
les pierres amassées sur la plage, et que les eaux
soulèvent continuellement, les frottant les unes
contre les autres et finissant par le's arrondir.
On appelle cailloux roulés, ou miëux-galets ^ les
pierres ainsi usées par faction des eaux de la Mer,
et l’on observe que leur grosseur varie sur chaque
plage et pour ainsi dire de pied en pied, de manière
qu’ils paroissent comme réunis d’après leur dimension,
ce qui tient sans doute aux différentes intensités
d’action des vagues sur eux, selon la forme des
rives. On peut voir un exemple remarquable de
cette distribution par la grosseur des galets, en suivant
l'espèce d’isthme qui réunit l’île de Portland
au sol de l’Angleterre; sur une longueur de plusieurs
lieues, on voit de pas en pas les galets croître
pour ainsi dire en progression géométrique, depuis
la dimension d’une noisette jusqu’à celle de la tête
d’un enfant,' sans qu’il y ait mélange. On remarquera
encore, si l’on suit une plage en étudiant la
nature des roches qui forment les côtes, que les
galets existent là où les roches peuvent être dégradées
par les vagues, et que si la nature des roches
change, la nature des galets change de même ; de
sorte que la formation de ces dernières paroît locale,
et subordonnée à la nature des côtes. Il arrive cependant,
que par des circonstances particulières et
.exceptionnelles, que par des causes ordinairement
violentes et passagères, les galets, après avoir été
arrondis sur un point de la côte, sont transportés
sur un autre peu éloigné, mais alors ils ne sont plus
aussi bien.assortis; ils sont mélangés avec du sable
ou de la vase, caractère qui indique qu’ils ne sont
pas à la place où ils ont été formés. Ces observations
et un grand nombre d’autres du même genre,
présentent un grand intérêt aux géologues pour
î’étude des couches de la terre qui renferment ou
sont entièrement Composées de galets, et surtout
pour la recherche des circonstances particulières,
sous lesquelles ces couches se sont formées.
Lorsque les côtes sont à pic, les vagues viennent
en miner et saper périodiquement le pied, et les
parties supérieures restant en surplomb ne tardent
pas à s’ébouler ; c’est ce que l’on indique en appelant
ces cotes des falaises. Les matières molles,
fines, déiayables, sont entraînées par les flots à
différentes distances, et elles forment sous les eaux
de nouvelles couches sédimenteuses, tandis que les
Lragmens durs et pesans sont transformés en galets
qui s'éloignent beaucoup moins de la rive.
L.a marée montante coïncide presque toujours
avec cerrains vents et un état hygrométrique particulier
de l’atmosphère.
Le flux ou flot se fait sentir d’une manière remarquable
jusqu’à une distance plus ou moins
grande de l’embouéhure de certains .fleuves ; une
ou plusieurs vagues qui se succèdent, remontent
avec bruit contre le cours des eaux fluviatiles, dont
la marche est arrêtée. On connoît ce phénomène
sous le nom de Barre à l’embouchure du Gange, du
Sénégal, de la Seine, de l’Orne, etc.; sous celui
de Mascaret dans la Gironde, la Dordogne, la
Garonne, et dePororoca sur les rives du fleuve des
Amazones. Dans ce dernier lieu, comme dans la
Garonne et même la Dordogne, les lames d’eau
qui remontent le fleuve ont douze à quinze pieds
de haut et même plus ; elles renversent tous les
obstacles sur leur passage, et le bruit effrayant
qu’elles produisent, surtout dans les grandes marées,
s’entend à plusieurs lieues.
Des géologues ont essayé de rendre compte de
ta formation de nos continens actuels, de la présence
des débris^des corps marins, des galets, etc.,
dans des lieux qui se trouvent maintenant de plusieurs
centaines de toises au-dessus du niveau des
mers, par des marées gigantesques qui auroient
existé à un âge moins avancé du Globe. Delomieu,
l’un des partisans de ce système, pensoit que les
matériaux de toutes les couches coquillières avoient
été transportés du fond des mers par des marées de
800 toises ; que les vallées secondaires étoient dues
à l’action de ces immenses marées et aux Courans
puissans qui résültoient de la retraite des eaux après
leur gonflement. Chaque flux, disoit-il, déposoic
des couches qui étoient ensuite morcelées et dégradées
par le reflux ; dans d’autres circonstances , les
marées subséquentes combloient les vallées creusées
par celles qui les avoient précédées, et elles
rassembloient dans les couches, qu’elles y dépo-
soient,.les produits de tous les' règnes et de tous
les climats. Par le développement exagéré d’un
phénomène de la nature actuelle, Delomieu cher-
choit à expliquer les. faits que l’observation lui
avoit fait connoîcre, sans avoir besoin de supposer
des retraites , des séjours et des retours de la Mer
plusieurs fois répétés sur le même point du Globe ,
comme on ne se fait pas scrupule.de l’admettre aujourd’hui
dans des ouvrages célèbres. Mais est-il
plus facile de concilier l’opinion de Delomieu, que
cette dernière supposition, avec les connoissances
astronomiques qui nous ont dévoilé l’ordre établi
dans l’Univers et les lois immuables qui les régissent
? Par quelles causes les marées de huit
cents toises auroient-elles été produites, à moins
de supposer que la masse des eaux, les rapports
de la Terre avec le Soleil et la Lune,*et les
mouvemens même de ces astres, eussent été différens
de ce qu’ils sont aujourd’hui, a une époque
■ où cependant végétoient et vivoient déjà sur l’antique
terre, des plantes et des animaux analogues,
/.•sous le rapport de leur organisation, avec les êtres
de la terre actuelle?
t t DES COURANS.
