
Atlantes; et lorsque, dans ces derniers temps, il
arriva des tremblemens du Globe et des inondations
, l’île atlantique fut engloutie. »
Platon reprend ce sujet dans le dialogue intitulé
Critias 3 et raconte d’abord comment les dieux se
partagèrent la Terre. Neptune eut pour lot l’Atlantide
; il la divisa entre ses fils 3 Atlas, l’aîné, en
eut la plus grande portiou. Ce roi donna son nom
à tout le pays qui avoit trois mille stades de longueur
sur deux mille de large, et qui étoit d’une
forme oblongue. Tout ce qui peut être utile à
l’homme s’y trouvoit en abondance ; une chaîne de
montagnes terminoit cette Atlantide, que Platon
appelle fertile, belle, sanite , merveilleuse, et
qui produisoit toutes sortes de métaux, surtout
de l’or avec de l’oiicalque, qu’on a soupçonné être
du platine. Nous ne suivrons pas le sage Athénien
dans ce qu’il dit de la magnificence des descendans
d’A tlas, de la richesse des temples bâcis par eux ,
du nombre de leurs sujets ; nous passerons sous silence
ce qu’il rapporte des moeurs et des lois, parce
qu’en cet endroit.il est aisé de voir que Solon a
profité de la circonstance pour adresser un apologue
à ses compatriotes. Comme il ne doit être ici
question de l’Atlantide que sous le rapport de son
antique existence, nous invoquerons seulement le
témoignage de Diodore de Sicile, qui vient appuyer
la tradition du Timée : « Après avoir parcouru
les îles voisines des Colonnes d’Hercule, dit
cet historien, nous allons parler de celles qui sont
plus avancées dans l’Océan. En tirant vers le couchant
, dans la Mer qui borde la Lybie, il en est
une très-célèbre, éloignée du continent de quelques
jours de navigation. » Diodore de Sicile ajoure
que, dès la plus haute antiquité, les Phéniciens
parcourant les côtes d’Afrique, furent surpris par
une violente tempête qui, les ayant jetés dans la
pleine mer, les fit toucher à l’Atlantide. Toute la
docte antiquité adopta l’idée de l’Atlantide ; les
Modernes seuls en ont révoqué en doute la réalité,
et quelques-uns y virent l’Amérique. L ’Amérique
est trop loin de l’ancien Monde pour qu’on puisse
supposer que, sans le secours de la boussole, des
Phéniciens eussent pu s’y rendre, et surtout en
rapporter des nouvelles.
Si le témoignage de l’antiquité se trouve n’être
point en opposition avec l’état actuel des parages
où fut détruit le continent dont elle parle,
peut-on refuser d’y croire? Nous avons, dans
un ouvrage de notre jeunesse, examiné ce point
historique et géographique avec la plus grande
attention ; nous avons cru reconnaître, d’après
l ’examen des lieux, que les archipels de l’Océan
atlantique, voisin de l’ancien Monde, avoient
pu être unis $ les Açores, les îles Madère et de
Porto-Santo , avec les Désertes et les Salvages, les
Canaries, et les îles du Cap-Vert elles-mêmes,,
seroient des lambeaux de l’Atlantide encore empreints
des ravages volcaniques, d’où résulta la submersion
de la plus grande partie du pays. Nous'
reproduisons ici ( voye-% PI. 47 ) la carre conjecturale
que nous traçâmes alors, et qui suffira pour
donner une idée du système à l’appui duquel
nous avons, â vingt ans, accumulé de nom
breuses preuves. Il est certainement dans notre
premier travail des idées que nous avons abandonnées
depuis, mais on y trouvera d’assez forts
raisonnemens en faveur de l’existence d’une contrée
dont les Guanches, qu’exterminèrent les Espagnols,
furent les derniers enfans.
Cette destruction de l’Atlantide , qui nous parole
beaucoup plus probable que tant d’autres grandes
révolutions physiques dont les géologues ont
coutume de s appuyer quand ils veulent expliquer
ce qu’ils ne comprennent pas, dut coïncider avec
la formation du détroit de Gades, avec celle du
détroit de Babel-Mandel ; en un mot, elle tint à
de violentes commotions volcaniques qui, se faisant
ressentir au loin, changèrent, à une époque
très-reculée, la configuration de cette partie superficielle
du Globe, comprise entre l’Océan indien
et l’Océan atlantique : avant ce temps, et dans son
état primitif, l'Atlantide avoit même pu faire
partie de ce continent dont les monts, que nous
appelons Atlasj furent le noyau, et que nous avons
dit plus haut avoir aussi compté l’Espagne au nombre
de ses appendices. La Mer que nous représente
aujourd’hui la Méditerranée, communiquoit avec
le golfe maintenant appelé de Gascogne ou de
Biscaye, par 1a- dépression du canal de Languedoc,
et les déserts de Sahara et de Lybie, couverts par
les flots, séparoient le Béaldelgérid de la seconde
île africaine, devenue par la suite notre Guinée ;.
et par-dessus l’isthme de Suez, les flots de la
Mer africaine s’unissoient à ceux des Mers per-
siques.
