
ANALYSE
maux secondaires par qui les fleuves sont alimentés.
Les ruisseaux et les torrens sont à leur
tour les ramifications des rivières, dont ils ne
diffèrent guère que par leur moins d’étendue et
le plus petit volume du tribut qu’ils portent dans
la circulation. On distingue aussi la rivière et
,1e ruisseau du torrent,, en .ce qu’alimentés par
quelque source, l’un et t’a titre ne tarissent point
‘habituellement, tandis que le torrent impétueux
■ et irrésistiblequand l’orage le grossit, ne laisse
d’autres traces de son existence, dansées temps
4 e sécheresse, qu’un lit fracassé, creusé à travers
les rochers et encombré de débris,
Il n’existe point d’exemple de cours d’eau qui
prennent le nom de Fleuve dans les îles, quelle que
soit leur étendue ; ainsi, la Tamise en Angleterre,
le Benjarmassen à Bornéo, le Managourou à Madagascar,
sont réputés rivières. Cet usage n’est
point conséquent, mais paroît néanmoins tacite.-
ment établi. L ’importance des fleuves est ordinairement
en raison des hauteurs qui leur donnent
naissance, de l’abondance des rivières qu’ils absorbent,
et de l’étendue de pays qu’ils parcourent. Ceux
d’Europe, à l’exception du Danube, qui peut se
comparer aux plus grands fleuves du reste du Globe,
sont en général les moins considérables : le Gua-
dalquivir, le Guadiana, le Duéro et l’Ebre en Espagne
; le Tibre et le Pô en Italie ; le Rhône , la
Garonne, la Loire, la Seine en Fiance ; l’E lbe,
l ’Odex, la Vistule, le Rhin lui-même, qui se jettent
dans les mers du Nord, sont bien peu de
chose, comparés aux fleuves de l’Asie septentrionale,
à ceux de la Chine et de la presqu’île orientale
dans l'Inde, au Gange, à lTndus, au N il , à
IQcé noque, au fleuve des Amazones, au Saint- ,
Laurent et surtout au Mississipi, qui reçoit des af-
fluens, tels que l ’Ohio et le Missouri, beaucoup plus
considérables que ne le sont tous nos fleuves euro- :
péens , encore que ce Missouri et cet Ohio soient
réputés de simples rivières. On ne conçoit pas '
sur quel fondement quelques écrivains ont avancé
que la plupart des fleuves, parallèles aux chaînes .
de montagnes qui les alimentent, couloient de
l’est à l’ouest. Rien n’est plus faux • le Rhône,
le N i l , l’O b i, le Jenisei, la Léna , prouvent
positivement le contraire : les fleuves suivent des
pentes totalement dépendances de la conformation
générale des pays qu’ils sillonnent, se dirigent
dans tous les sens, et nous avons même vu tout ;
à l’heure (pag. 52 et PI. 14) qu’ils semblent se
plaire à briser les chaînes de montagnes qu’on
supposoir autrefois avoir été faites pour circonscrire
et contenir leur cours. Comme destinés
a transporter le sol des montagnes, les fleuves
et leurs afflue ns dépouillent une partie des lieux
. qu’ils parcourent, tandis qu’ils en engraissent ou
en agrandisseur d’autres, au moyen des dépôts
qu’ils y abandonnent, et qu’on nomme alluvions
ou attérissemens.
C e sont ces attérissemens et ces alluvions qui forment
à l’embouchure des fleuves ces ^contrées nouvelles
proportionnées en étendue à l’importance des
couransqui les déposèrent, et entre lesquels le Delta
du Nil est célèbre par sa fertilité. La plus grande
partie de la Belgique, et la Hollande près qu’en totalité,
sont une sorte de Delta formé par le Rhin
aux dépens des Alpes. L ’embouchure du Rhône présente,
avons-nous dit déjà '( pag. 49 ) , un phénomène
semblable, d’autant plus .remarquable, que
l’augmentation du sol y a lieu avec une singulière
rapidité ; ce qui fait dire aux gens du pays, que la
Mer se retire des côtes méditerranéennes. La Mer
ne se retire nulle parc dans l'acception rigoureuse
du mot, ainsi qu’on l’a vu précédemment;
mais les fleuves qui s’y jettent n’en concourent
pas moins puissamment à modifier la forme de
ses rivages.
