
dans les mers chaudes, quî seules produisent ces
magnifiques Madrépores, ces élégantes Gorgones,
ces Antipathes en arbustes ou bien en éventail,
dont nos collections d’histoire naturelle empruntent
de si beaux ornemens. Les Eponges sont aussi plus
nombreuses Vers l ’équateur ; quelques-unes persistent
jusque sur nos côtes ; elles disparoissent entièrement
dans les régions glaciales. Les Acalèphes,
d’une animalité presque problématique, n’ayant ;
pas, comme les Polypiers, besoin d’appui, et ne
végétant pas à l’égal des Hydrophytes, s'égarent à
la surface des mers, où l’on rencontre les Médu^
saires particulièrement, isolées ou par bancs considérables.
La plupart ne s'éloignent pas de l’équateur
j d’autres ne flottent qu’en »dehors des tropiques.
Un petit nombre d’espèces est propre aux
mers circompolaires, où les individus de ces espèces
se multiplient à l’infini , comme pour attirer
dans les parages qu’ils remplissent, des bandes innombrables
de Clupées et de Gades qui s’en nourrissent,
et qui, à leur tour, attirent des Squales
avec des Cétacés qui les dévorenr.
Ces Acalèphes informes sont souvent teints des
plus belles nuances d’un azur qu’ils empruntent
du milieu dans lequel on les voit flotter. La plupart
répandent, au sein dés nuits, des lueurs phos-
phoriques qui trahissent leur existence. Dans ces
parages de la ligne, où des calmes désespérans
arrêtent si souvent les vaisseaux, on en rencontre
fréquemment des légions innombrables que le
moindre grain fait disparoîcre ; ces légions ne se
rev.oient que lorsque l ’orage est passé. A quelles*
profondeurs sè retirent - elles ? Des Acalèphes et ;
des Polypiers peuplent - ils aussi les abîmes de
J’Océjn ? Nulle expérience certaine ne peut fixer
nos^Tées sur ces points de Géographie naturelle,*
mais pn voit déjà des Polypes succéder aux Microscopiques
dans les eaux douces} la terre n’en
sauroit produire d’aucune espèce.
Comme si les Psychodiés, les Polypiers, les
Mollusques et les.Conchifères eussent tpus originairement
été conçus par l’Océan , le nombre des espèces
appartenant aux basses limites de l ’animalité
est bien plus considérable dans les mers que dans
les eaux douces; aussi trouve-t-on à peine quelques ,
Spongiaires, des Vorticellaires, des Hydres, des
Alcyonelles dans nos lacs .et dans les marais,
pour les mettre en parallèle avec tant d’auties créatures
analogues qui composent la Faune péla- j
gienne, et l’on peut ajouter que le nombre des coquilles
fluviatiles et terrestres n’est pas à celui des
coquilles marines dans l’étar actuel de nos connois-
\ances, comme un à vingt. On ne sait rien de satis
faisant sur la distribution des Mollusques dans l’U nivers
; on n’en rechercha long temps que la demeure
brillanre, objet de commerce ; les coquilles
s’accumuloient de cous les points du Monde chez les
curieux, sans qu’on tînt compte de leur habitat >et
dans 1 Essai qu’a donné M. le baron de*Ferussac
(tome V I I e. du Dictionnaire classique d*Histoire naturelle)
sur la répartition géographique des Mollusques,
on ne trouve guère qu’une longue liste d’ouvrages
où il fut question de Mollusques, avec des
axiomes qui ne présentent de particulier que la
manière dont l’auteur les a numérotés. A cet
égard, comme sur mille autres points des sciences
naturelles, nous demeurons dans une ignorance à
peu près complète. Les Echinodermes sont essentiellement
marins, ainsi que les Acalèphes fixes ou
libres j ils sont du nombre des êtres qui apparurent
les premiers dans l’Univers : les restes de ceux
que leur mollesse ne condamnçic pas à une prompte
dissolution, sont les plus anciens monumens qui
nous soient restés de l’organisation animale en son
berceau. Des Eponges et jusqu’à des Alcyons sont
devenus, malgré le peu de consistance de leur
tissu, comme des médailles d’un monde primitif
d’essai, dont la physionomie ne devoir avoir
que peu de rapports avec celle du monde actuel
perfectionné , et même d’un monde des temps
intermédiaires.
t t t ANIMAUX VERTÉBRÉS.
