
des cylindres entiers parfaitement conservés ; dans '
ceux-ci l’on peut découvrir jusqu’aux moindres particularités
de leur contexture.
M. Mathieu observa le premier ces cylindres
que les carriers de Maastricht nomment puits de
terre [Aerde-pyp), et ces puits de terre nous pa-
rqissent absolument la même chose que ce qu’on
appelle Fontis dans les carrières dont quelques ramifications
pénètrent sous l’un des quartiers méridionaux
de Paris. MM. Brongniart et Cuvier ont
appelé puits naturels ces cavités « qui sont assez ,
» exactement cylindriques, percent toutes les cou-.
» ches calcaires, ou sont exactement remplies d’ar-
» gile ferrugineuse et de silex roulés et brisés. »
Ces savans les ont remarqués dans les carrières des
communes de Houille et Carrières Saint-Denis, au
nord-ouest de Paris. Ils en ont encore trouvé dans
une carrière ouverte sur la droite du chemin de Paris
à Triel. En ce lieu , les puits naturels « sont verti-
35 eaux , à parois assez unies et comme usées par le
33 frottement d’un torrent ; ils ont environ cinq dé-
3> cimètres de diamètre, et sont remplis d’une argile
» sablonneuse et ferrugineuse, et de cailloux rou-
33 lés; ces puits sont assez communs dans le cal-
33 caire marin des environs de Paris-; il y a même
33 peu de carrières qui n’en présentent........ Il en
» existe à Sèvres. . . . Il y en a un assez grand
33 nombre dans les carrières dites du loup , dans
>3 la plaine de Nanterre, et tous sont remplis d’un
33 mélange de cailloux siliceux et calcaires, dans
33 un sable argilo-ferrugineux. 33 Notre illustre ami
M. B ose, cet observateur infatigable, auquel aucun
fait d’histoire naturelle ne sauroit échapper
dans les cantons qu’il explore, avoir déjà vu de ces
puits dans les anciennes carrières de Wessegnicourt,
département de l’Aisne, sur la lisière de la forêt de
Saint-Gobin, qui traversent en ce lieu un banc de
calcaire coquillièr marin, et sont ou verticaux ou
légèrement inclinés ; leur diamètre surpasse quelquefois
un mètre ; leurs parois sont assez lisses et
enserrent une terre argileuse, pareille à celle des
couches supérieures.
M. Gillet-Laumont a trouvé sur les bords de
l ’Oise, près des communes d’Auveirs et de Mery ,
des espèces de tuyaux, « peu inclinés à l’horizon,
33 de la grosseur du doigt, quelquefois très-nom-
» breux, traversant un beau calcaire grenu, qui
33 contient des coquilles marines, dont la puis-
33 sance est de cinq à six mètres ; ils sont la plu-
33 part remplis d’un sable calcaire siliceux, mêlé de
33 parties très-fines de chlorite verte. Plusieurs prér
33 sentent des ienflemens qui, avec leurs parois plus
33 compactes que la masse environnante, les ont
>3 fait prendre par quelques personnes pour des os-
>3 semens fossiles. » Ce savant pense avec raison
que sa découverte peut jerer quelques lumières sur
les puits de terre de Maastricht ; en effet, ces petits
cylindres, indiqués à M. Gillet-Laumont comme
des ossemens pétrifiés , ne sont que nos Aerde-pyp
en diminutif, et proportionnés au peu d’épaisseur
du banc calcaire qu’ils ont criblé.
M. Mathieu ayant mentionné le premier les
Orgues géologiques, nous transcrirons d’abord ce
qu’il en rapporte, ce Je fus conduit à la colline de
Saint-Pierre, dit cet observateur, par M. Behr,
ancien officier au service de la Hollande, habitant
actuellement Maëstricht, amateur zélé d’histoire
naturelle, qui voulut bien avoir la complaisance de
nous mener dans les lieux les plus curieux. En parcourant
l’extérieur de la colline du coté de la
Meuse, je fus singulièrement surpris, à l’aspect
d’un grand nombre de trous cylindriques, qui nous
paroissoient partir du point où nous nous trouvions
et aller jusqu’à la surface supérieure de la colline ;
nous les prîmes d’abord pour des. soupiraux faits
afin de faciliter les travaux d’exploitation,; mais
leur nombre, leur rapprochement dans un même
lieu, et bien plus leur position, sans nul rapport
avec les travaux des carrières, nous firent bientôt
sortir de l’erreur où nous nous trouvions ; nous
remarquâmes alors que tous les trous se conti-
nuoienr dans la profondeur de la montagne, et
que dans leur situation verticale ils affectoient
des sinuosités et des renflemens qui nous parurent
dater d’une époque fort ancienne. -Nous observâmes
scrupuleusement le grain et les nuances de
la surface antérieure de ces cylindres ; la différence
de la texture de cette surface avec la masse générale,
et de petites aspérités formant comme des
stalactites légères qui la recouvroient, nous prouvèrent
que ces trous étoient indubitablement l ouvrage
de la Nature. Ces cavités cylindriques sont
remplies d’un amas de cailloux mêlés de terre,
semblable à la grève qui couvre le plateau de la
colline (nommé Camp de César) ; ceux de ces
trous qui sont coupés par les souterrains d’excavations
sont vides dans la partie supérieure,
le dépôt de cailloux s’y étant naturellement affaissé.
|
La vue n°. i de la Planche z8 , a pu donner au
lecteur une idée assez exacte des puits de terre ; le
n°. 3 est destiné à la compléter. Dans celle-ci,
prise du point Y de notre carte, PI. 2.7, nous avons
réuni la vue des tuyaux q u i, mis à jour aux lieux
que M. Mathieu avoir visités avant nous, nous ont
paru les plus propres à expliquer l’origine des Orgués
géologiques. Ceux que nous avons examinés,
au nombre de cent au ryoins, avec MM. Dekin
et Behr, digne fils de ce même M. Behr qui voulut
bien servir de guide à M. Mathieu , nous ont
paru affecter constamment une disposition verticale
, quelquefois légèrement oblique, et souvent
assez sinueuse pour que des courburès en fissent
disparoître une partie à la face des rocs dont le
brisement met à jour le reste de leur longueur.
