Nous avons indiqué en I , dans la vue n°. 3, un tuyau
d’Orgüe pareil qu’on peut observer sans danger sur
un kutjâ bloc abattu ; en le grattant intérieurement
* Caic tomber aisément la terre vermicu-
liform^ j) est,permis de s’exprimer ainsi, qui
le rempïu:, et le cylindre du petit puits demeure
alors en tout semblable aux grandes parois des puits
D , D , D , H , E , c’est-à-dire inégal., rugueux, et
plus dur dans son pourtour que le calcaire grossier
environnant.
Après avoir bien examiné ces phénomènes ,
nous essayâmes de rivaliser avec la Nature, et de
faire aussi des tuyaux d’Orgues géologiques. Pour
ne pas trop attendre le résultat de nos expériences,
nous choisîmes une substance aisément pénétrable
par l’eau, et dont la cristallisation confuse, ou l’agglomération
des parties, offrît quelques rapports
avec le calcaire grossier de Maastricht : ayant fait
tomber l’eau goutte à goutte sur des morceaux de
sucre, nous obtînmes de petits puits naturels. Pour
répéter notre expérience d’une manière plus concluante
, nous avons pris un pain de sucre raffiné,
nous l’avons taillé en carré long de trois décimètres
, large de douze centimètres, e t, autant que
nous l’avons pu , d’un décimètre d’épaisseur. Pour
obtenir plus de ressemblance entre ce morceau de
sucre et le plateau calcaire qu’il devoit représenter,
nous avons creusé, sur la partie que nous destinions
à devenir le dessous, de petites galeries de trois à
tinq décimètres*, de sorte.que notre ouvrage, posé
sur une table de marbre,-ressembloit à la moitié
supérieure de la coupe, représentée dans le n°. 1
de la Planche 28. Nous avons ensuite établi au-
dessus , et à quelques lignes de la surface de
notre simulacre, des morceaux de tube du thermomètre
brisé, dont la partie supérieure avoir
été dilatée en entonnoir au chalumeau, et nous
avons fait couler lentement par ces conduits
grêles de très-petites gouttes d’eau, car l’eau
en trop grande quantité eût détruit nos espérances.
Ces gouttes dissolvant lentement le sucre
, aux points seuls sur lesquels nous les faisions
tomber successivement, y ont pénétré peu à peu ;
elles ont formé des cylindres de la grosseur
d’un tuyau de plume, quelquefois sinueux , inégaux
, raboteux intérieurement ; et quand ils furent
secs, leurs parois tapissées d’une sc.ce de cristallisation
, devenues plus dures que le resre de la
masse, nous présentèrent de véritables puits naturels
, dont plusieurs s’enfoncèrent jusque dans nos
petites galeries, à travers leurs voûtes plates, ou en
crevant quelques-uns de leurs piliers latéraux.
En recherchant dans les cavités que les habitans
du village de Caster ont creusées au pied de l’escarpement,
vers le niveau de la Meuse, quelle
étoit la nature des parties inférieures du plateau de
Maëstricht, nous nous trouvâmes rendus au point
où le géologue doit venir interroger la Nature sur
la formation des silex vagues, ou disposés par couches
continues. Dans la partie supérieure, friable
et grossière du grand banc calcaire, nous avions
déjà trouvé des blocs de cette substance, mais dispersés
en rognons irréguliers, plus ou moins considérables.
Ils n’observoient aucun ordre dans leur
position respective ; et, se présentant au hasard aux
lieux où les carriers travaillent, ils forcent souvent
ceux-ci à sejdétourner de leur direction, afin de chercher
une pierre homogène, dans laquelle nul corps
étranger n’occasionne de défaut ou de cassure.
Au - dessous de la région des carrières , le grain
du calcaire devient plus fin, plus serré, et les silex
commencent à se présenter en couches horizontales}
mais ces couches, peu étendues, ne se rencontrent
qu’en divers endroits, dispersées çà et là
sur le flanc de certains pans de rocher des parties
mitoyennes de l’escarpement oriental. A mesure
qu’on se rapproche du niveau de la Meuse, et que
la masse calcaire humide, comprimée par le poids
de ses parties supérieures, passe à l’état d’une véritable
craie compacte, blanche et un peu molle,
les silex deviennent extrêmement nombreux ; ils
se présentent alors en bancs horizontaux, très-remarquables
par un aspect régulier, qui frappe d é-
tonnement jusqu’aux hommes les moins attentifs
aux singularités de la Nature. Nous avons figuré
en C , PI. 28 , n°. 1 , ces assises inférieures de silex I
qui sont d’autant plus rapprochées les unes des
autres, que, déposées dans une craie plus molle,
le poids de tout, le plateau les comprime davantage,
et les forcera peut-être par la suite à ne
plus former qu’une masse continue vers, le niveau
des eaux de la Meuse, comme celle que
forment en quelques endroits certaines pierre« meulières
qui n’ont peut-être pas une autre origine.
Lorsque la barque de Liège tourne à gauche, en
suivant le coude au moyen duquél la Meuse vient
baigner immédiatement l’escarpement sous Caster,
le voyageur qui descend la rivière aperçoit en face
de lui comme un mur énorme ; en distinguant un
peu au-dessus, les entrées des cryptes romaines
semblables à de majestueux portiques, il est tenté
de croire que ce mur est encore un prodige de la
main des hommes ; la régularité s’offrant dans
ses plus vastes proportions le frappe d’abord, a
son aspect, puis quand il compte sur l’éblouissante
élévation, des assises horizontales, régu-
Ii.éres, et marquées par des lignes noirâtres non
interrompues, il a besoin de toute sa raison
pour ne pas s’imaginer qu’il contemple une gigantesque
bâtisse. Cette muraille s’étend dans
route sa majesté, depuis les terrasses au-dessous
des jardins du château de Caster jusque proche
d’un cabaret appelé le Tilleul. Elle est vis-à-vis
le point marqué M dans notre carte. Des cqu-
ches de silex d’un .à trois décimètres d’épaisseur,,
exactement parallèles , s’y observent d’une extrémité
à l’autre sans y jamais manquer, et sans
que des blocs d’autres silex vagues viennent jamais,
en s’y interposant, rompre la plus exacte |
symétrie. La couleur de ces couches, contras- j
tant avec les substances qu’elles coupent, les '
fait remarquer de loin. On les voit moins distinctement
après qu’on a passé le T illeul, parce
qu’alors l’escarpement ne présente plus l’apparence
d’un mur. continu ; mais après le Coq-Rouge, en
se rapprochant de Maëstricht, vis-à-vis le point K
de notre carte, on les retrouve encore très-rappro-
chées et parfaitement parallèles, le long du chemin
que les débordemens couvrent parfois, sur un
petit escarpement non interrompu, élevé de quelques
mètres, et que des buissons couronnent.
Les proportions du grand mur calcaire sur lequel
se voit à découvert la structure des bases du plateau
de Saint-Pierre, sa nature, sa nudité, sa blancheur
et les couches siliceuses qui les distinguent, retracèrent
à notre mémoire ces côtes à pic de la Manche,
que l’on nomme les Falaises de Normandie.
Ces lieux, si distans, ont encore d’autres rapports :
ayant eu occasion d’examiner les uns et les autres,
ainsi que plusieurs points intermédiaires, il nous
semble que tous indiquent un système calcaire de
même formation, dans lequel on doit reconnoître
la côte qui baignoit l’Océan lorsque les plaines de
la Belgique en étoient les plages, et que la persévérance
batave n’avoit point, à force d’enclaver
des polders entre de prodigieuses digues, conquis
sur la Mer, les alluvions du Rhin et de ses afïluens.
Dans ces falaises battues par les flots de la Manche,
on a aussi découvert des restes de grands Croco-
diliens.
M. Faujas de Saint-Fond avoir remarqué les couches
siliceuses des environs de Maëstricht, mais il
étoit tombé dans une étrange erreur à leur égard,
erreur où il entraîna M. Héricart de Thury, qui
répète textuellement d’après le professeur du Muséum
, « que l’escarpement taillé à pic ( qu’on
» voit près de Slavande en venant à Maës-
" tricht ) est composé de couches horizontales
» de sable fin, hlanç et un peu crayeux, qui alter-
» nent avec des couches également horizontales de
» silex noirs, mamelonnés et comme branchus,
s> dont quelques-uns ont appartenu autrefois à des
» Madrépores passés à l’état siliceux, mais dont
» l ’extérieur offre encore quelques traces d’organi-
» sation régulière ; on y trouve également du bois et
» des coquilles à l’état siliceux. Cette circonstanceest
» d’autant plus digne d’attention, que l’autre face de
» la montagne renferme en générai des Madrepo-
» res et des Coquilles entièrement calcaires et de
» la plus parfaite conservation, au point qu’on en
». retrouve quelques-unes qui ont encore leurs coii-
» leurs naturelles. » Ce n ’est point un sable fin ,
blanc, un peu crayeux, qui compose la partie des
escarpemens où.se voient les couches siliceuses,
mais de véritable craie ; les silex branchus que forment
ces couches en s’emboîtant les uns dans les
autres,-à peu près comme les sutures des os d’un
crâne, ne sont point dus seulement à des Madrépores
, lesquels, par l’effet des siècles, changèrent de
nature, et dont plusieurs offriroieut encore quelques
traces d’organisation régulière. Enfin , l’autre
face de la prétendue montagne n’est point exempte
de couches siliceuses, comme semble l’indiquer la
remarque par laquelle MM. Faujas et Héricart de
Thury terminent le passage qui leur est commun.
Nous ne prétendons point nier que des Madrépores
ne passent à l’état siliceux, et que, dans cet
état, leurs formes conservées ne puissent rappeler
celles des silex confondus dans les couches
des fondemens du plateau de Saint-Pierre;
mais les Madrépores ne jouent point ici un rôle
plus important que d’autres pétrifications quelconques,
parmi lesquelles nous n’avons rencontré
aucune trace de bois fossile.
Si l’on rencontre entre les rognons siliceux ou
parmi les stratifications siliceuses des diverses
régions du plateau de Saint Pierre, des Madrépores
et des Coquilles devenues silex, ce n’est qu’acci-
dentellement ; et ces substances, n’eussent-elles
point existé , le silex ne s’en fût pas moins formé
partout où nous le voyons aujourd’hui. La plupart
de ces silex peuvent être d’une origine fort ancienne
, mais il dut s’en former postérieurement
: un dépôt marin qui leur sert de gangue ; il s en
forme même tous les jours, et l’observateur peut
assister à leur formation, comme à celle des Orgues
géologiques que nous lui avons dévoilée.
Ainsi que l ’eau s’infiltrant à travers le grain grossier
du calcaire de Maëstricht en dissout le carbonate
calcaire purifié, afin d’en composer les parois
des tuyaux d’Orguçs, ainsi cette même eau y dissout,
à l’aide de quelqu’agent qui nous demeure