
d’une riche teinte bleue, qu’on observe jusque
dans le lit des torrens , au fond desquels, si
l ’eau remplit quelque grande cavité de rocher, la
sérénité du ciel produit la même coloration. On
prétend qu’il est des lieux où l’eau de la Mer pa-
roît rougeâtre, dans la Méditerranée proprement
dite, vers l’embouchure du Rio de la Plata et
sur les cotes de Californie; blanchâtre au fond
du golfe de Guinée et dans la mer du Nord ;
jaunâtre dans le Pont-Euxin, ainsi qu’autour des
Maldives ; jaunâtre enfin entre la Chine et le
Japon. On ne donne encore aucune raison de telles
variations de teintes.
t t TEMPÉRATURE DE LA MER.
Sur l’autorité d’Aristote, on a cru que la chaleur
des vagues augmentent par leur frottement
dans les tempêtes : ce préjugé eut de nos jours,
des défenseurs parmi les plus habiles physiciens.
Péron le premier fit connoître l’erreur ; à cet
égard les observations.de ce voyageur sont exactes
et doivent faire autorité : il démontre fort bien
comment on a pu s’y méprendre. Des recherches de
Péron résultent les fait$.suivans, qui cadrent parfaitement
avec le résultât de nos propres expériences,
i °. La température de l’Océan est généralement
plus froide à midi que celle de l’atmosphère observée
à l’ombré ; i° . elle est constamment plus forte
à minuit ; $°. le matin et le soir, les deux températures
sont ordinairement en équilibre; 40. le
terme moyen d’un nombre donné d’observations
comparatives entre la température de la surface
des'flots et celle de l’atmosphère, répétées quatre
fois par jour, à six heures du matin , à midi, à six
heures du soir, à minuit et dans les mêmes parades,
est constamment plus fort pour les eaux de la
M e r , par quelque latitude que les observations
soient faites-; P j le terme moyen de la température
des eaux de la Mer à leur surface et loin des
continens, est donc plus fort que celui de l’atmosphère
avec lequel les eaux sont en contact. De
tels résultats que nous regardons comme inattaquables
, ne sont cependant pas absolument les mêmes
que ceux qu’obtinrent d’autres observateurs cités
pour leur exactitudè ; mais on doit remarquer que
ces savans opéroient dans le voisinage des côtes, ou
bien à d’autres heures que nous, et généralement
vers le milieu du jour, où, comme on vient de voir,
la température de l’eau est plus basse que celle de
l’atmosphère, parce que l’évaporation y agit plus
puissamment.
Il ne suffisoit pas de mesurer la température
de la surface des mers, on voulut connoître
celle de leurs profondeurs ; on imagina divers ins-
trumens pour y parvenir : tels furent le thermomètre
de Mallet et de Pictet, celui de Micheli, ceux
de Marsigli et de Cavendish, qui tous furent trouvés
vicieux ou insuffisans. Saussure construisit un
nouvel appareil qui consistoit dans un thermomètre
inséré dans une enveloppe en cire de trois pouces
d’épaisseur, renfermée ensuite dans une boîte
en bois dont les parois très-fortes, nécessitoient l’espace
de plusieurs heures pour participer à la température
des milieux environnans. Ce savant fit l’essai
de son thermomètre ainsi disposé dans les lacs
de la Suisse, où il le plongea dans la soirée pour le
retirer le lendemain matin, sans que dans le trajet
du retour, la température des hautes couches d’eau
eut le temps d’influer sur le thermomètre qu’une
nuitd immersion avoit mis en rapport avec la température
des plus grandes profondeurs. Il reconnut
ainsi que l’eau de ces profondeurs étoit constamment
à trois ou quatre degrés seulement au-dessus
de glace, tandis que celle de la surface se trouvoit
à la température atmosphérique. C ’est avec son
appareil, éprouvé de la sorte, que Saussure fit des
observations sur les couches inférieures de la Méditerranée
en divers points du golfe de Gênes ; il
trouva le 7 octobre à quelque distance du rivage,
et par 860 pieds de brassiage, un peu plus de dix
deg rés, tandis que l’eau de la superficie étoit d’un
peu plus de seize, et l ’atmosphère à un peu plus
de quinze. Le 17 du même mois, à 1800
pieds, non loin de N ic e , après une nuit entière
d’immersion, vers les 7 heures du matin,
Saussure obtint de son thermomètre absolument
les mêmes résultats pour le fond et pour la Surface;
la température atmosphérique fut seulement
trouvée plus haute d’un degré ou à peu près.
