
Hollande > qui s’agrandira probablement un jour
d’une partie de l ’Océanie et de la Polynésie, pour
s’incorporer enfin aux régions asiatiques de l’ancien
continent boréal.
Les continens dont il vient d’êtrè question s’avancent
beaucoup plus vers le pôle arctique que
vers le pôle opposé, où, sur l’autorité de BufFon ,
on crut long-temps qu’il devoir exister un continent
glacial pour servir de contre-poids aux terres
boréales. Des conjectures de ce genre ne feroient
plus fortune aujourd’hui. Des contre-poids d’invention
humaine ne sont pas nécessaires sur le Globe
pour y maintenir l’équilibre, ou pour en régulariser
la marche. L ’ordonnateur souverain a pourvu à
tout ; et comme quelques toises de terre de plus
ou de moins sont peu de chose relativement à la
totalité du Monde, les continens et les îles ne doivent
être considérés en Géographie physique que
comme ce qu’ils sont, et non comme ce qu’ils
devroient être.' II suffit de rechercher les lois qui
ont déterminé la distribution des corps naturels
à leur superficie ; et pour obtenir des résultats
satisfaisant dans ce genre de recherches, on doit
premièrement en décrire les principaux accidens,
entre lesquels les montagnes ont d’abord appelé
notre attention.
§. IL Des Montagnes.
On entend généralement par ce mot un ensemble
d’inégalités plus ou moins considérables ,
élevées sur la croûte du Globe ; il s’étend de la
généralité de ces grandes masses q u i, tout imposantes
qu’elles puissent paroître, ne sont immenses
que relativement à notre petitesse. En effet,
les plus sourcilleuses cimes de ces gigantesques reliefs
ne sont pas à la surface raboteuse de notre
planète ce que les plus petites aspérités d’une orange
sont à la peau de ce fruit} du moins,,selon le
Traité de géognosie de M. J .-F . d’Aubuisson des
Voisins, ou l’on n’en lit pas moins, à quatorze
lignes de là , « que les montagnes montrent à dé
» couvert la structure intérieure de la Terre. » La
plus haute montagne de l’Univers n’équivaiît guère
au trois millième de son diamètre. Peut-on, d’après
une telle donnée, -déduire raisonnablement la
moindre conjecture sur la nature de ses profondeurs
? Si l’on vouloir figurer les cavités et les
élévations du sol sur la grande sphère de Carton
qui se voit dans une des salles de la Bibliothèque
royale, les Andes tant citées ne s’y éleveroient pas
d’une ligne au-dessus de l’Océap verni qui en bor-
deroit les bases.
Comme l’aspect de la Mer, pour qui l’aperçoit la
première fois, est un objet d’étonnement profond
de même les montagnes produisent, sur qui n’en
avoit jamais vu, un sentiment indéfinissable d’admiration.
Il n’est pas surprenant que, dans leur admiration
pour les montagnes et dans l’effroi qu’ins-
pirenr de tout temps celles qui s’embrassent, les géologues
aient donné tant d’importance au rôle que ces
inégalités de notre Terre remplissent dans son histoire.
On a regardé les unes comme sa charpente
ou son ossature ; on attribua aux autres des
. révolutions physiques par lesquelles la contexture
de l’Univers auroit été bouleversée } mais pour
qui se sera familiarisé avec les montagnes à force
d’en revoir, les idées changeront totalement j
l’importance de leur étude, par rapport aux données
qu’on en pourroit obtenir pour l’histoire physique
de l’Univers, diminuera beaucoup, et lorsqu’on
sera parvenu, par la réflexion, à se prémunir
contre toute espèce d’illusion, et surtout contre
ce penchant qui entraîne trop souvent les géologues
à tirer des conséquences générales des faits de
localité, on sentira combien de théories publiées
sur la contexture des montagnes, sur les causes de
leur figure et de^ leur subordination géographique,
sur leur enchaînement ou leur'distribuiion à la surface
de laTerre, avec les variations atmosphériques
qui doivent résulter de leur élévation } on sentira,
disons-nous, combien de pareilles théories, tant
célébrées qu’elles aient été, sont vaines et assises
sur des bases fragiles. On a vu des physiciens et
des géologues, pour avoir gravi sut le Mont-Blanc,
et pour avoir visité quelques autres -points des
Alpes proprement dites, décider quelle devroit
être la constitution de toutes lès antres inégalités
de l’Univers.. On en a vu, pour avoir mesuré d’autres
points plus éloignés j et compilé quelques relations
de voyages, assigner l’influence de l’élévation
du sol en Islande ou au Th ib e t, sur la totalité
de la Nature organisée. Enfin, il en est qui, au
retour d’une promenade au Vésuve ou dans le Vi-
varais, firent l’histoire des volcans, par les efforts,
desquels, si on les en croit, toute notre planète
auroit changé de face.
