
2 INTRODUCTION.
tout embrasser, à la manière de Pline; mais ce qui eue été possible a la rigueur, vers le temps
du compilateur romain , parce que les sciences y étoient peu avancées, ne l’est plus aujourd’hui
, que le nombre des faits surpasse les instans qu’il nous est donné de consacrer à leur
recherche. Il faut conséquemment, pour écrire avec connoissance de cause sur les sciences géographiques,
y procéder comme dans les sciences naturelles, qui n’auront plus de Linné; c’est-
à-dire, qu’on doit premièrement en bien distinguer les grandes parties, et s’attacher à celle de
ces parties, pour laquelle on se sent le plus de penchant.
La Géographie, science autour de laquelle Se viennent pour ainsi dire grouper toutes les autres
, se compose de quatre divisions principales, dont l ’étude se prête un mutuel appui, mais qui
chacune suffisent pour occuper exclusivement tout écrivain laborieux qui voudroit savoir les choses
assez bien pour être capable d’enseigner les autres. Ces divisions principales sont :
i° . La GÉOGRAPHIE ASTRONOMIQUE et MATHÉMATIQUE; point de contact de l’histoire des
deux et de l’histoire de la Terre; elle s’occupe des rapports qui existent entre les astres et notre
Globe, dont elle donne les moyens de figurer la croûte superficielle; elle donné encore les moyens
d’y voyager sur la monotone étendue des mers. L ’observation des corps célestes et la géodésie en
sont les flambeaux.
2°. La GÉOGRAPHIE HISTORIQUE, qui se lie encore à l’astronomie par la chronologie, science
dont l’évaluation des temps durant lesquels se fondèrent et s’écroulèrent les dominations humaines
est le grave mais fugitif „objet. Elle peut se partager en deux sous-divisions, la Géographie ancienne
et la Géographie moderne. L ’époque où la boussole révéla un nouveau Monde au vieux
Continent, nous paroît être beaucoup plus propre à distinguer ces deux sous-divisions, que leurs
concordances avec nos ères, avant et après J.-C.
3°. La GÉOGRAPHIE p o l it iq u e s’occupe de la Terre dans ses rapports avec les hommes,
soit qu’ils commandent, soit qu’ils obéissent à sa surface. La statistique en est la véritable base;
non cette statistique qui seroit la science universelle si on la comprenoic comme le font certaines
personnes lorsqu’elles entassent dans la description d’une province administrativement circonscrite
, le catalogue des établissemens industriels et des plantes qu’on dit croître à travers les
moissons, le revenu des oeufs et du beurre, ou la nature des exploitations et des eaux minérales du
pays. Les corps naturels n’ont de rapport avec la statistique véritable que par les applications que
l’homme en fait à ses besoins ; sous tout autre point de vue, c’est dans la quatrième division des
sciences géographiques que leur examen doit rentrer. La véritable statistique, supposant le sol d’une
contrée quelconque géodésiquement et physiquement connu, se renferme dans le dénombrement de
ses habitans, dans ce qui touche à l’industrie, aux ressources de tout genre que fournit le sol, ainsi
qu’aux revenus des établissemens publics, en un mot elle se borne à ce qui peut être du ressort
de l’administration; elle est, à proprement parler, la Géographie sociale. Quelques mots sur les lois,
les coutumes, le langage et les antiquités, seroient même déplacés dans un Traité de géographie politique
; c’est à la deuxième section qu’ils doivent, ce nous semble, trouver place.
4°. La GÉOGRAPHIE PHYSIQUE; cette partie de la science telle que nous la concevons, se
dégage de ces délimitations factices d’empire et de royaume q u i, périssables résultats d’une antique
barbarie ou de la violence des conquêtes, s’effacent souvent dans la durée d’une révolution
de ce Globe où rien ne sauroit être stable, car l ’imposante marche de i’Univers a ses perturbations
aussi. La constitution géologique des continens et des îles, la circonscription des mers, les
fleuves, les rivières, les rorrens qui fertilisent ou dépouillent le sol; les montagnes, les roches et les
volcans, qui sont comme la charpente de la terre ou qui en déchirent le sein; la distribution des
plantes que nourrissent les divers terrains et les eaux à des profondeurs et à des hauteurs diverses,
et selon des lois si variées; celle des animaux qui vivant de plantes ou de la chair d’autres animaux,
ne. peuvent avoir de patrie que la patrie même de ce qu’ils dévorent ; en un mot l’histoire entière
des corps soit bruts, soit organisés dont se compose la planète que nous habitons, avec tout ce qui peut
donner une idée de sa physionomie, est du ressort de cette partie de la Géographie qu’avoit entrepris
de traiter dans cette Encyclopédie feu M. Desmarest, de l’Académie des sciences. Ce savant
consacra les premiers volumes de son travail à l’examen des théories de la Terre, sujet épuisé,
dont il devient conséquemment inutile de s’occuper désormais, et qui appesantit trop souvent l’attention
du lecteur sur cle véritables rêveries ; une théorie de la Terre ne pourra être ébauchée
raisonnablement, que lorsqu’on aura observé une suffisante quantité de faits pour qu’on soit dispensé
de recourir à ces conjectures dont on a trop abusé. On s’est hâté d’élever des systèmes sur
ce quon navoit pas assez approfondi. On a raisonné d’après des bases fausses; encore aujour-
d hui on connoit trop peu de faits pour tirer de ce qu’on sait des inductions satisfaisantes sur des
points essentiels, gt la Géographie physique s ébauché a peine. Ce n’est que depuis la fin du
siècle dernier qu oh y porta quelqu attention, car on ne peut regarder comme des élémens de çette
science, ce chapitre obligé des curiosités naturelles qu’on trouvoit dans tous les Traités de géographie,
et qui contenoient l’histoire d’une Tour sans venin, d’un écho prodigieux, d’urf puits au fond
duquel se faisoit ressentir la marée, ou d’un arbre qui distilloit de l’eau de fontaine.
M. Desmarest, pour compléter sa part de collaboration à l’Encyclopédie, faisoit graver, pendant
1 impression de ses volumes de Dictionnaire, des cartes destinées à faire mieux comprendre
les théories qu il se proposoit d’y exposer. La mort l’ayant enlevé aux sciences qu’il honoroit, ainsi
qu a l Institut, dont il étoit honoré, cette partie des travaux d’un géologue du premier ordre de-
meuroit non-seulement incomplète, mais encore fort difficile à terminer ; car l’auteur du travail
commencé en avoit emporté le plan dans la tombe. Il étoit en quelque sorte, qu’on nous passe
cette comparaison, question, pour utiliser les matériaux préparés, de remplir des bouts-rimés scientifiques.
Quelle que fût la difficulté d’une telle entreprise, comme l’Encyclopédie par ordre de
matières nous paroît être un monument qu’il seroit honteux pour le pays où il fut conçu de laisser
incomplet, nous avons fait ajouter aux planches ordonnées par notre prédécesseur, quelques planches
nouvelles qui nous fourniront la facilité d’exposer, dans la présente Illustration, les progrès
de la Géographie physique, et d indiquer quelques vues générales destinées à servir de points de
départ dans la composition d un Traité qui jusqu’ici nous paroît manquer pour l ’étude de cette
science.