
que le quart de sa surface. Essentiellement mobile
, sans cesse agitée par les courans qui en
sillonnent le sein, ou par les vents qui sont
des courans aériens, on lui a supposé en outre
un mouvement général, subordonné à la rotation
diuine du Globe. Rien n’est moins prouvé’,
mais partout l’Océan obéit à d’autres mouvemens
aussi réglés que manifestes, dont l’effet est subordonné
à la forme de côtes qu’assiègent et qu’abandonnent
alternativement ses vagues. Ces mouvemens
alternatifs dépendant de l’action qu’exercent
les astres à sa surface, sont appelés Marées ;
comme ce qui en fut dit dans le Dictionnaire de
cette Encyclopédie est demeuré insuffisant, on y
reviendra dans la suite du présent chapitre.
Avant M. de Fleurieu, l’Océan avoir été fort
arbitrairement divisé par les géographes, et par
les faiseurs de cartes : l’illustre marin essaya d’y
établir des régions mieux circonscrites , et dans
les mappemondes récentes, on s’est généralement
conformé à la nomenclature qu’il imposa;
ainsi l’on a appelé Océan glacial arctique les mers
circompolaires du Nord, par opposition à celles
du Sud, nommées Océan glacial antarctique ;
Océan atlantique , divisé en boréal, équatoréal et
austral, l’étendue contenue entre les deux cercles
polaires, l’ancien et le nouveau Monde ; Grand
Océan boréal, la Mer qui du tropique du Cancer
s’étend entre l’Asie orientale et les côtes américaines
du nord-ouest ; Grand Océan pacifique,
la Mer entre les deux tropiques, l’Amérique équa-
toréale et la Polynésie ; enfin, Grand Océan austral,
l’immensité d’eau comprise entre les pointes
méridionales de l’Afrique, de l ’Australasie, de
l’Amérique et le cercle polaire austral. La Mer
particulièrement appelée des Indes, n’est rentrée
dans aucune de ces six divisions.
Quelles que soient les autorités d’après lesquelles
on voudroit faire admettre un telle nomenclature
, la raison la repousse y du moins en plusieurs
points. Nous croyons important de le prouver
avant que l’usage en soit définivement consacré.
Il n’en est pas de la Mer comme de la Terre,
où la domination des hommes s’étant établie
par la force ou par l’effet du hasard, les limites
naturelles de chaque contrée ont dès longtemps
disparu pour faire place aux limites politiques,
où des citadelles s’élevèrent comme nous
plaçons des bornes autour de nos héritages ; de
sorte que des peuples appartenant à des espèces
fort dïffétent'es du genre Homme, se sont trouvés
confusément mêlés sous le même sceptre, quand
leurs caractères physiques, d’où leurs moeurs dérivoient,
sembloient commander entr’eux une
démarcation éternelle. Nulle limite stable ne put
être tracée sur les flots ; tous les parages sont
également le domaine des navigateurs.
Abusant de ses forces navales, disions-nous dans
le Dictionnaire classique dyhistoire naturelle, une
nation usurpatrice peut encore aujourd’hui se réserver
exclusivement le commerce de quelque
plage déserte, ainsi que Carthage, de son temps,
11e permettoit pas qu’on visitât ses possessions de
l’Atlantique; mais de tels excès ont leur terme,
et lorsque les côtes de la Nouvelle-Calédonie, par
exemple, seront aussi peuplées que l’étoient celles
de l’Amérique du Nord au temps du grand Washington
, la Grande-Bretagne ne s’arrogera plus
le droit léonin de dire aux marins du reste de
l’Univers : Vous ne viendrez pas pêcher de phoques
dans les parages du détroit de Bas.
D ’après cette communauté de la Mer, la Géographie
ne peut donc,admettre sur son étendue de
ces divisions que le caprice et la violence établissent
à la face de la Terre. Les distinctions entre les
régions où se balancent les flots inconstant ne peuvent
être que scientifiques , il faut en poser les
bornes rationnellement, c’est-à-dire en consultant
la figure et les relations naturelles des côtes voisines,
le rapport des masses d’eaux avec les terres,
qu’on peut ici considérer comme contenant, enfin
l’influence qu’exerce la température sur les productions
de tel ou tel espace inondé, et c’est alors que
la distribution géographique des Hydrophytes ou
végétaux marins et des animaux aquatiques éclaire
une science qui crut vainement jusqu’ici pouvoir se
passer de la botanique et de la zoologie.
Ce n’est en aucune partie du Globe rerraqué
que les productions du règne animal et du règne
végétal s’arrêtent à tel ou tel cercle de la sphère»
, L ’équateur, les tropiques, l’écliptique, les cercles
polaires, les méridiens , dont la connois-
sance est indispensable pour déterminer les climats
horaires -, les positions respectives de chaque
point du Globe, et la route d’un vaisseau, n’ont
aucun rapport exact et positif avec les productions
marines ou terrestres. On ne citeroit pas
plus un végétal ou un animal dont l’apparition
commençât rigoureusement à tel ou rel degré de
longitude, soit dans les profondeurs de l’O céan,
soit sur les continens ou sur les îles, qu’on n’en
pourroit citer qui persévérassent d’un pôle à l’autre,
Toutes les productions de la Nature ont leur
zone plus ou moins large et sinueuse, dans l’étendue
variable de laquelle on les voit se propager,
soit comme en société, soit isolément, mais dans
diverses inclinaisons sur tous les cercles de la
sphère, Il est des créatures qu’on retrouve de
Terre-Neuve aux îles Malouines, ou de Borany-
Bay au Japon, tandis que d’autres se voient dans
| notre Europe, en passant par les îles de la Société,
les îles de la Sonde, le Népaul, les îles de
France et de Mascareigne, le Cap de Bonnes Espérance
et les côtes de Guinée ; il en est d’autres
ordinairement assez fidèles à l’équateur, qui font
néanmoins çà et là des pointes assez loin en dehors
des lignes solstitiales ; mais nous n’en connoissons
pas a qui les lois de la dissémination aient in-
| terdit la faculté de s’écarter de quelques minutes
§ de degré d’un parallèle ou d’un méridien quel-
| conque.