Telle étoit donc,, à l’époque où nous sommes
remontés , la figure de la T e r re , que for-
moient quatorze grandes îles d’attente ou petits
continens primitifs. Nous avions pris l ’engagement
dans notre Dictionnaire classique de donner
incessamment une série de mappemondes, où dévoient
être tracées de cinq cents toises en cinq
cents toises de diminution les diverses figures que
dut prendre successivement, avant d’être ce qu’il
est, le théâtre de nos misères. Ce travail, au
moment de paroître, ne nous a point paru
assez parfait, aussi ne le trouve-t-on pas ici ;
mais nous ne cesserons de recueillir des matériaux
pour le compléter, parce qu’il nous paroît devoir
jeter la plus vive clarté sur l’histoire de la création
et qu’il sera le véritable moyen de fixer la
Géographie botanique et zoologique. Nos cartes
donneront des moyens certains de rendre compte
de la propagation, du mélange ou de l’isolement
du plus grand nombre des espèces végétales.
et animales à la surface du Globe :
elles feront voir surtout combien sont peu fondées
les opinions de ceux qui placent le berceau de plusieurs
espèces du genre humain par exemple, ou
qui cherchent les contrées sur lesquelles se mêlèrent
des races sorties de ces espèces, vers des
régions terrestres qui appartenoient à la Mer il
n’y a peut-être pas trois mille ans (yoye% pag. 60 ).
Lorsqu’on aura ces cartes sous les yeux, on résoudra
sans difficulté plusieurs problèmes d’Histoire
naturelle et de Géographie physique, demeurés
d’autant plus obscurs, qu’on en avoit raisonne
davantage, sans avoir essayé préalablement de
remonter à ce qu’on pourroit appeler aussi les
étymologies dans les sciences naturelles.
§. Y . Sur la distribution des corps organisés cl la
surface exondée du Globe.
Après nous être occupé des montagnes- et des
plaines dont la croûte du Globe est un vaste assemblage
,. nous eussions désiré, donner une idee de la
manière dont les plantes et les animaux se trouvent
répartis « chacun selon son espèce » , d après
l’expression des livres sacrés ; mais au moment d entreprendre
ce travail, nous avons senti l’impossibilité
de son exécution dans l’état de pauvreté
où se trouve encore la science. En recherchant
quels, furent les. nouveaux continens et les grands
archipels dont se composoit la surface terrestre
, lorsqu’un peu plus d’eau se trouvoit ajouté
aux mers actuelles, nous avons indiqué divers
points de dispersion sur lesquels nous laissons
aux. sa vans le soin de rechercher, quels furent les
êtres.qui s’y durent développer,, selon telle ou telle
forme générale, et comme sur des patrons particuliers
: on ne saurait présentement aller beaucoup
au-delà de ces données génératrices; et pour fournir.
la preuve de l’impossibilité où- l’on est encore
de trop particuliser les habitat de chaque plante et
de chaque animal , nous reproduirons quelques
lignes tirées de l’un de nos ouvrages précédons, ou
nous--citions-, les.essais infructueux , qu’on a tentés
jusqu’ici pour introduire dans la Géographie, considérée
sous les rapports de l’histoire naturelle, des
élémens de clarté qui n’y sauroient être admis :
Adanson , disions-nous, dont l’érudition fut des
plus vastes sans doute, mais qui ne se piquoit pas
moins de singularité que de savoir, imagina, vers
le milieu du siècle dernier, de faire de ce qu’il ap-
peloit de la géométrie botanique. Que la minéralogie
ait appelé à son secoursdes formules rigoureuses
pour déterminer la figure des molécules primitives’
et caractéristiques des formes cristallisables, cette
idée est ingénieuse ; elle fut conséquemment féconde
sous le goniomètre du prudent Haiiy ; mais appliquer
le calcul rigoureux à quelque partie que ce
soit de l’histoire des corps organisés, étoit une ten tative
prématuiée tant qu’on 11’avoir pas bien établi
les proportions numériques dans lesquelles les
espèces, les genres et les familles de plantes ou
d’animaux sont répartis à la surface de la Terre, ou
dans l’étendue des eaux. Il faudroit d'abord s’entendre
parfaitement sur ce qu’on regarde comme
espèce, comme genre, comme famille, avant de
statuer ponctuellement sur la-place qu’occupent ces
choses. Puisera-t-on les élémens d’une arithmétique
naturelle dans les ouvrages des botanistes ou des
voyageurs? Mais tous les botanistes et les voyageurs
ont-ils également bien vu? Fera-t-on entrer comme
des élémens de calcul dans les résultats cherchés, les
objets que les voyageurs n’ont indiqués que vaguement,
par une phrase ou par une figure insignifiante ? '
Consultera-t-on les herbiers et les collectionsdes naturalistes
? Mais ne sait-on pas que chacun en voulant^
dans ses récoltes, embrasser la Nature entière, affectionne
, sans s’en apercevoir quelquefois, tel ou tel
rameau de la science, et que1 les productions de ce
rameau dominent nécessairement parmi'les richesses
que chaque voyageur parvient à réunir ? Tel
collecte des Graminées, des Ombellifères ou des
Orchidées de préférence ; un.autre cherche des Papillons
ou des Coléoptères,, des Colibris ou des
Serpens faciles à conserver dans la liqueur; et d’après
ce que de tels collecteurs auront rapporté de
leurs excursions, on établira que les Ombellifères
les Graminées, les Orchidées, les Papillons, les
Coléoptères , les Colibris ou. les Serpens sont en
tel ou tel lieu dans le prospectus d’un onz'ème ,
d’un cent trentième, ou d’un huit centième et
demi.... . ?
Il suffit, pour démontrer là nécessité d’ajourner
entièrement de telles spéculations,.de jeter un coup
d’oeil sur les erreurs matérielles qui s’étoient établies
seulement en cryptogamie jusqu’à ce jour. De
,ce que les naturalistes des régions boréales,,où.la