Ces puits, en plusieurs endroits, sont tellement
rapprochés, que quelques-uns d’entr’eux se touchent
et circulent pour ainsi dire les uns autour
des autres ; il en est même qui paroissent se coller
ensemble pour demeurer réunis ou pour se séparer
encore. On pourroit les comparer à des cônes renversés
excessivement alongés, se terminant constamment
en pointe par en bas , et présentant toujours
un évasement plus ou moins considérable à mesure
qu’on remonte vers le haut ; ils sont généralement
cylindriques, et laissent souvent, sur les pans
de roches qui les ont partagés* en se partageant eux-
mêmes, des traces creusées en larges gouttières.
Ici la section a été complète sur toute la surface
du massif calcaire fracassé, alors il ne reste qu’une
trace plus pu moins profonde, munie dé légères
aspérités, et dégagée de tout corps étranger (D , D,
D ) ; ailleurs cette section 11’a eu lieu que dans la
portion supérieure du tuyau d’orgue, laquelle est
demeurée remplie de débris des couches d en
haut ( F ), ou vide dans la partie brisés ( E ) , mais on
voit dans la masse calcaire (en G ) le tuyau continuer
sa route vers les plus grandes profondeurs, toujours
rempli de sable et de galets ; là , quelqu’autre
tuyau d’orgue, mis à jour longitudinalement sur
la paroi d’une galerie souterraine par quelqu’im-
prudent carrier, a laissé échapper, pour en former
un petit cône à la base du pilier de support, des
fragmens du sol supérieur qu’il tenoit renfermés
dans la longueur de la section, tandis que les portions
du sol supérieur étoient tellement tassées au-
dessus de l’éboulement, qu’elles continuent à encombrer
le conduit ( F ) ; autre part, des tuyaux
pareils ont été coupés horizontalement dans leur
diamètre, et leur tranche, souvent fort considérable
, se voit sous les voûtes plates des galeries,
sans qu’il en soit résulté d’effondrement, tant la
pression des matières qui s’y sont introduites, jointe
à quelque ciment calcaire produit par l’infiltration
des eaux, a rendu compacte le contenu de ces puits :
dans quelques-uns on diroit un véritable poudingue,
une nouvelle pierre indestructible, et comme
un bouchon placé par la Nature pour empêcher
l’écoulement du sol supérieur par des canaux qui
sembloient n’avoir point été faits pour que l’homme
vînt les intercepter.
Les carriers intelligens évitent soigneusement
les puits naturels ; quand ils en rencontrent, ils les-
tournent, et s’ils ne le peuvent, ils les murent ou
leur conservent une sorte d’encaissement. Lorsque,
par malheur ou par nécessité, ils les ont mis à nu,
de manière à redouter un éboulement, ils ne cessent
de les observer, et pour peu que quelques
cailloux s’en détachent, on les voit fuir avec rapidité
; car l’effet d’un effondrement est souvent
terrible. Les substances étrangères contenues dans-
des canons verticaux d’un genre si extraordinaire,
pressées de tout le poids des couches supérieures ,
se précipitant par l’issue qui leur est donnée, selon
les lois de la pesanteur, qui accélèrent avec fracas
la chute des corps, des cailloux de tous les volumes
roulent au loin avec un bruit confus et remplissent
en peu d’instans une étendue des galeries proportionnelle
au diamètre des tuyaux d’orgue par lequel
l’effondrement s’est opéré : le malheureux
surpris dans une pareille catastrophe seroit enseveli
, pulvérisé, sans qu’il fût possible de troubler
sa sépulture pour rechercher ses tristes lambeaux.
Il arrive cependant que ces effondre-
mens n’ont pas toujours lieu d’une manière également
brusque ; ils se forment et s’accroissent
aussi peu à peu, par l’effet de chaque hiver pluvieux.
Dans tous les cas, il en résulte de ces cavités
en forme de cratère que nous avons déjà
indiquées au lecteur en U et en F de notre
carte., et dont on voit plusieurs près de la vieille
Briqueterie que nous y avons indiquée. Ces cavités
nous présentent, dans la coupe n°. 1 de la Pi. 2 8
en D , M , l ’idée des grandes horloges à sable, où
la Nature, qui tient compte de la durée des temps,
mesure ceux qui sont nécessaires pour que le sol du
plateau de Maëstricht descende dans les travaux
de l’homme et les efface. Lorsque tous ces sabliers
naturels, donc les Orgues géologiques représentent le
conduit de communication, auront marqué l’heure
où ces lieux auront dû changer de forme, le plateau
de Saint-Pierre n’aura plus rien de commun avec la
description que nous en donnons aujourd’hui ; ses
vastes cryptes seront comblées, et leurs portiques encombrés
y pourront demeurer inconnus à des générations
qui peut-être ignoreront même l’existence
des nôtres ; sa surface anfractueuse, creusée, dépouillée,
ne se couvrira plus de riches moissons, et le
géologue d’alors, en considérant un tel désordre,
n’en pourra deviner les causes. Un bouleversement
qui pourroit bien être analogue à celui que nous
osons prédire, a déjà été observé dans les terrains