Le Rhône, que nous choisirons pour donner un
exemple dés attérissemens formés par les fleuves à
leur embouchure (vcyeç PI. 21 ) , présente, à des
inondations périodiques près, de grands rapports
avec le Nil’. Ces deux fleuves coulent en ligne
droite, l’un du sud au nord, l’autre du nord au
sud. A partir d’une grande distancé de la même
mer, ils descendent le long d’une étroite vallée,
et où leurs cours étant rapides, la plus grande partie
des corps étrangers qu’ils châtient ne peut guère
«e précipiter qu’au point où la masse des eaux salées
suspend enfin la force qui les tenoit en suspension.
Nous n’y voyons qu’une différence , c’est que
les Mahométans, réputés si grossiers et si paresseux,
ont conservé dans le Delta les pratiques qui
en firent au temps des antiques Egyptiens l ’une des
contrées les plus fertiles du Monde, tandis que les
Provençaux , qui se glorifient d’une Origine grecque
, abandonnent la Camargue, l’un des plus
grands terrains d’alluvions de 1 Univers, à sa fétide
stérilité. Aigues - Mortes en perdant son port
de mer, ne l’a point remplacé par de fertiles campagnes
; des dunes de sables, quelques pins d’Alep,
de la vase, des roseaux et les galets de la Cran,
dot ment'11 n aspect de désolation à l’un des points
de la France qui pourroic devenir une source de
richesses au moyen de canaux et de défrichemens
bien entendus. O11 voit dans notre carte de l’em-
fioiichure du Rhône, le.s traces de la côte primitive
|j assez bien marquées d’un côté par la route qui confiait
de Lunel à Beaucaire par Saint-Gilles, et de
I l’autre par des hauteurs éparses entre le Rhône et
la Durance de Tarascon à Orgon. Ces haureurs
durent même être des îles à une époque encore
assez récente, quand la Mer s’étendoic-jusqu ou
nous voyons Avignon , ville 'qui n esc encore
f i élevée que d’une vingtaine de mètres au-dessus
fi du niveau de la Méditerranée. Lorsque l’e cours du
Rhône et celui de la Durance se joignoient dans
;É la Mer sur ce poinr, au fond de 1 angle forme
par la côte d’alors, leurs charrois s’y trouvoienc
«subitement arrêtés par le mécanisme au moyen
i l duquel se forme partout ce: qu’on appelle barres
à l’embouchure des fleuves, et tout le Delta
du Rhône n’est qu’une continuité de barres suc—
•; cessives déposées au-devant de-chaque sinuosité
I du fleuve, luttant contre les obstacles accumulés
« p a r l’opposition des flots.
! Les déserts aquitaniques, c’-est-à-dire la- partie
«méridionale du département de la Gironde, et le
« nord du département des Landes, sont encore
sur une plus vaste, échelle, un attérissemenc analogue
à celui des Bouches-du-Rhône.. Nous
«croyons avoir prouvé qu’au temps où le détroit
de Gades, aujourd’hui de Gibraltar, ne s’étant
■ point ouvert, la Méditerranée présentant une figure
très-différente de celle que nous lui voyons
«aujourd’hui, s’écouloit dans l’Océan par un détroit
dont on a profité pour établit* en France le
canal du Midi ; son trop-plein suivoic la dépression
qu’on trouve entre Casrelnaudary et Vil-
, îfefranche, dans la direction où- nous voyons au-
jourd’hui Toulouse ; les charrois de ce trop-plein ,
: et ceux que mille affhiens descendus par la droite du
Cantal, et des Pyrénées.par la gauche, arrêtés au
Isommet de l’angle formé par la côte* océanique,
^déposèrent d’abord le sol de ces belles plaines
de la Haute-Garonne et du Tarn et Garonne,
qui furent long-temps comme le fond du grand
golfe que nous appelons aujourd’hui qu’il est
très-restreint, \e golfe de Gascogne. Le rivage de
cette époque est encore parfaitement recon-.