Péron ne croyant pas à la bonté de l’instrument du
savant genevois, en conçut un autre, en le donnant
comme parfait, excellent, infaillible. A la-description
minutiéuse qu’il en fit, il ajouta une figure
; on trouve celle-ci gravée dans la- dernière
planche de l’Atlas que le monde- savant
doit au grand talent du modeste Lesueur. « Je résolus,
dit Péron (tom. IV, pag. 174), d’employer
tout à la fois l’air, le verre, le bois, le-charbon,
la graisse et les résines dans un ordre tel, que leur
faculté peu conductrice du calorique , devînt encore
plus foible ; cette idée si simple, qu’il doit être étonnant
qu’elle ne se soit pas encore offerte à ceux qui
les premiers se sont occupés du meme objet, est
cependant un sûr garant de la supériorité de mon
appareil sur tous ceux dont on s’est servi jusqu’à ce
i jour. » Nous avouons que la composition du ther-
;S momètre de Péron ne nous paroît pas.aussi simple
i que le dit son inventeur,, et son excellence est
ij loin d’être démontrée par l’usage» qu’il en a
i fait ; on pourroit même dire que .ce thermo-
JJ mètre n’a jamais été essayé tel qu’il fut conçu,
I puisque Péron convient d’abord, que vu la dif-
| ficulcé de faire construire à bord les cylindres
. métalliques dans lesquels consistoit le plus impor-
I I tant .perfectionnement, il fallut se borner à placer l’instrument dans un étui de verre, puis dans
un .charbon, puis dans un étui de bois; ce qui,
au charbon près, à la ’place de la cire employée
par Saussure, n’étoit jamais qu’une simple modification
de l ’appareil de ce dernier, appareil que
nous persistons à croire beaucoup meilleur et
d’un usage plus commode que celui qu’on a tant
«célébré. Quoi qu’il en soit, les résultats qu’ob-
1 tint l’inventeur de la machine nouvelle, appelée
% précieuse par l ’inventeur même, consistent dans 1 l’écrasement de cette machine dès la première
'Il fois qu’elle fut mise en expérience ; dans un
«second essai, la pression de l’eau avoit tout brisé,
l i e thermomètre étoit en pièces, et ses fragmens
|mêlés à la poussière du charbon; cependant on crut
^obtenir la température de la profondeur de 500
pieds, d’où revenoient d’informes débris, en me-
; surant la température du charbon imbibé de l ’eau
jquil avoit traversée, en employant un autre ther-
• momètre qu’il vint dans l’esprit d’y placer sur le
i pont même du navire où se faisoit l’observation.
Rll est question ensuite de deux autres expériences
Ëfaites a 1200 et 2144 pieds; mais l’instrument
toujours imparfait, puisque le cylindre de cuivre
|qui le devoit compléter y manquoit encore, ne
^esca pas dans 1 une deux heures sous l’eau, et une
iheure dans l’autre. Dix-sept et quarante-cinq minutes
furent employées â le retirer. Il esc impossible
d admettre comme suffisans les résultats obtenus
par de pareils essais ; et lorsque l’auteur,
^convenant que ce qu’il a observé présente une dif-
jlference très-grande avec ce qui a été observé par
■ Marsigli et Saussure, réclame la préférence en sa
faveur, on ne sauroit la lui accorder. Une note de
notre confrère Freycinet, insérée dans la réimpression
jn-8°. de la relation de Péron, intitulée
seconde édition > nous apprend que ce dernier, de
retour en France, fit exécuter par un des plus haï
r es artistes de Paris, son appareil tel qu’il lavoir
conçu, avec le fameux étui en cuivre; mais ayant
voulu s.en servir pour faire â Nice de nouvelles
expériences1, il éprouva une difficulté presqu’insur-
Ænontable a l’ouvrir et . à le fermer. Il fallut faire
des trous à la machine, la dénaturer pour pouvoir
s en servir, et l’eau environnante finissoit. toujours
par s y .introduire. Il n’est guère resté d’un thermomètre
tant vanté, que l’épithète Xingénieux que
lui ont accordé ceux mêmes qui conviennent tacite-
mentqn il ne fut jamais bon à rien. On connois-
soit avanc les essais de Péron, dont nous n’eussions
pas démontré l’inutilité complète, si l’on n’eût
tenté de leur imprimer le caractère d’une merveilleuse
perfection, les expériences de Forster, faites,
vers le.pôle austral, dans le deuxième voyage de
C o o k , et celles du docteur Irving, qui eurent lieu
dans 1 Ucean arctique jusqu’au 8o,s. degré nord,
bi les quatre expériences de Péron méritoient la
moindre confiance, il esc certain que faites vers
1 equateur,^ et comparées à celles des deux savans
anglais quon vient de citer, quelques, lumières
pourraient jaillir de leur comparaison sur un
point encore très-obscur de la physique; mais-
en ne doit pas se laisser entraîner par l ’au-
torué des noms, et les résultats obtenus par
r orsrer et par Irving , quoique moins vagues
que tout autre, ne nous .paraissent pas encore
décisifs. Sans tenir compte des expériences recueillies
par Kirvan, parce qu’on ne les appuie
d aucun ^témoignage de quelque poids, nous trouvons,
1 -six expériences du compagnon de Cook
faites depuis Ie;5z ' . degré de latitude nord jusqu
au 4 -degré sud, et depuis 86 à too brasses de
profondeur ; i . quatre expériences de l’ami du capitaine
Phipps, fanes de a r 5 I 7 8o brasses. Péron
qui s appuie de ces dernières, dit expressément
(note du tableau de la pag. 10 5 ) , qu’on ne peur
compter sur le résultat de l’une d’elles : et
quant a celles de Forster, le thermomètre plongé
dans les profondeurs de la Mer n’y ayant jam^s
séjourné que durant i 5>. 16 y t 7 ou 20' minutes,
50, une fois seulement, et ayant mis
jnsqua ar minutes et demie pour remonter à
a surface, cet instrument avoic-it eu le remps nécessaire
pour acquérir la température du fond
des eaux ? il avoit d’ailleurs pu se mettre à celles
des couches- intermédiaires en revenant si lente-
ment a travers de celles-ci. C ’est d’après le nombre
d expériences imparfaites dont il vient d’être question,
lesquelles, avec celles de Péron, montent
en tout à quatorze, que ce dernier, établissant des
tables, et faisant des rapprochemens, donne en ces
mots ses conclusions : « On peut déduire de mes observations
le refroidissement progressif de la température
de la Mer,,à mesure qu’on s’enfonce dans,
ses abîmes’; le terme est la congélation étemelle
i de ces animes.»' Voilà donc les continens- et les: