
vant, doivent avoir couvert le Globe antérieurement
à l’existence des créatures terrestres actuelles.
Maintenant restreintes dans les bassins où les lois
qui régissent les liquides enchaînent leurs flots, elles
occupent au moins les trois quarts de la surface planétaire.
Un mouvement de flux et de reflux leur
est imprimé par l’action qu’exerce sur notre atmosphère
la Lune, quarante-neuf fois plus petite
que la planète, à la marche de laquelle ce
satellite se trouve attaché, et que 85,000 lieues
éloigent de nous ; ce mouvement de flux et de reflux
a son importance en Géographie physique ,
puisqu’il nous procure la facilité d’étudier les productions
océaniques qui prospèrent ou décroissent
en nombre, selon qu’elles vivent alternativement
couvertes ou découvertes par les eaux de la mer,
ou qu’elles demeurent éternellement plongées dans
ses profondeurs. Il influe encore sur la science qui
nous occupe, en ce que, imprimant par réaction des
mouvemens dans l’atmosphère, il n est pas etranger
à l’action des vents dont le rôle est important
à la surface de la Terre pour disséminer, favoriser
ou contenir la végétation. La Mer influe encore
sur les productions terrestres, en modifiant la température
de ses rivages : ceux-ci n étant, toutes
circonstances de localité- égales d ailleurs, ni aussi
froids en hiver, ni aussi chauds en été que l’intérieur
des terres, jouissent d’une sorte d égalité atmosphérique
par l’effet de laquelle la propagation
d’une quantité d’êtres de la zone torride s’étend dans
les deux moitiés de la zone tempérée, et des créatures
de cette dernière jusque dans quelques baies
de la zone glaciale. Aussi les îles, d autant plus
assujetties à l’influence de cette égalité quelles sont
moins considérables, présentent-elles souvent dans
leur végétation , et dans les animaux qu elles nourrissent,
des particularités qui paroissent renverser
l’idée qu’on se forme de 1 influence des climats,
jusqu’ici trop servilement considérés dans leur parallélisme.
Après l’influence du voisinage des mers, celle
de l’élévation du sol a le plus d empire sur la répartition
des corps organisés à la surface du Globe.
Nous avons déjà indiqué cette influence en comparant
notre planète à deux montagnes opposées base
à base 3 elle sera bientôr examinée sous d’autres
rapports. Quant aux corps bruts, aux roches,
aux substancës minérales, charpentes de la Terre,
élçmens et supports de tous corps organisés, la
Nature, en les prenant pour fondation de ses
enfantemens, ne leur traça point de limites
géographiques. Partout les mêmes, ces corps
brut? ne sont sujets qu’à des circonstances de localité,
qui peuvent partiellement bouleverser leurs
rapports de juxta-position, mais non leur fournir
les moyens de se propager de proche en proche sur,
le Globe , où leur rôle est essentiellement inerte.
Cependant, si ces corps inertes ne sont point
soumis aux lois qui président à la distribution des
plantes et des animaux à la surface des terres, ou
dans les profondeurs des mers, ils exercent une
grande action sur cette distribution. Les pluies
abaissent les monts qu’elles dépouillent, et nivè-
lent à la longue le Globe où elles étendent insensiblement
les plaines aux dépens des sommités ; les
volcans, à leur tour, soulevant des plaines pour les
transformer en montagnes, semblent être, en Géographie
physique, ce que les guerres et les Conquêtes
sont relativement à la Géographie poétique
: ces causes viennent bouleverser les limites
dans lesquelles se renfermoient certaines créatures
qu’elles contraignent à la dispersion lorsqu’elles
ne les détruisent pas. O11 pourroit citer
d’autres exemples d’influences perturbatrices : ainsi
l’arène mobile , par exemple , envahissant certains
rivages, y vient déterminer une végétation
, et conséquemment un mode d’animalité
fort différent de ce qui dut exister d’abord. Les
Salicornes, le Triglochin, les Glauces, disparoi-
tront pour faire place au Panicaut maritime, aux
Soudes, à la Soldanelle, à l’Arénaire péploïde.
Quelques Pimélies et plusieurs Curculionides,
qui, s’abandonnant aux vents, se plaisent à se faire
rouler avec les parcelles de sable, succéderont au
Carabe maritime, ainsi qu’aux petits Crustacés de
la plage. Que l’homme parvienne à fixer les dunes
vagabondes-, que, se faisant un auxiliaire de quelques
Graminées à racine agglomératrice, il contraigne
l’éblouissante surface du sable à supporter
de verdoyantes forêts, les modes de végétation et
de vie doivent changer de nouveau. Les Soudes, les
Panicauts, la Soldanelle, feront place aux Genêts,
aux Cistes, aux Ronces, et bientôt même aux
Mousses ainsi qu’aux fraîches Fougères, qui, dans
d’autres expositions, eussent précédé toute autre
forme d’existence : alors, l’insecte dont la larve se
nourrit de bois, viendra remplacer, dans la forêt
nouvelle, le Coléoptère des sables, et l’Oiseau, soit
granivore, soit insectivore, succédant à la Mouette,
ainsi qu’au Vanneau du rivage, viendra mêler au
murmure des feuilles ses chants d’amour, qui, trahissant
son existence, doivent attirer l ’Epervier.