noissable dans les haureurs calcaires qui bordent
à droite le lit de la Garonne, et par les pentes
mourantes des Pyrénées au çôcé opposé. Une
rive plus moderne est ensuite indiquée d’une manière
plus ou moins exacce, par la grande route
de Bordeaux à Bayonne, en passant à Basaz et au
$ Mont-de-Marsan. En suivant ce grani chemin,
io n laisse d’abord de l’autre côté de la Guonne jus-
< qu’à Langon, un pays formé de coteaux élevés ,
«contre lesquels-battoient.les vagues viennent ensuite
les hauteurs de l’Agenois, de P Armagnac et
de la Chalosse, tandis qu’à droite s’étend la monotone
surface des Landes, dans l’abaissement de
laquelle se reconnoîr un vaste dépôt de sable marin.
En quelque point qifon creuse le sol dans la
direction que nous venons de tracer, on trouve des
amas de coquilles q u i, depuis Graduignan, Sauçais
et autres villages de ce qu’on nomme les pe-
. tites Landes , se continuent sans interruption en décrivant
un grande courbe jusqu’à Dax , célèbre par
des fossiles si nombreux. En dehors de cette courbe,,
indice de la côte antique secondaire, est une autre
Camargue dont l’aspect attire les regards du!
voyageur, et qui occupe, sous le nom-dé Grandes•
Landes-, un espace très-considérable dans la carre de-1
France. Il suffit de faire remarquer ici que la Garonne,
donc.le lit étoit d’abord'la continuation d’uu.
décroit,. étoit en rapport avec la Méditerranée pri-
imitive,. puisqu’elle transporta principalement sur-
les rives océaniques.des coquilles qu’on reconnoîr
aujourd’hui être identiques avec celles de la M é -
dicerranée actuelle.
Outre ces transports de corps organisés,, destinés
à former des bancs coquilliers ou des rochers
calcaires, des sables, qui s’amoncèlent en dunes, et
; des galets, premiers matériaux des poudings, lesfleu-.
y es charient encore de précieux sédimens, principes-
de fertilité pour les contrées favorisées où s’en forment
les dépôts. La Garonne, dont il vient d’être
question , nous en fournit un exemple- ( voye^j
PI. 21). Tandis que la rive gauche du côté des Lan--
: des se compose d’infertiles débris de coquilles* mêlées
à de l’arène, des alluvions de terre végétale forment,
vers le confluent de la Dordogne , l’une des
plus fertiles contrées de la France.-On l’appelle,,
selon son élévation ou son abaissement, Entre
deux* mers q^j Pallies de Montferant-,\ elle se termine
par le Bec d’Ambez. Sur la rive opposée
commence le pays de Médoc, également composé
par l’accumulation de dépôts terreux; l’un
et l’autre canton sont , comme le Delta de
l’embouchure du Rhône,, remplis de marais;
mais l’habitant industrieux- s’occupe avec activité
de l’assainissement du sol;, des colonies flamandes
lui ont enseigné à creuser dès-canaux, ainsi
qu’à diguer des polders;.et comme du gravier s’y
mêlant à la vase,, rend celle-ci beaucoup moins
compacte que partout ailleurs, là vigne y réussit à
merveille et donne des v-ins plus ou moins légers,
selon que le sol esc plus ou moins pénétré de ce que
les habitans nomment de la grave.
En général, tel esc l’effet du confluent de deux
cours d’eau.,,que.c’est en ce point de-leur, étendue