
! taux de Palawan , de Mindoro, de Luçon , appar-
1 tenant à l’archipel des Philippines ; par ces îles
? nombreuses de Babonyanes et de Bashée, entre
ILuçon et Formose 5 par cette même Formose ; par
des archipels de Madjicosemah, de Lieukieu et
d’Oufou, se liant à l’empire du Japon ; enfin par cet
| Empire formé d’une chaîne de sommités que sépa-
Irent des canaux marins, et qui, par Jesso, se lie
là l’île de Séghalien vers la pointe méridionale de
|cette dernière. Le détroit de Malac établit la com-
.muniçation de cette Méditerranée avec 1 Océan
indien ; d’autres détroits très-nombreux, que des
polypiers ne tarderont pas à faire disparoître, la
Omettent en rapport avec la petite mer de Mindanao,
qui n’en sera peut-être qu’un golfe. Parmi les
«communications nombreuses qui existent encore
entr’elle et l’Océan Pacifique, celui de Diémen,
au sud de Kiusiu, de Matsumai, au nord de Ni-
phon ; enfin celui de la Peyrouse, entre Jesso et la
(ongue île de Séghalien, sont les plus profonds.
|Mer très-paisible, les vents dominans y sont des
moussons analogues à ceux de l’Océan indien
I vqyq PI. 6 ) ; l’immensité des fleuves qui
«’y jettent par le côté continental, et la multitude
des écueils dont elle est semée, étant des
causes perpétuelles de perturbation : pour peu que
les gros temps y fussent fréquens, cette Mer seroit
impraticable. Son étendue en latitude est cause que
|es productions varient beaucoup du sud au nord ;
|es productions conservent cependant, d’une ex-
|rémité à l’autre, l’air chinois ( qu’on nous passe
cette expression), dont le caractère bizarre n’échappe
à personne ; caractère que nous rendent assez bien
ces peintures des peuples siniques, qu’o'n supposa
long-temps navoir pas de modèle dans la nature,
parce qu’elles représentaient des objets fort diffé-
rens de ce que nous voyons habituellement aurour
de nous dans notre Europe. Quoique prolongée
vers le septentrion, l’extrémité supérieure de la
Mediterranée dont il est quesrion, est loin,
dêtre aussi froide que les mers qui se trouvent
sous les mêmes latitudes dans le reste du Globe.
Jamais on n y voit d amas de glaces menaçantes
comme il arrive par le travers de l’embouchure
du fleuve Saint- Laurent, qui y correspond en
Amérique, ou dans la mer du Nord et le sud
de la Baltique, qui y correspondent en Europe.
Nous ne possédons ni Laminariées, ni même
de grandes Fucacées provenues de cette Méditerranée,
dont i’hydrophytologie est du resté fort
peu connue, malgré quelques espèces intéressantes
qu’on en a rapportées au célèbre algo-
logne Turner, qui les figura.
6°. et 70. La M er d’O khotsk et la M er de
BÉRING doivent encore être considérées comme
deux Méditerranées boréales. La première, quoique
limitrophe de la Sinique, dont elle n’est même
pas encore complètement séparée, puisqu’elle s’y unit
par deux détroits, est placée presque sous la même latitude,
si ce n’est vers le nord, où elle s’élève jusqu’en
dehors du 64e. degré, c’est-à-dire par le travers
d’Archangel. Cette Mer est déjà très-froide, même
aux limites de la précédente, et si quelques géographes
routiniers trouvent étrange que nous l’en
distinguions, au moins autant que nous distinguons
la Méditerranée proprement dite de l’Erythréenne
ou Mer-Rouge, nous répondrons que possédant
beaucoup de productions hydrophytologiques de
la mer d Okhotsk, nous y avons reconnu bien
plus de rapports avec celles de la Baltique, et
même des parages du Groenland, qu’avec celles de
la Méditerranée sinique ; en effet, la langue de
terre de Seg.hahen ou Kar.ifthou établit une limite
naturelle aussi tranchée que l’itshme du Suez ; de
sorte que sa rive occidentale, sous une influence
sinique, produit encore des Floridées ou des Ul-
vacees de la plus belle couleur, avec quelques Cau-
lerpes,. et encore des Spongiaires ; l’autre, sous
l ’influence kamtchadale, n’a plus guère que de
tristes et coriaces Fucacees, mais pourtant pas encore
de Laminariées. Le Kamtchatka en forme
une rive avec la chaîne des îles Kuriles, qui la séparent
de 1 Océan Pacifique, mais imparfaitement
pour quelque temps encore.