
végétation est pauvre, ayant bientôt épuisé la description
des phanérogames qui partout appellent
d’abord les regards, s’attachèrent les premiers à l’étude
des plantes obscures dont ils trouvèrent un plus
grand nombre d’espèces qu’on n’en avoir soupçonné,
et que d’un autre côté les voyageurs frappés de la
pompe des grands végétaux de la zone torride, négligèrent
les Mousses , les Lichens et les Hépatiques
des contrées où tant de magnificence épuisoir
leur attention; on se hâta de conclure que le Nord
étoit la région des cryptogames, dont le nombre
étoit censé diminuer à mesure que l’observateur se
japprochoit des tropiques. Quelques fougères somptueuses
ayant attiré l’attention du Père Plumier, on
en concluoit aussi que le bon Minime avoic connu
toutes les fougères des Antilles, et l’on imagina
une proportionnelle entre les fougères et le reste
de la végétation de ces îles. Cependant aujourd’hui
que les naturalistes ne négligent plus l’étude d'objets
long temps méprisés, parce que ces objets
n’ont pas l’ampleur des palmiers, et qu’on sent
l’utilité de rechercher les cryptogames, il faut en
venir à cet axiome que nous posâmes dès 1802.,
au retour d’un voyage entre les tropiques : a circonstances
égales de localité,dénombre des cryptogames
augmente â mesure qu’on se rapproche de
l’équateur, dans une immense proportion et dans
des expositions analogues; la cryptogamie est probablement
au reste de la végétation des pays chauds,
dans le rapport du double avec ce qu’elle est dans
les pays froids. Voila sans doute un résultat bien
différent de ce qu’avançoient les auteurs hâtés de
se singulariser par l’introducrion des chiffres dans
l ’histoire naturelle ; ce résultat sera peut-être encore
au-dessous de la réalité lorsqu’on aura porté
dans l’étude des petites espèces la dernière perfection.
Ne venons-nous pas de voir M. Fée, zélé botaniste,
reconnoître une famille entière de Graphi-
dées, composée de cent cinquante espèces environ,
réparties en divers genres très-naturels, dans ce
que naguère on regardoit comme le seul Lichen
scrivtus de Linné ? Les lichens démontrent conséquemment
qu’en certains cas une unité dans l’arithmétique
botanique, comme l’entendent certaines
personnes, peut être métamorphosée en une
centaine. La seule manière raisonnable de considérer
la distribution des êtres organisés à la surface
du Globe, sous le rapport des proportions numériques,
est dans l’état actuel de la science, celle qu indique
M. Ramond dans l’intéressant Mémoire
qu’il lut l’année dernière à l’Académie des Sciences
sur la Géographie végétale de l’un des plus
hauts sommets dp système pyrénaïque. « On s’est
plu, disoit l’infatigable investigateur des Pyrénées,
à considérer la distribution des plantes sur le penchant
des montagnes comme une représentation de
l’échelle végétale prise de la base de ces montagnes
au pôle. C ’est un de ces grands aperçus qui
naissent d’un premier coup d’oeil jeté sur l’ordonnance
de la Nature, et qui appartient à l’instinct de
la science plutôt qu’à ses méditations....Nul doute
que 1’abaissement progressif de la température ne
dispose les végétaux à se ranger sur les divers étages
des monts, comme sur les diverses zones de la
terre. Il est reconnu, par exemple, que les arbres
s’arrêtent à certaines hauteurs comme à certaines
latitudes, et qu’il y a une analogie remarquable
entre les planres voisines des glaces arctiques ; mais
on doit s’attendre aussi à trouver cette conformité
plus ou moins modifiée par la nature des deux stations,
et les circonstances qui les distinguent. Des
températures qui semblent pareilles, à ne considérer
que leur terme moyen, sont loin d’avoir la même
marche et d’être pareillement graduées. On ne retrouve
au nombre de leurs élémens, ni le même
ordre de saison , ni une succession semblable des
jours et des nuits. L ’état de l’air, le poids de ses
colonnes, sa constitution et ses mélanges, la nature
des météores dont l’atmosphère locale est habituellement
le théâtre, viennent encore apporter
dans la similitude générale des ressemblances particulières;
ensuite les terrains ont leur exigence,
la dissémination, les migrations des végétaux ont
leurs caprices, et les diverses régions du Globe,
diversement dotées dans les distributions primitives
, livrent à l’influence des climats analogues, des
séries d’espèces toutes différentes. Ainsi la similitude
qui paroît, régner entre la végétation polaire,
doit se borner à des ressemblances générales et
porter plus rarement sur les espèces , plus souvent
sur certains genres et certaines classes. Les observations
de détail qui tendent à spécifier exactement
les faits, parviendroient seules à fixer le caractère de
ces classes. Considérée sous ce point de vue, la végétation
des hautes cimes acquiert un nouvel intérêt,
et celle du Pic du Midi ( celui de Bagnères)
devient un objet de comparaison de quelqu’impor-
tance, pour le nombre des espèces qui se trouvent
réunies sur un point aussi caractéristique et dans
un espace aussi borné. Ce Pic est situé à la lisière
de la chaîne pyrénaïque, et les longues crêtes dont
il forme le comble, n’offrent à la vue aucune autre
sommité saillante, si ce n’est le Pic de Mont-aigu
qui en est éloigné de deux lieues et qui lui est inférieur
de 5 60 mètres. »
Qn ne pouvoir conséquemment choisir un heu
plus heureusement situé pour point de départ des
comparaisons à l’aidedesquelles on voit M. Ramond
jeter un jour si vif sur la végétation des grands sommets.
