
Quant à la seconde, la mer de Béring, circonscrite
par la côte orientale de ce même Kamtchatka
et"l’extrémité nord-est de l’Asie, par cette
partie misérable du Nouveau-Monde cju on appelle
Amérique russe, et par la longue courbe que
torment les îles Aleutiennes, elle s’étend sous un
climat tout-à-fait boréal. Si ce qu’on appelle la
Grande passe la met en rapport avec les régions
tempérées de l’Océan pacifique, le détroit de
Béring, en séparant les deux Mondes, 1 unit
à l ’Océan arctique, qui lui imprime sa physionomie
glaciale en lui envoyant des montagnes
flottantes formées d’eau congelée, avec quelques
uns de ces grands Cétacés qu’on retrouve
sur les côtes d’Islande et du Spitzberg. Nous
posssédons de cette mer de Béring des Hy-
drophytes en tout semblables à ceux de Terre-
Neuve et des côtes de Norvège. Ce sont les
mêmes Fucacées robustes, des Lam mariées capables
de résister au courroux des flots, et parmi
lesquelles se fait remarquer l’Agare criblée de trous,
encore si rare dans les herbiers, et que nous possédons
des bords Koraïkes, des îles Saint-Pierre et
Miquelon, et des côtes de Norvège.
8°. M é d it e r r an é e C olomb ienn e . N ous
comprendrons sous c-e nom le golfe du Mexique et
la mer des Antilles, dont l’ensemble forme l’une
des mers intérieures les mieux caractérisées qui
soient à la surface du Globe 3 ce que n’ont pas cependant
aperçu des compilateurs qui, pour avoir
visité un point de la Martinique, de la Guadeloupe
ou de quelques autres rochers américains, en
écrivent des monographies sans nombre, et
semblent vouloir s’approprier le monopole de
toute publication historique, géographique, statistique,
volcanique, pathologique, végétale ou
animale, relatives aux rives du Nouveau-Monde.
Cette Méditerranée où l ’immortel Colomb pénétra
le premier, et qui se trouve représentée
dans notre planche 4e. , est comme la Sinique
de l’ancien continent, bornée d’un çoté par
une suite non interrompue de côtes, depuis la
pointe méridionale des Florides jusque dans la
province de Cumana, vis-à-vis l’île de la Trinité |
de ce dernier lieu part une série d autres îles petites
ou grandes, qui toutes visibles réciproquement de
l’une à l ’autre, sous le nom A'Antilles du vent et de
Grandes Antilles, séparent la Méditerranée qui
nous occupe de l’Océan Atlantique, Parmi ces
grandes Antilles, Haïti et Cuba forment la
circonscription septentrionale du bassin, dont se
trouvent exclues les Lucayes, archipel extérieur
quj doit coipmerçcer aux Iles Turques, a partir
des Caïques jusqu’à l’extrémité ouest de l’île
de Bahama. Tous les écueils, petits ou grands,
qui forment au nord dés grandes Antilles cet
archipel de corail ou d’alluvions du Gulf-Stréam
et autres courans, sont du domaine de l’Océan 3
il en reçoit une physionomie tant soit peu septentrionale,
encore que situé sous les tropiques 3
cet. archipel prépare, en protégeant le grand
banc de Bahama, lequel s’élève de jour en jour,
un attérissement destiné à élargir la barrière qui
fermera entièrement , au moyen de la réunion
de toutes les Antilles, grandes et petites, la Méditerranée
colombienne. Le canal de Bahama, ou
celui de Porto-Rico, y demeureront l’un et l’autre,
et peut-être long-temps ensemble, les analogues
du grand et du petit Belt dans la Baltique 3 il
paroît du moins que ce sont les deux communications
les plus profondes actuellement existances.
Pour la Jamaïque et les îles sous le vent ,
elles y sont comme la Sicile et l’archipel Egéen
dans notre vieille Méditerranée ; le cap Catoche,
à l’extrémité orientale de Jucatan, et celui de
San-Antonio, à l’extrémité occidentale de Cuba,
s’y avancent l’un vers l’autre, comme Lilibée se
rapproche du cap Bon , à l’extrémité punique
du royaume de Tunis. De pareils rapproche*
mens de pointes en pointes sont fréquens dans
la Méditerranée proprement dite, dans la Si-
nique et dans la Baltique notamment3 ils indiquent
que ces Mers , une fois totalement séparées
des Océans voisins, éprouveront, par la
diminution de leurs eaux, des interceptations intérieures
, d’où résulteront successivement des Cas-
piennes qui deviendront des lacs et finalement des
bassins de fleuves, parce que la Nature suit la même
marche dans toutes les parties de la surface du
Globe. Il en sera des Méditerranées actuelles et à
venir comme de celles qui n’existent plus que par
les. traces de leur ancienne existence. Le bassin du
fleuve Saint-Laurent, où ne restent plus que des
lacs interceptés, et celui du Danube, où ne restent
pas même de lacs, mais où l’on trouve des plaines
qui témoignent de l’ancienne existence de ceux-ci,
peuvent être cités pour servir de démonstration
à cette théorie de dessèchement.
Le plus grand fleuve du Monde, le Mississipi, se
jetant dans la Méditerranée colombienne, y forme
un vaste delta, et prépare par d’immenses dépôts le
long de ses côtes septentrionales, le rétrécissement
du golfe mexicain. Située entre le 9e. degré environ
et le 30e. degré de latitude nord, traversée d’orient
en occident par un tropique, comprise presque
tout entière dans la zone torride septentrionale,
ses
ses productions offrent le plus grand rapport avec
celles des Méditerranées Erythréenne et Si-
nique, sans que l’éloignement de ces mers ait
pu altérer une ressemblance physique très-prononcée.
