
calcaires des provinces Illy tiennes, par M.d’Omalius ]
d’Halloy. Cet observateur nous apprend que dans !
les environs de Trieste, et de Sienne surtout, une
grande quantité d’enfoncemens très-considérables,
en forme d’entonnoirs ou cônes renversés, donnent
au pays un aspect extraordinaire : ces cavités ne
retiennent point les eaux pluviales, qu’elles laissent
au contraire filtrer ; de sorte que, lorsque les pentes
n’en sont pas trop rapides, on y cultive l’olivier.
M. d’Omalius d’Halloy n’a pu se rendre raison
de ce phénomène. Il s’est borné à nous faire observer
qu’il ne peut être attribué à un affaissement
local du so l; car les couches dans lesquelles sont
creusés les entonnoirs ne présentent aucun dérangement
particulier, et conservent la même disposition
que toute la masse du terrain environnant ; il leur
soupçonne de l’analogie avec les cavernes dont
l’Illyrie est remplie ; cavernes qui, dit-il, communiquent
peut-être avec les entonnoirs. N ’est-il
pas en effet certain que cette Illyrie, si antique-
ment peuplée, étoit couverte, au temps ou les
arts florissoient en Grèce, de villes populeuses et
de monumens ? Les peuples qui élevèrent ces mo-.
nu mens et ces cités, en trouvèrent les matériaux
dans leur sol calcaire ; ils creusèrent celui-ci dans
toutes les directions, e t , comme on l’a fait dans
le plateau de Saint-Pierre, ils tranchèrent une
multitude d’Orgues géologiques, qui successivement
ont Occasionné le transport du sol supérieur
dans l’intérieur des galeries souterraines, galeries
qu’on retrouverait à coup sur sous le sol criblé
d’entonnoirs, décrit par M. d’Omalius d’H alloy, si
l’on se donnoit la peine de les y chercher.
Il est difficile d’apprécier la longueur des tuyaux
d’Orgues géologiques du plateau de Saint-Pierre ;
si l ’on en croit les carriers, ils traversent le grand
banc calcaire, dépassent les parties inférieures où
se voient des assises de silex, dont nous occuperons
bientôt le lecteur, et descendent jusqu’au-dessous
du niveau de la rivière. Nous ne savons sur quelles
données on peut établir une pareille croyance, qui
aura peut-être déterminé M. Clerc à supposer aux
Orgues géologiques jusqu’à soixante mètres de hauteur.
Nous avons vainement cherché leurs traces
au niveau de la Meuse, sur ces escajrpemens en
forme de mur éblouissant, marqué vis-à-vis de
la lettre M dans notre carte. Nulle part nous
n’avons aperçu le moindre indice qui pue autoriser
à penser que les puits naturels descendissent
aussi profondément dans la masse solide
; nous sommes porté à croire qy’ils ne dépassent
pas la région où les bancs siliceux commencent
à présenter une stratificatiçn continue.
Quoi qu’il en so it, nous en avons observé de
bien formés', c’est-à-dire de ceux qui, descendant
depuis la surface du banc calcaire, traversent les
cryptes, dont le diamètre varie prodigieusement,
et depuis deux ou trois centimètres jusqu’à quatre
mètres et demi. Plus communément ce diamètre
égale un ou deux mètres. Les tuyaux qui dépassent
quatre mètres sont les moins fréquens ; ils occasionnent
ce qu’on peut appeler un effondrement
complet : après avoir donné passage aux portions du
sol supérieur qui les encombroient, ils demeurenc
entièrement vides ainsi que des évents de mine , et
comme pour laisser pénétrer quelque clarté dans
certains points des galeries.
Le plus remarquable de ces effondremens
complets a eu lieu depuis huit à dix ans, précisément
au milieu de la route du Sart, au point de
jonction du chemin qui, conduisant à la base du
plateau par sa face orientale , passe successivement
devant quelques entrées de carrières, dont on a fait
des granges, et devant la porte inférieure du jardin
du château. Nous engageons les voyageurs qui par-
courroient le plateau de Saint-Pierre sur nos traces,
à le remarquer ; il est signalé par un fort point
noir dans notre carte, et marqué des lettres E , L ,
M , dans la PI. 28, 11°. 1. Il a été nécessaire d’environner
ce précipice, qu’on ne pouvoir faire disparaître
, d’une haie qui ne permît pas d’y tomber.
En y plongeant ses regards, l’observareur découvrira
que les parois du puits offrent en grand la
même forme et la même contexture que celles des
autres puits moins considérables, et dont il ne
reste que des traces sur les flancs des rochers représentés
dans la vue n°. 3.
Les Orgues géologiques ou puits de terre, que
leur position ou leur mise à nu permet d’examiner,
nous ont présenté les aspérités que M. Mathieu
compara à des stalactites légères 3 et les renflemens
qu’il y observa, nous les avons trouvés formés
d’une croûte dure, plus compacte que le calcaire
grossier environnant, et cette croûte, dont l’épaisseur
est en raison du diamètre de chaque tuyau
d’orgue, forme un conduit dont la substance particulière
se confond extérieurement et graduellement
ayec la masse qu’il perce. Le plus curieux de
tous nous paroîc être celui que nous avons figuré en
H , n°. 3. Le fracassement du banc calcaire qu’il tra-
yersoit et qui s’est brisé précisément dans sa longueur,
en a respecté les moindres détails} le pan
du rocher par lequel il dut être long-temps caché,
et qui, gisant couché sur la terre à peu de distance,
conserve encore sur un de ses flancs une empreinte
demi-cylin4rique? n’emporta dans sa chute qu’une
petite portion- de la croûte compacte du tuyau d’orgue
révélateur. Ce tuyau, légèrement sinueux,
dont la circonférence intérieure peut avoir trois
mètres tout au plus, fait saillie comme la moitié
d’une grosse colonne détériorée, mais taillée d’un
seul fût, sur un antique mur de construction cyclo-
péenne. En approchant de cette saillie, on aperçoit
bientôt qu’elle est interrompue vers sa base,
et l’interruption n’est qu’une brisure en forme de
porte, par laquelle on pénètre dans l’intérieur du
conduit, où l’on peut se tenir debout, et par l’extrémité
supérieure duquel on aperçoit le ciel au-
dessus de sa tête. Le naturaliste qui, chassant et
herborisant dans une antique foçêt, aura cherché
un abri dans le creux d’un arbre en décrépitude,
où l’on peut entrer par les déchiremens de son
vieux tronc, se formera une idée très-juste du tuyau
d’Orgue géologique qui vient d’être décrit.