L ’Ecureuil et d’autres rongeurs, le Chevreuil, enfin
le C e r f , appelleront la férocité des bêtes de proie
et du chasseur.
L ’homme apporte encore de nouveaux changemens
dans la physionomie du Globe, soit qu’il en
défriche les solitudes, qui, sous sa main, se peuplent
d’êtres nouveaux, soit qu’au contraire il épuise
un sol long-temps fertile pour le métamorphoser
en aride désert. Son influence est puissante ; s il
extermine des races, il en propage 3 il opprime les
unes pour protéger les autres : enfin, cette influence,
dans la distribution géographique des
créatures, n’est pas moindre que celle des vents,
des eaux et des révolutions volcaniques.
C ’est donc au milieu de mille aberrations et de
tant de causes de changement, que le géographe
doit étudier les lois en vertu desquelles la dissémination
des êtres a lieu sur la planète qu’il habite,
et qu’il doit rechercher les lois qui présidèrent
à l’établissement de ces êtres sur tel ou
tel point de la T erre, ainsi qu’à leur colonisation
hors des circonscriptions naturelles entre lesquelles
ils avoient été originairement formés.
CHAPITRE III.
DES EAUX SALÉES A L A SURFACE DU GLOBE
OU DE LA MER.
O n peut évaluer à 3,700,000 myriamètres carrés
la partie superficielle de notre planète , que recouvrent
les eaux, abstraction faite de celle des
fleuves et des-rivières, qu’il seroit trop difficile |
d’apprécier pour en faire un élément de calcul.
Pour procéder méthodiquement dans l’examen du
rôle que remplissent ces eaux dans la Géographie
physique, nous distinguerons leur histoire en deux
chapitres , dont le premier aura pour objet les eaux
salées que nous désignerons sous le nom collectif
de M er , et le second les eaux douces, soit
qu’elles s’accumulent en lacs, soit qu’elles se creusent
des canaux pour arroser la croûte terrestre.
Le mot Mer désigne donc ici la totalité des
eaux salées qui occupent la plus grande partie
de la surface du Globe, soit que ces eaux salées
circonscrivent les continens et les îles, soit
qu elles se trouvent réunies en amas plus ou
moins considérables dans l’intérieur de certaines
régions terrestres. Le mot Océan , donné jusqu
ici comme synonyme de Mer dans plusieurs
Dictionnaires et Traités de géographie, ne l ’est
cependant pas 3 sa signification est beaucoup
plus restreinte, et s’applique seulement à celles
des Mers qui environnent la Terre sans jamais
y pénétrer, c est-a-dire que cette signification ne
sauroit convenir à aucune Méditerranée ou Caspienne
: la plupart des termes employés dans la
Géographie physique ne sont pas mieux définis,
et nous ne voyons nulle part dans ces nombreuses
descriptions du Glob e , ou tout ce qui n’écoit pas
astronomique, historique ou statistique, fut trop
legèiement traite, qu on ait songe à préciser la
signification des mots par lesquels on doit désigner
chaque partie constituante de l’Univers. Il n’est
pas jusqu’au Dictionnaire rédigé par l’Académie
française, et qu’il est convenu de regarder comme
la base du bon langage, où ce bon langage n’ait
été faussé sous ce rapport, ainsi que dans les deux
tiers des mots par lesquels on y désigne les corps
naturels. C ’est ainsi que pour la définition du mot
dont il est question, on trouve : « L ’amas des eaux
» qui environnent la Terre et qui la couvrent en
» plusieurs endroits. » L ’Académie ayant oublié
de spécifier que les eaux de la Mer sont essentiellement
salées, les lacs seroient aussi des mers selon
sa décision , ce qui pourroit être tout au plus
vrai dans les langues d’origine tudesque, où Sée
s applique indifféremment aux amas d’eau douce
de la Suisse et du Camergurt, ainsi que la plupart
des mers véritables.
Pour les premiers géographes, dont les écrits
nous aient été conservés, la Mer n’étoit que la
Méditerranée, contenue entre l’Afrique, l’Asie et
l’Europe : l’Océan s’étendoit au-delà des colonnes
d’Hercule , et environnoit la terre habitable, à
laquelle on supposoit une forme entièrement différente
de celle que lui ont reconnue les modernes.
Et telles étoient les idées bizarres qu’on
se faisoit de cette ferme dans ces temps d’ignorance
, où les érudits prétendent retrouver les traces
d un savoir fort avancé, qu’on voit dans les livres
hébreux la Terre comparée à un livre qui se roule,
e t, chez les Grecs, cette Terre représentée à peu
près sous la figure d’un carré long.
Dans la nécessité où l’on est de préciser les
mots pour s’entendre dans toutes les branches des
sciences physiques , nous avons proposé dans un
autre ouvrage de caractériser de la manière suivante
les diverses régions de la Mer.
§• Ier. Distribution géographique de la Mer,
t OCÉAN. Oceanus,
Nous entendons par ce mot, dans un sens
défini, l’immensité de la Mer séparant les unes
des autres,, en les entourant, les diverses parties
exondees du Globe, qui n’occupent guère