Aux débris dont il vient d’être question, et auxquels
succèdent ceux de quelques Crustacés, succèdent
plus tard encore ceux de Poissons, puis ceux
de Reptiles, animaux vertébrés des eaux, qui durent
s’y montrer quand les Hydrophytes, les Polypes,
les Acalèphes et les Mollusques destinés à les
nourrir, s’y furent suffisamment multipliés. Les
Poissons, beaucoup plus que ces êtres, leurs prédécesseurs,
sont doués de moyens de dispersion;
aussi la patrie de chaque espèce est-elle chez eux*
moins limitée que celle des animaux terrestres et
des autres créatures marines. Plusieurs sont des cosmopolites
qu on retrouve depuis un pôle jusqu’à
1 autre et sous tous les méridiens. La plus grande égalité
de température des eaux explique comment beaucoup
de Poissons purent-sans inconvénient passer à
travers les trois zones. A la facilité de traverser sans
obstacle un élément où l’influence du froid et du
chaud paroitetre peu considérable, le Poisson joint
l avantage de trouver à vivre partout : souvent égaré
a lapmrsaite de sa proie, il s’éloigne de plusieurs
centaines de lieues du point qui le vit éolore ; il
peut jeter son frai en tout climat où le besoin
Ide se reproduire vient à le surprendre; il colonise
ainsi son espèce. Les races qui voyagent par troupes
doivent être celles qui se déplacent le plus et
qui sont répandues en un plus grand nombre de
lieux ; consommant beaucoup sur leur route , elles
changent de canton pour trouver une nourriture
[suffisante, comme le font cés peuples pasteurs qui
Isont obligés de voyager de pâturages en pâturages :■
c’est aussi dans toute l’étendue de l’Océan septentrional
qu’on trouve ces Morues et ces Harengs,
dont l’Homme et les Poissons voraces ne peuvent
diminuer le nombre, malgré la guerre acharnée
iqu’ils leur font; les espèces qui vivent sédentaires,
j se tiennent entre les limites au contraire restreintes;
plusieurs ne quittent pas le fond ou la plage qui
leur produit un genre de nourriture approprié. C ’est
par cette raison que les Choëçodons, par exemple,
qui se plaisent entre les rochers couverts de Madrépores,
s’éloignent peu de la Torride où crois-
5 sent ces ornemens de la Mer ; mais plusieurs de ces
[espèces domicilées se trouvent indenriquement les
mêmes sur les côtes du Brésil, dans les parages
■ arabiques et dans cette Polynésie indienne dont les
écueils se multipliant chaque~qour j préparent sans
|çesse des îles nouvelles. On ne peut cependant supposer
que de telles espèces coutumières des rivages
- aient pu se hasarder à traverser la profondeur pé-
jlagienne pour se coloniser, et l’on doit conclure
[qu’elles ont été créées en plusieurs lieux à la fois,
ainsi qu’ont dû l’être toutes les espèces identiques
qui se retrouvent séparées à des distances énormes,
par des obstacles physiques insurmontables.
C ’est ici le lieu de remarquercombien l’homme,
dont nous avons déjà signalé le pouvoir sur la
i physionomie des continens ( pag. 9 ) , a contri-
. bué à changer celle des eaux. Nous ne citerons pas
ces Cyprins Brillans que, de la Chine, il répandit
| dans toutes les eaux douces de l’hémisphère boréal,
rces Gouramis que de l’Inde il transporta jusque dans
HeS rivières des îles américaines, ces Marènes qu’un
roi philosophe, poëte, guerrier et amateur de bonne
; chère, introduisit dans les lacs de la Poméranie;
|nous ne parlerons que des races puissantes ou carnassières
de l’Océan, que les navigateurs ont presque
partout dépaysées. Les Requins demeuroient
!origina rement confinés entre les tropiques, et de
\ grands Cétacés habitoient les mers de notre zone
tempérée. Ce fut dans la Méditerranée que les
Anciens connurent la Baleine, et sur les .-côtes;
de la France aquitanique que les Basques lui
; firent d’abord la guerre. Les voyageurs qui, sur
f les traces des Gama et 4es Colomb,, se familiarisèrent
avec le passage de la ligne ou des^
tropiques, en rencontroient fréquemment, er
voyant le Requin jusqu’alprs ignoré, admiroient
la force et la férocité de cet animal des mers
les plus chaudes ; mais Jes expéditions de pêche
étant devenues familières à une multitude de
peuples, q u i, avant le quinzième siècle , ne pos-
sédoient pas une nacelle , les procédés pour conserver
le Poisson s’érant multipliés pour en répandre
la chair dans toute l’Europe, où la religion
en fait une nourriture- obligée deux fois-
la semaine, et durant une quarantaine de jours
d’abstinence, lés Poissons poursuivis sans relâche
, s’éloignèrent des côtes, où tant de dangers les
menaçoîent les Baleines également tourmentées
suivirent leur proie r pensant éviter leurs ennemis.
Le Nord devint pour elles une nouvelle patrie, où
les Européens les- atteignirent encore : on les y
voit de nouveau diminuer de nombre, et chercher
quelque sécurité en d’autres parages, où les pêcheurs
les atteindront toujours. Quant aux Requins,,
ils s’aperçurent bientôt que les vaisseaux, desquels
d’abord ils s’étoient effrayés, portoient des hommes
sujets à mourir pendant leur traversée, et de qui les
flots deverçoient le sépulcre; ils suivirent ces vaisseaux
, dont les ordures leur assuroient aussi des
repas ; ils suivirent surtout ceux qui faisoient le
commerce de chair humaine, et c’est ainsi qu’ils'
se sont répandus d’un Monde à l ’autre, et du Midi
au Nord. Nous les rencontrons aujourd’hui dans<
la Manche , où nos aïeux n’en virent jamais..
Si les Poissons grands nageurs de l’eau salée ont
pu se répandre dans toutes les mers, il en est autrement
de ceux des eaux douces. Comment ceux-
ci ont-ils pu se propager d’un lac dans un autre,
et peupler d’espèces identiques des fleuves sans aucune
communication entr’eux, et que séparent
d’inaccessibles monts ou de brûlans déserts ? L ’examen
de cette question est de la plus haute importance
; nous avouons notre insuffisance pour la résoudre;
il suffira de faire remarquer ici, qu’alors
que le Brochet vulgaire de l’Europe ( Esox Lucius
L. ) a été retrouvé par M. Bosc dans les eaux
douces de l’Amérique du Nord , et que nous avons
observe dans les rivières de Mascareigne notre Anguille
commune ( Murena Anguilla L . ) , le Gobie
Arrona est comme cantonné dans les ruisseaux
d’Otaïti, et n’a point été trouvé ailleurs. Les premiers
de ces animaux auroient-ils été formés en
plusieurs lieux à la fois, et le Gobie Arrona n’auroit-
îl apparu que sur un point du Globe seulement ?
Aux Poissons succédèrent enfin les Reptiles aquatique.,
essai d’um ordre, de création plus avancé.