Les poissons, de forme bizarre et bril-
lans des plus riches couleurs, y vivent partout
en nombre considérable. Des Polypiers de grande
taille y encombrent et élèvent le fond et les
rivages 3 ces derniers contribuent avec une telle
rapidité à l’accroissement du sol environnant,
surtout du côté intérieur, par rapport aux Antilles
, que des cadavres humains encroûtés dans
leurs débris calcaires, y sont, sur un point de
la Guadeloupe, presque devenus des anthropothi-
tes. Si l’on y descend à l’examen des êtres moins
compliqués dans l’organisation, soit animale, soit
végétale, les rapports se multiplient, et l’on arrive
jusqu’à l’identité 3 ainsi, parmi les Polypiers flexibles
, les Corallinées , les Flustrées, les Caulerpes,
les Floridées et autres Hydrophytes, nous possédons
une multitude d’espèces qu’on ne sauroit distinguer
de celles que notre savant ami Delille a rapportées
de la Mer-Rouge, et que Lesson et divers
autres voyageurs ont recueillies sur les rives de la
Polynésie. Cependant les parties de l’Océan interposées
n’offrent rien, ou du moins très-peu de
chose qui soit parfaitement pareil. De tels faits
paroîtront étranges sans doute à certaines personnes
qui jusqu’ici n’ont fait de l’histoire naturelle que
d’après des Palmiers ou des Eléphans; mais ces faits
apprendront aux judicieux ce que nous proclamerons
désormais dans tous nos ouvrages géographiques,
parce que nous en avons acquis la certitude dans
le silence de l’observation, avant d’en fatiguer le
monde savant par d’incomplètes publications, savoir
: que le Globe ayant évidemment été couvert
par les eaux de la M er, c’est par la végétation et la
vie marine, que la vie et la végétation ont du se
préparer avant de pouvoir se montrer sur le reste
du Globe. Les productions de la Mer, surtout les plus
simples et qui durent apparoître les premières, doivent
donc être soigneusement observées 3 il résultera
de la découverte et de la comparaison des
plus chétives, de plus importantes vérités que de
la découverte et de la comparaison d’objets plus
volumineux, sur lesquels on prétend concentrer
l’attention des naturalistes, et desquels on voudroit
déduire certaines lois générales de répartition que
la Nature ne sanctionne pas. Un autre grand fait de
Géographie physique', déjà indiqué plus haut, et
auquel nous reviendrons quand il sera question de
ce qu’011 appelle Bassins , ressort encore de l’examen
de la Méditerranée colombienne, autant que de
la comparaison des cornes de la Mer-Rouge et du
sinus qu’on pourroit appeler Pélusiaque, au fond de
notre Méditerranée 3 c’est que les productions de
deux bassins naturels contigus, sont plus différentes
sur les pentes opposées des espaces qui en établissent
le partage, quelle que soit la petitesse de la distance
et la hauteur dans ces espaces, que ne le sont les productions
des bords les plus éloignés de Vun des deux
bassins. Nous n’avons point, comme d’autres voyageurs
qui en ont beaucoup écrit, visité les Antilles,
l’Amérique du Sud, ou ce qu’on nomme quelquefois
encore la Nouvelle-Espagne, mais nous avons
soigneusement examiné dans les collections de Berlin,
de Vienne, de Paris, et surtout de Madrid,
les productions botaniques de, tous ces lieux, et
voici ce que nous y avons reconnu, ce que nous
afifi rmons devoir être, ce que personne n’a dit encore
, et ce que l’expérience confirmera.
i° . Il existe une différence sensible entre la physionomie
de l’ensemble des productions enracinées
au so l, sur les rivages et les versans océaniques des
Antilles, et celle des mêmes productions sur les
rivages et les versans intérieurs ou méditerranéens
de ces mêmes Antilles.
20. Une différence de même genre paroît être
encore plus marquée entre les productions des rives
continentales de la Méditerranée colombienne et
celles des côtes adossées appartenant à l’Océan
Pacifique.
30. Les productions naturelles des rives de ce
qu’on appelle communément la Terre-Ferme, si
peu distantes de celles du golfe de Panama, offrent
cependant avec les productions de celles-ci moins
d analogie qu’elles n’en présentent avec çelles des
rives du sud d’Haïti ou de Porto-Rico, qui sont
cependant beaucoup plus éloignées, mais appartenant
au même bassin.
4°. Enfin, la Jamaïque, comme jetée au milieu
de la Méditerranée dont il est question , sans
connexion quelconque avec l’un ou l’autre Océan
circonvoisin, éprouvant dans l’intégrité de sa surface
et de son pourtour une même influence médi-
terranée, ne présente point dans sa Flore, soit terrestre
, soit marine, non plus que dans sa Faune
aquatique, de ces contrastes qu’on vient de signaler
sur les versans adossés des Antilles ou du continent
américain.
L ’évidence de tels faits que nous n’aurons pas la
témérité d’ériger en Grandes lois de la Nature,
frappera cependant tout d’abord l’observateur sans
prévention lorsqu’il examinera les productions rapportées
de ces divers parages par des collecteurs
intelligens quf, ne croyant pas avoir indiqué suffi