I En les distinguant soigneusement des marées
dont il vient d’être parlé, nous avons dit, dans
l’un de' nos précçdens ouvrages , que les cou-
■ rans étoient le résultat du mouvement progressif
qui s’exerce dans les fluides en raison de l’impulsion
que leur imprime la différence des niveaux,
■ et la dilatation ou la raréfaction des milieux en-
vironnans; l ’air comme l’eau, ajoutions-nous, a
•vses courans, sur lesquels l’effet du poids des diverses
couches de l’atmosphère est très-sensible.
|Les courans de l’air influent, dans beaucoup de
circonstances, sur ceux des eaux ; ces courans nous
Jpccuperont tout à l’heure ; ceux qui sont propres
à l’étendue des mers nous doivent seuls occuper
maintenant. On en a cherché les raisons dans
une multitude de causes qu’il seroit trop long
d’énumérer. Quelqu’hypothèse qu’on ait imaginée
sur la différence du niveau de certaines
parties de l’Océan , il est impossible de concevoir
que diverses mers soient beaucoup plus
élevées que d’autres, et les lois de la Nature,
auxquelles obéissent les fluides, ne sauroient per- -
mettre une aberration capable de renverser toutes
les idées reçues. Il est vrai que le niveau de la
Mer-Rouge se trouve, pendant le flux, élevé de
quelques mèrres au-dessus de l’extrémité syriaque
de notre Méditerranée, et qu’on a des raisons de
supposer que la surface des eaux, au fond du vaste
golfe mexicain, est un peu plus haute que celle
du reste de l ’Océan ; mais ces deux exceptions,
Jps seules avérées sur de grandes masses d’eau,
tiennent à des circonstances particulières ; la première,
à la formé de la Mer-Rouge, où l’eau de
I Océan indien est poussée comme nous voyons
quelquefois les vents s’engouffrer dans une impasse
, et en sortir moins vîte qu’ils n’y sont en-
ÿ é s ; la seconde, à la pression latérale que doit
exercer contre les côtes qu’il longe, le grand courant
connu des marins sous le nom de Gulf-Stream.
II .est même probable que le fond de plusieurs
grands golfes alongés et rétrécis, particulièrement
ffie la plupart de ceux qui ne se lient à l’ensemble des
mers que par un seul détroit, sont dans le cas des
cornes de la Mer-Rouge, sur lesquelles les nivelle-
-mens des officiers de l’immortelle expédition d’E gypte
ont opéré. Ainsi la Mer-Noire et l’extrémité
de la Baltique pourroient bien être un peu plus
hautes que l’Océan. De même celui des côtés
d’un courant qui longe un rivage, pourrait bien
être un peu plus élevé que le côté opposé, auquel
l ’étendue des eaux ne présente pas tant de résistance
; cependant ces faits certains ou probables,
mais isolés, ne sont rien contre d’imprescriptibles
! lois. Les fluides tendent sans cesse à se mettre en
équilibre, et ce n’est que de la formé de leur
contenant que résulte, pour les eaux de la Me r ,
la ^direction des courans divers qui s’y remarquent.
Les ruisseaux, les rivières et les fleuves nous
indiquent la. marche que suie partout la Nature
dans la production et pour la direction des courans.
Les eaux de ceux-ci, suivant la pente du terrain,
roulent avec fracas, se ralentissent ou coulent avec
une sorte de mollesse, selon que le terrain devient
rapide ou s’aplanit; en débouchant dans la Me r , le
courant des fleuves y continue donc à travers une
masse d eau qui repose sur un fond anfractueux,
et il doit nécessairement suivre encore, en s’y écoulant,
les anfractuosités du sol sous-marin, tout en
ralentissant sa progression. La réunion de ces courans
divers , er l’opposition invincible que leur
présente bientôt le poids de la masse totale des
eaux qu’ils viennent grossir, doit produire un ■
courant général ; vaste fleuve marin, à peu près
parallèle aux côtes, proportionné en étendue et en
rapidité aux tributs qu’il reçoit des continens, et
dont les rivages sont d’un côté, ceux des continens
mêmes, et de l’autre la masse centrale des flots.
Les courans se distinguent aisément dans les
rivières et les fleuves, par leur rapidité toujours
plus grande, et des objets immobiles de comparaison
se présentent aux environs comme pour faire
apprécier leur vitesse. Il n’en est pas de même de
ceux de la haute mer, dont le navigateur éprouve
souvent les effets sans en distinguer d’indices. Cependant
des corps entraînés, quelquefois une teinte
différente du reste des eaux qu’ils traversent, et
une ligne sinueusemenc superficielle , formée
d’écume et de débris flottans, servent à faire re-
connoître certains courans des haurs parages. Nous
avons plus d’une fois, de la pomme du grand mât,
distingué au loin , sur la Mer tranquille, de ces
traces sinueuses qui ressemblent aux cours d’eau
donc on suit les replis au milieu d’une prairie
dominée par quelque roc, du sommet duquel
on contempleroit la campagne. Ces traces écu-
meuses doivent être soigneusement observées par
les naturalistes voyageurs. Les débris qui les