
5 8 ANALYSE
il a été question tout à l’heure, et à l’ouverture duquel
se voit le Port-en-Bessin, on retrouve les rivières
enfouies rendues au jour, qui, sortant de
terre presqu’au niveau de la haute mer, y arrivent
a peu près stagnantes, ou du moins par un cours
si ralenti, que la plupart du temps les galets de là
plage en encombrent l’embouchure comme pour
en former une mare couverte d’ulve intestinale.
Pour se confondre avec la Mer, l’eau de la fosse de
Soucy tend à filtrer intérieurement, et disparue de
nouveau sous le galet du Port-en-Bessin, elle repa-
roît à quelque distance sur la plage caillouteuse en
jets abondans, où les habita ns vont puiser l’excellente
eau douce qu’ils consomment, pendant la
basse merj car, à marée haute, ces fontaines littorales
sont recouvertes par les vagues. Nous avons vu
quelques fucus et l’ulve comprimée, croître sûr les
galets où cette eau douce bouillonne ; la présence des
flots salés durant quelques heures suffisoit pour favoriser
leur végétation. Dés infiltrations pareilles
ayant lieu tout le long de la côte à la basé des falaises,
jusqu’à deux mille toises environ à l’est de
Port-en-Bessin, y ont donné lieu à des affaisse-
mens longitudinaux fort remarquablesd’où sont
résultées des alpes en diminutif, présentant absolument
ces accidens qu’on regarde comme caractéristiques
des hautes montagnes. On diroit l’une
des chaînes des Alpes avec ses prairies, ses plateaux,
ses contre-forts, ses vallées, ses anastomoses, ses
lacs et ses torrens. De la cime de la falaise nous
avons dessiné la topographie de ces petites alpes
dans la manière de la grande carte de Suisse, et
notre croquis appliqué sur plus d’une partie de
ce magnifique travail, s’y adaptoit au point qu’on
eût pu croire qu’il y faisoit suite. Il n’existe
rigoureusement, quant aux formes, d’autre différence
que dans les proportions ; les plus hautes
cimes de ces lieux ayant de quinze à vingt-cinq
pieds de haut au lieu de quinze cents à deux
mille cinq cents toises. Chaque grande pluie , les
tempêtes et les hivers, produisent de grands chan-
gemens dans ces monragnes , où des prêles fluvia-
tiles nous pâroissoient comme des forêts de sapin
au-dessus d’humbles graminées qui figuraient les pâturages
de la Suisse ou des Pyrénées j mais la phy
sionomie alpine, en s’y modifiant, n’y disparaît
jamais. L ’examen du rivage de Port-en-Bessin est
conséquemment fort propre à donner, sans avoir
recours aux grands catacltsmes, des idées justes sur
plusieurs des causes qui ont contribué à imprimer
aux pays de monragnes la configuration que nous*
leur voyons.
Dans la Planche 13 , M. Desmarest a fait représenter
la naissance et le cours de la Touvre, qui I
mérite le nom de rivière à cause du volume de ses
eaux, quoique sa longueur ne soit guère que de qua- i
tre mille toises, à partir du point où elle sort tout-à
coup de terre , jusqu’à sa chute dans la Charente,
un peu au-dessus d’Angoulême. Nous avons, en
plusieurs endroits, vu d’autres rivières qui sem-
bloient naître subitement. LaKocheren Souabe, la
rivière d’Aiicéquéra sur-les confins du royaume de
Grenade , sortent du sol comme la Touvre , des
rivières toutes formées, avant qu’aucun tribut leur 1
soir porté par des affluens latéraux. Il est probable
que de telles rivières ont reçu souterrainement les
tributs qui les alimentent, comme elles les eussent
recueillis en circulant à la surface du sol j on con-
noîc plusieurs exemples d’autres rivières cachées
sous le so l, s’écoulant dans l’obscurité, et qui
menacent souvent les travaux des mineurs.
§. II. Des eaux mortes ou stagnantes.
Ayant précédemment dit un mot sur les lacs,
et renvoyé à ce qu’on en trouve dans le Dictionnaire
encyclopédique, on sent que nous ne les
comprenons point ici parmi les eaux sans cours
qui sont, à la surface du Globe, les marais et
les mares, choses qu’en Géographie physique on
doit se garder de confondre. Les lacs ont leurs cou-
rans, soit que des fleuves et des rivières les alimentent
en les traversant, soit qu’ils absorbent des
cours d’eau qui n’en sortent pas. Ils sont des Cas-
piennes d’eau douce j cette définition doit être;
toujours présente, s ij’on veut faire la distinction
d’une étendue marécageuse et d’un lac.
t DES .MARAIS.
Nous définirons les marais : tout espace de terrain
que délayent des eaux sans cours. Une botanique
particulière les caractérise } il est dans les diverses
classes du règne végétal des espèces qui sont
propres aux marais, depuis les arbres les plus élevés j
jusqu’aux mousses lés plus humbles : on les nomme
palustres. Les champignons y sont cependant extrêmement
rares : cette végétation des marais
est en général pompeuse et d’un aspect frais et
verdoyant } elle frappe surtout par son éclat et sa
richesse, lorsque les marais s’étendent le long
d’un sol que revêt une végétation telle que
celle de nos Landes aquitamques, courte, rigide, I
luisante, formée d’arbustes ou de pins.