Le Pic du Midi dont il est question, est une
t île dans l’Océan atmosphérique ; sous le 41e deg.
56 min. de latitude, son élévation est de 1924
mètres au-dessus du niveau des Mers.Le maximum
thermométrique en assimile le climat à celui des
contrées fort avancées vers le .pôle, mais pour com-
t pléter la certitude, il faudroit en outre avoir com-
f paré le minimum. La chose n’est guère praticable
I sur un écueil placé dans la région des tempêtes;
t cependant M. Ramond, qui n’y a guère observé
I son thermomètre qu’à 16 ou 17 degrés, évalue
K qu’il doit descendre annuellement à 16 ou 28, et
I même à 3 o et 3 5 dans les hivers rigoureux. « Ainsi,
I dit ce savant, sous le rapport des extrêmes de la
1 température, ce n’est rien exagérer que de compa-
I rer le climat du Pic du Midi à celui des contrées
I comprises entre le 65e. et le 70e. degré de lati-
I lude. » C ’est donc avec pleine raison que notte il-
1 lustre confrère comparoir le théâtre déjà méridio-
I nal de ses observations avec cette île Melville
I dont l’intrépide capitaine Party récolta les plantes
t sous le climat des Ourses, pour les rapporter au sa-
j vant M. Robert Brown, qui nous les a fait connoî-
[ tre. M. Ramond a remarqué combien les hivers
I de cette île affreuse sont plus âpres que ceux du
Pic du Midi; mais on a déjà vu (page 64) que
! pour les végétaux, l’abondance des neiges annulle
I les différences, et les étés des deux points compa-
1 rés ont beaucoup de ressemblance. Le caractère des
I vrais savans étant la circonspection, M. Ramond
I ajoute : « Je conviens que ces analogies sont in-
I complètes et que le caractère des climats ne réside
l pas uniquement dans les extrêmes de la température;
mais ce sont au moins des ressemblances qui
I ont leur valeur. L ’île Melville nous fournit cent
t seize végétaux, dix-sept de moins que n’en possède
I le Pic du Midi ; mais nonobstant son indigence ,
| cette Flore hyperboréenne est une Flore générale et
I complète. » Selon nous, celle du Pic du Midi ne
1 l’est pas moins , quoique l’auteur, dans l’esprit de
I modestie qui brilloit en son talent, ne la proclame
I pas irréprochable.. Voilà donc deux termes connus,
d’après lesquels on peut enfin introduire l’arithmé-
I tique dans la science des plantes. Toute autre ten-
I tative fut jusqu’ici aussi futile que prétentieuse; un
I savant français aura, pour ne pas s’être trop pressé
I de se singulariser par de vaines assertions, indiqué
! la véritable voie qu’on doit tenir , afin de ne plus
I s’égarer dans le dédale où nous poussoient des auteurs
plus soigneux de faire parler d’eux, que
de parler prudemment. Cette voie doit être ja-
lonée par la composition de Flores soigneusement
étudiées; tout essai eu ce genre où la moindre
espèce seroit omise, ne peut être qu’un élément
d’erreur.
On ne pourra introduire d’une manière satisfaisante
l’arithmétique en histoire naturelle, que
lorsque tous les êtres créés seront décrits, c’est-à-
dire, quand la valeur des termes numériques et
leur quantité seront des bases de calculs suffisamment
connues. Pour parvenir à ce but, il ne faut
point ambitieusement composer des Flores ou des
Faunes de trop-vastes régions. Il y a du charlatanisme
à donner un catalogue de végétaux, quelque
nombreuses qu’y puissent être les espèces,,
pour un état de situation des productions botaniques
d’une très-vaste région ; quiconque voudra
contribuer aux progrès de la Géographie physique
sous le point de vue de la répartition des
corps organisés, ne doit travailler qu’à des Flores*
ou à des Faunes de points parfaitement circonscrits,
comme l’ont fait MM. Gaudichaud et
Durville pour les îles Malouines , le docteur
Antomarchi pour Sainte-Hélène, M. Ramond
pour le Pic du Midi, le capitaine Parry pour
l’île Melville. Les catalogues bien faits des productions
naturelles de Tristan d’Acugna, de l’Ascension
, de notre Belle-Isle-en Mer, d’une Or-
cade, de deux ou trois petites Antilles, de.trois ou-
quatre rochers de l’Océan pacifique et de quelques
Kourilles, comparés à ceux des principales cimes
de l’Uni vers, considérées comme autant d’îles au
milieu des flots de l’air, apporteroient plus de con-
noissances positives dans la Géographie naturelle ,
que ces listes incomplètes de plantes ou d’animaux
dont oir nous inonde, et dans la composition
desquelles on n’a pas même la précaution
de choisir pour base du travail une contrée
physiquement circonscrite.
Le Pic du Midi n’a point de neiges permanentes ;
cependant il paroît qu’il ne produit point de fleurs
avant le solstice, et qu’il y en a quelques-unes vers
le premier juillet ; c’est donc avec notre été que le
printemps du Pic commence. Les premières fleurs
appartiennent aux.familles des Véroniques et des
Primulacées. En août, la floraison devient générale
: on entre en été. Elle se soutient en septembre
; plusieurs espèces même ne s’épanouissent
qu’alors. C’est le mois Je. plus favorable à l’ascension
du Pic, celui où le temps est le plus
assuré, le-ciel le plus pur, l’air le plus transpa