L ’examen, d’une étendue de la Terre, toujours
très-bornée par rapporc à l’immensité de
sa-surface, de quelques couches confuses, et d’un
ou deux systèmes de montagnes, ne suffit pas
pour discourir sur la formation du Globe et sur
les substances donc il esc composé intérieurement
y la science, sous ce rapporc, esc tout-à-
fâic dans l’enfance : ceux qui font de la géologie
| su;* de celles do nuées, construisent la tout de Babel,
au sommet de laquelle se trouvera nécessairement
la confusion des langues. Ils seront probablement
Wdémentis par les voyageurs à venir, dans la. plupart
: de leurs assertions, avant que le siè'le présent ne se
j soit écoulé j nulle branche de la Géographie phy-
■ sique n’a été encore plus imparfaitement traitée ,
il et la principale cause des erreurs ou 1 on est tombe J à l’égard de l’importance des montagnes , est l’esprit
dans lequel on se hâta d’en découvrir et de les
»tracer sur les. cartes. On a vu , lorsqu’il a été
^ question des bassins ( pag. 5 1 ) , combien il étoit
.i irréfléchi d’en marquer aux sources des moin-
dres cours d’eau, ou pour circonscrire les re.-
|S gions qu’arrosent les fleuves et les rivières. En
B parlant de la Mer, nous avons prouvé combien
j| il étoit déraisonnable de faire faire le tour du
Monde à des chaînes qui ne sauroient exister}
» e t lorsqu’on s’est occupé dans cette Encyclopédie
B de la Géographie physique , sous le rapport de
■ d’histoire naturelle, on a démontré combien i’in-
W fluence des montagnes, tout importante qu’elle
M puisse être sur les productions de la Nature, est
loin d’être soumise à des règles aussi fixes qu’on
|j l’a prétendu. Le peu de données certaines aux-
ï quelles on se doive arrêter dans l’état actuel de nos
H tonnoissances., sont les suivantes.
Les montagnes ne sont point liées les unes aux
U autres de manière à former de grandes chaînes
Jg non ou peu interrompues} elles se distribuent au
18 contraire en masses irrégulièrement ramifiées,
la plupart du temps s’appuyant sur des plateaux
que leurs cimes surmontent , mais qui parois-
9 sent en être comme les noyaux. Peu d’iles mon-
J tueuses ont fait partie des grandes chaînes voi-
È sines } ce ne sont que les plus rapprochées qui dans
M certains cas purent en être arrachées par suite de
fl commotions locales survenues à diverses époques :
» on ne sauroit trouver dans les montagnes de preuve
■ qu’elles aient été formées à la fois. L a ‘plus grande
»confusion se montre partout dans leur ensemble,
» les unes doivent être beaucoup plus modernes que
V les autres, et n’ont pas dû surgir aux mêmes épo-
Jf ques. Chercher dans leurs flancs entr’ouvercs et dans
■ les accidens qui en caractérisent les coupures, les
pentes ou les cimes, à reconnoître l’état primitif
I l des choses, est une occupation à peu près vaine,
1 en ce sens qu’elle ne peut rien établir de réellement
| commun à toutes, et qui puisse décider de la corn-
J position de la masse planétaire, par rapport à laquelle
I on a vu que les montagnes n’écoient presque rien 5 et
| puisqu’un géologue a comparé ces montagnes aux
I inégalités de la peau d’une orange, nous ferons
remarquer à l’auteur de la comparaison, combien
il se seroit fait une idée fausse de la contexture interne
d’un tel fruit, s’il ne lui eût été donné que
d’en connoître l’écorce ; eût-il compté toutes les
petites glandes qui s’y élèvent, sondé la profondeur
de chaque pore et pénétré au-dessous de la couche
colorée, sans passer les limites de la partie blanchâtre
qui vienc au-dessous, il ne pourroit avoir
la moindre notion de la pulpe et des semences.
On a surtout eu tort d’imaginer que les montagnes
, nécessairement enchaînées les unes aux
autres , ou enfilées pour ainsi dire en manière
de collier de perles, suivissent des directions générales
et différentes dans l’ancien et le nouveau
Monde. C ’est BufFon qui crut découvrir
qu’en Amérique les grandes chaînes couroient
du nord au sifd, et dans l’ancien, de l’est à l’ouest.
La fausseté de cette proposition bizarre est tous les
jours de plus en plus démontrée. Il est pourtant
assez constant que les enchaînemens de montagnes
ont l’un de leurs côtés plus escarpé que l’autre } les
Pyrénées donnent une idée palpable de cetre disposition
générale} vers le midi, ces Pyrénées s’élèvent,
principalement le long du royaume de Léon, comme
des murailles aussi énormes que brusques, tandis
que du côté du nord le système s’abaisse en penres
souvent fort adoucies. Une telle disposition dans
les masses montagneuses paroît indiquer un soulèvement
propre à chacune de ces masses, et dont
l’action eût été directe sous la base de l’escarpement.
Il arrive ordinairement que des contre-chaînes
plus basses s’élèvent à peu près parallèlement, vis-
à-vis le flanc abrupte, et lui opposent au loin des
escarpemens bien moins considérables, comme si
ces contre-chaînes étaient l’autre côté du sol rompu
par le soulèvement d’où résultât chaque système
de montagnes. Ailleurs, de vastes contrées montagneuses
n’offrenr point d’escarpement général sur
l’un des côtés de leur longueur} elles s’abaissent indifféremment
de tous les côtés pour se terminer en
monticules. On peut y reconnoître alors d’anciennes
bosses rie la croûte terrestre, sillonnées par les
; cours d’eau qui, en rayonnant à peu près de la circonférence
au centre, y ont causé les anfractuo-
[ sités par lesquelles un plateau plus ou moins étendu
j devint un composé de gorges, de pics, de contre-
forts et d’anastomoses. Nous avons, en parlant de
la diminution des eaux de la Mer ( voye% pag. 48),
indiqué quelle fut la cause de l'élévation de ces
montagnes, dont les sommets durent saillir d’abord
au-dessus des flots pour faite de la Terre d’alors
divers archipels représentés aujourd’hui, à
quelques modifications près, par l’ancien et le
nouveau Continent. Nous ne reviendrons pas sur