Les productions de l’Océan étant également
astreintes à des règles de sinuosité dans leur propa-
? gation, nous emprunterons de la manière dont les
principales sont répandues dans l ’immensité des mers
quelques données pour proposer une nouvelle divi-
81011 à la surface de celles-ci : auparavant nous mon-
| trerons, par divers exemples, combien écoit- vicieuse
la nomenclature employée jusqu’à ce jour. Ce qu’on
appeloit Grand-Océan, d’où l’on appela Océanie
| le vaste archipel qui s’étend vers nos Antipodes,
I n est pas plus grand, ni même si grand que les
autres Océans. Le Grand-Océan boréal, qui n’est
$ Pas 11011 plus fort étendu, méridional par rapport à
de vastes parties de 1 Asie et de l ’Amérique, n’est
réellement boréal que par rapport à une petite étendue
du tropique du Cancer ; tandis que l’Océan
, atlantique, que l’on ne nommait cependant pas
grand , étoit le plus grand de tous.
. Nous admettrons seulement cinq régions océan-
tiques.
' i°. L ’O c é a n a r c t iq u e ( voyer PI. i )
i boréal en réalité par rapport à l’universal’ité du’
Olobe, le pôle arctique en sera le centre, les
; cotes du Groenland, d’Islande, d'Ecosse , de
Norvège, de Russie, de l’Asie et de l’Amé-
rique du No rd, en seront les rivages:-les îles
reprer, du Spuzberg, de la Nouvelle-Zemble
et Eiakof, en seront, les archipels; cet Océan
: communiquera avec les suivans par le détroit
de -Bering peut-être par la baie de Baffin, enfin
par le canal plus large qui s’étend de la mer
des Esquimaux aux rivages écossais. Des amas
eteinels deau congelée paraissent en occuper le
milieu, comme une terre-ferme désolée, silencieuse,
mais éblouissante aux rayons de jours de
plusieurs mois, auxquels succèdent des nuits non
moins longues. Des montagnes de glace se détachent
parfois de ce continent infécond et
flottent jusque sur les confins des mers tempérées.
Quelques grands Cétacés, entre lesquels
se distingue le Nanval, sont les Mammifères de
ces austères parages, avec ces Outs blancs dont le
froid semble être l ’élément. On n’y voit point de
ces Acalèphes libres de forte dimension, si communs
dans les zones chaudes. Les Médus,lires y
sont presque microscopiques, et nombreuses au
point d y épaissir les flots où ces animalcules deviennent,
avec les Clips, la pâture des Baleines.
JLes Mollusques et les Conchifères n.’y sont jamais
diaprées de brillantes couleurs ; les Poissons eux-
mêmes s’y montrent ternes : ce sont les Gades,
des Clupes, la Chimère et quelques espèces sans
beauté, la plupart particulières au climat ; mais jamais,
ou rarement, on n’y rencontre de ces Ba-
littes bizarrement conformées, de ces Squammi-
pennes élégans, de ces Tétredons cuirassés, de
ces Labres peints de mille nuances et resplendis-
sames de l’éclat des pierres précieuses. Pour les
Oiseaux, ils sont tristes autant par leurs moeurs que
par leur plumage; un grand nombre appartiennent
au genre disgracieux des Canards ; presque tous
sont obligés de fuir vers des climats moins durs
pendant la longueur des hivers rigoureux. Les
Hydtophytes portent aussi, dans l’Océan arctique,
un caractère particulier ; destinés à résister à de
rudes tempêtes très-fréquentes où souffle en tous
sens l’impétueux aquilon , leur tissu y est des plus
solides. Ce sont en général des Fucacées ou de ces
puissantes Luminariées ressemblantes à des lanières
de cuir ; on doit remarquer combien, à mesure
qu on s éloigne de l’Océan arctique, les plantes de
cette classe deviennent moins coriaces et moins
résistantes. Enfin, les plages de tous ces lieux, où
la Mer encombrant les golfes de glaçons, est gelée
pius ou moins de temps chaque année, présencenc
une végétation particulière, avec des animaux terrestres
subordonnés à la nature de cette végétation
qui les nourrit. Les arbres qui y sont peu nombreux
et presque tous rabougris ou nains, consistent dans
quelques espèces de pins ou de bouleaux. Des lichens
y couvrent les landes dont se couronnent des
monticules sauvages. Les sphaignes et autres mousses
y préparent ces vastes tourbières par l’épaississement
desquelles s’encombrent de tristes vallons.
Les végétaux aromatiques ou parés de fleurs éclatantes
n’y pourraient orner un sol ingrat, dont la
baie de l’Airelle est le fruit le moins acerbe.-Les
Rennes, parmi les Ruminans, divers Renards et
autres races ou espèces du genre Chien, des Martes
, quelques Rongeurs ; le Glouton, qui fait la
guerre aux Rennes, encore tourmentées par des