On concevra encore l’effet que produiront, sur
certaines faces de rochers, la confusion et le rapprochement
des traces de vingt puits de terre détériorée
et mise à jour, en jetant les.yeux sur les
murs limitrophes de c.es maisons fort élevées et
détruites dans une grande cité où, abstraction
faite de la suie qui les noircit, divers conduits de
çheminée se croisent ou s’élèvent, tantôt parallèlement,
tantôt en serpentant d’étage en étage. On
dirait ailleurs l’empreinte de Madrépores gigantesques,
ou d’énormes traces deTaretsj et nous ne
fûmes pas surpris à cet aspect que M. Mathieu ,
n’ayant eu la possibilité d’examiner ces lieux que
superficiellement, ait pensé qu’on pourrait attribuer
la formation des Orgues géologiques à quelque
animal monstrueux qui, au temps où la masse des
rochers n’avoit point acquis la consistance qu’elle
présente maintenant, l’eût sillonnée « ainsi que la
u Taupe creuse la terre, et que l’Araignée maçonne
» construit Son'admirable demeure dans un gra-
» nit encore très dur, quoiqu’en état de décompo-
» sition. » Dans cette hypothèse, il eût été cependant
plus naturel d’attribuer les tuyaux d’Orgues
géologiques,à quelque Pholade colossale, et détruite
comme les races puissantes des temps antédiluviens
, puisque les Pholades actuelles creusent
sous 1 eau-, dans une pierre analogue à celle de
Maëstricht, mais d’un grain plus fin, de véritables
Orgues géologiques en diminutif.
Ni des Pholades énormes, dont on ne trouve
point de débris, ni aucun animal probable,
n eussent pu former les puits de terre : ce ne
dut pas être non plus le dégagement d’un gaz qui
auroit autrefois pénétré de ses bulles ascendantes
un sol délayé et presque liquide, ainsi que de
l’hydrogène sulfuré traverse la vase très-molle
des marais en y laissant, pour quelques instans,
les traces cylindriques de son passage3 nous doutons
encore que des torrens ou des courans en
puissent expliquer l’origine. En vain M. Cuvier
voudrait-il essayer de rendre raison , par ce
moyen, de la formation d’un conduit qu’il a observé
dans les carrières de Sèvres, et qui, selon
lui, ressemble à un canal oblique sillonné par un
courant. Il étoit réservé à M. Gillet - Laumont
d’entrevoir la véritable cause à laquelle on doit
attribuer la formation des puits de terre. « J’ai re-
» gardé, dit ce savant, les tuyaux (observés sur
» les bords de l’Oise près d’Auvèrs et de Méry )
» comme formés par l’infiltration des eaux dans une
v masse composée de grains peu ad hère ns les uns
» aux autres., . » Mais pour que cette infiltration
ait pu s’opérer, il n’est pas nécessaire de remonter
à l’époque où l’Oise devoît être plus élevée qu’elle
ne l’est aujourd’hui ; des masses d’eaux supérieures,
stagnantes ouooulantes, peuvent y avoir été touc-
à-fait étrangères 3 et non - seulement les puits de
terre des bords de l’Oise, des environs de Paris,
et du plateau de Saint-Pierre , ont pu se former à
une époque fort reculée, mais il s’en forme encore
tous les jours, et nous avons pris à cet égard la
Nature sur le fait.
En descendant par la plus méridionale des entrées
qui sont marquées T sur notre carte, nous
avons remarqué, dans la paroi droite du chemin ,
de fort petits puits de terre 3 il s’en trouvoit depuis
quelques pouces jusqu’à quelques pieds de longueur
3 à mesure que ceux-ci s’alongeoîent, leur
forme conique se perdoit pour passer à celle d’un
cylindre dont l’extrémité inférieure se terminoit
toujours en pointe. D ’abord , ces tuyaux naissans
ne sont point remplis de sable et de galets ; le grain
de la pierre grossière.y prend seul une disposition
nouvelle 3 l’eau qui le pénètre goutte à goutte en
sépare les parties , et dissolvant du carbonate calcaire
, dépose latéralement cette substance durcie,
en laissant le milieu du tube inégalement obstrué
d’une terre bolaire brunâtre, et qui souvent présente
une disposition rubanée avec de petits interstices
longitudinaux. Cette disposition est remarquable
dans une moitié du tuyau d’Orgue géologique,
longue de deux mètres environ, et qu’on nous avoit
annoncée comme un Madrépore fossile. Le diamètre
de celui-ci est de onze à quinze centimètres;
on l’aperçoit sur le flanc d’un gros rocher comme
suspendu sous Lichtenberg, et qui semble menacer
le curieux qui l’observe, d’une chute que le
moindre ébranlement suffirait pour déterminer.
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