Les marais écendus sur de vastes surfaces de pays
DES
CARTES. . 59
indiquent le fond de quelquancien lac, ou d’une
Mer intérieure dont les eaux avoient nourri des
plantes inondées jusqu’à l’époque où le détritus
de ces plantes ayant formé une vase substantielle
jusqu’au voisinage de la surface , produisit dés
Scirpes , des Roseaux , des Méniânthes, des Ne nu-
fars', dont les racines ou les tiges ajoutèrent,
par leur destruction, à la consistance du sol. A
fees plantes succèdent quelques Ombellifères, des
Lysimaques, des Salicaires, de Prêles, plusieurs
Fougères, des Laiches, des Massettes, qui veulent
un peu moins d’inondation , et enfin, quand
Iles débris de ces plantes mortes ont porté le
'terrain au niveau de la surface , des eaux absorbées
, des arbustes dont la plupart sont fort
élégans, tels que -les Miricas , des Andromèdes,
|des Airelles, des Lédums, des Kalmies, vien-
Inent ajouter , par l’en t r e -cr oise m en t de leurs ra- ;
icines prodigieusement divisées, un élément de
; plus au terrain qui bientôt supportera de profondes
[forêts. • • , . '■
I Les marais ont aussi une zoologie qui leur :
lest propre} des vers y sillonnant la vase, attirent
[des oiseaux dont les formes sont appropriées à la
»nature des lieux où ils se peuvent nourrir. Ainsi,
lia plupart (Échassiers ) sont perchés sur de longues
pattes que terminent des doigts considérables et
r ouverts , de façon à couvrir une telle surface du
terrain amolli, que l’animal ne puisse s’y enfoncer.
Le bec des Echassiers, au contraire, sera propre
là pénétrer dans la boue j pointu et généralement
S grêle, il n’a pas besoin d’être fort dur: aussi
i beaucoup d’oiseaux de . marais ont le bec flexible
»comme du cuir ; plusieurs n’introduisent pas seu-
: le me ne cet o rgane dans la vase où se cache
I leur proie, ils y enfoncent encore tout le cou
pour parvenir à de plus grandes profondeurs, et
| alors cette partie finit par se dépouiller de plumes.
|; L ’entrelacement des racines produit, souvent
| comme des îles flottantes a la surface d’étangs
I prêts, à se métamorphoser en terrains humides }
1 d'autres fois il compose sur des espaces consi-
1 durables un sol mouvant.
L On trouve des marais partout } mais lors-
I qu’ils sont peu érendus, ex. qu’ils ne doivent leur
» existence qu’à la présence de quelques ruisseaux
» dont le cours se ralentit, on les appelle simple-
i inent marécages. Un des marais les plus curieux
I de ce gehte, est celui de quatre à cinq lieues d’é-
1 tendue qu’on observe au milieu de la Manche •
;j l’une des provinces centrales de l’Espagne, très-
I élevée au dessus du niveau de la Mer. Il est formé ,
I comme on l’a vu plus haut (pag. 57 ), par la dispa-
rition d’un cours d’eau considérable sorti d’un chapelet
de lagunes dites de Ruidéra^ et qu’on regarde
comme l’origine du Guadiana. A l’autre extrémité
du marécage , jaillissent tout-à-coup plusieurs
grosses fontaines bouillonnantes, appelées
Ojos (yeux) dans le pays, et par où le fleuve
renaît déjà considérable.
Une lisière de marécages, d’un quart de lieue
à une lieue de largeur, borde les rives orientales
des étangs formés à la base des dunes mobiles
de np.s Landes aquitaniques, dans une longueur
de trente lieues-environ du nord au sud} tantôt
herbeuse, tantôt ombragée de petits bois d’aunes
et de saiiles, tantôt couverte de forêts de chênes}
cette région donne une idée fort exacte des vastes
marais donc se couvrent des contrées immenses
du reste de l’Univers. Elle mérite d’être étudiée
et visitée par un naturaliste 5 on y trouvera
encore bien des objets nouveaux pour la F-lore et
pour la Faune européenne.
Les régions riveraines du nord de l’Europe,
depuis Calais jusqu’au golfe de Finlande, dans la
Baltique, doivent être considérées comme un
séul et vaste marais qui s’étend dans la direction
du sud-ouest au nord-est, dans l’espace de près
de 30 degrés en longitude } les hauteurs calcaires
de la Belgique, du Cap Grinés à Maastricht, sur
la gauche de la Meuse ; celles qui, de la rive
opposée, par Fauquemont, Roldhuc, Stolberg,
Duren et Bonn , s’étendent jusqu’à la droite du
Rhin pour se ramifier un peu vers la Westphalie
septentrionale, en se liant ensuite au Hartz et aux
monts dè la Saxe , fixent les côtes primitives de l’ancienne
Mer du Nord, qui, plus récemment qu’on
ne le croit, couvrait encore ce qu’on nomme, à juste
titre, les Pays-Bas., la totalité des pays d’Oldenbourg
, du Hanovre et du Danemarck, le Mecklem-
bourg, la totalité des Marches brandebourgeoises,
les Poméranies, tour le'bassin de la Vistule et du
Niémen, la Livonie et l’Esthonie. Il suffit d’avoir
visité ces lieux pour être convaincu de cette vé-
ricé et l’on retrouve aisément jusqu’à la série non
interrompue des dunes de sable qui bordoient le
rivage d’alors. La totalité de ces contrées est basse
et marécageuse} ce n’est qu’a force de canaux et
de saignées que les hommes sont parvenus à les
rendre cultivables. Ils n’y ont pas réussi partout,
e t , à de grandes distances des rivages artificiels
construits à grands frais, ils ne sont pas toujours à
l’abri des retours d’un élément qui semble vouloir
reprendre l’espace dont il se laissa déposséder. Des
lacs sans nombre y demeurent comme monument
j de l’ancien règne de Nepcune, et comme ces lacs se