
Les premiers Reptiles des eaux , dont on trouve
les débris dans certaines couches du Globe, furent
de la plus grande taille. Le Monitor»de
Maastricht, pris par Faujas pour un Crocodile, et
les Gavials primitifs, surpassoient en longueur
les plus grands Crocodiles de nos jours. Les Plésiosaures
et les Ichtyosaures atteignoient presque à
la longueur des Baleines. Un Protée d’alors avoit
de telles proportions, que des sa vans du dernier
siècle en ont pris les restes pour ceux d’un contemporain
du patriarche Noé.
Nous ajouterons à ce paragraphe de notre Illustration
des cartes de la Géographie physique que
M. Desmarest avoit fait graver ( voye^ Pi. 8 ) ,
un plan de la roure que tiennent les Harengs dans
le nord de l’Océan atlantique. Ce qui en est tracé
n’est pas entièrement conforme à ce qu’en dit le
même savant au mot H a r en g du Dictionnaire,
mais n’en paroît pas moins être assez conforme
à ce qu’on sait des migrations de ces Poissons
, q u i, partant des régions du cercle polaire
arctique, à l’est de l’Islande, font le tour des
îles britanniques, débouchent dans la grande Mer
par la Manche et par le canal Saint-Georges,
pour passer au couchant de Madère , descendre
obliquement jusqu’au-dessous du vingtième degré,
tourner alors- vers l’ouest pour remonter en dehors
des Antilles le long des côtes de l’Amérique , et
pour revenir enfin à leur point de départ en longeant
le sud de Terre-Neuve.
§. V I . De la diminution des Mers.
Sur quelque point du Globe qu’on porte ses regards,
on aperçoit des traces irréfragables de l’antique
séjour des eaux. Aux cimes sourcilleuses des
Pyrénées, des Alpes et du Caucase, dans l’ancien
Monde, sur celles des plus hautes Cordillières, dans
le nouveau, existent des bancs coquilliers ou d’autres
débris d’animaux marins. Frappés* d’étonnement
à la vue de . telles reliques d’un Océan qui
dut tout recouvrir, les hommes qui, lés premiers,
y devinrent attentifs , imaginèrent de grands cata-
clismes pour expliquer leur transport sur les mon-
tagnes. L ’usage d’appeler au secours de notre ignorance
quelqu’intervention surnaturelle pour expliquer
le fait, s’est perpétué depuis les âges primitifs
jusqu’à nos jours ; il n’est pas un livre, entre ceux
même où la possibilité de changemens à vue, dignes
de l’Opéra, se trouve justement vouée-au ridicule;
où, néanmoins, les mots de déluge Universel, de
grandes révolutions physiques, et de eataclismes,
ne soient parfois employés comme argumens. Ilsçroit
temps, cependant , de faire disparoitre toutes
suppositions gratuites du langage réservé , qui seul
convient dans la science : il est incontestablement
arrivé à la surface du Globe des brisemens de
terre, des irruptions de mer, des ruptures de*lacs,
des débordemens de fleuves, des écartemens de
montagnes, des engloutissement et des formations
d’îles volcaniques, des écroulemens de rochers,
et jusqu’à des bouleversemens qui purent changer
les rapports qu’avoient entr’elles de vastes régions
continentales j mais ces catastrophes toutes locales,
prodigieuses par rapport à notre petitesse microscopique
dans l’immensité de l’Univers, n’y ont pas
opéré de subversion totale. La destruction de la
grande Atlantique elle-même, à laquelle nous
croyons fermement, ne fut pas, sur le Globe, un
événement proportionnellement plus important
que ne le seroit à la surface de l’Europe, ou dans
les forêts marécageuses du Canada, la destruction
d’une fourmilière ou d’une cité de Castors. Lorsque
le détroit de Gibraltar se forma, quand rAngle-
rerre se sépara du continent, si quelques cabanes
d’Atlantes ou de Celtes s’élevoient sur les-portions
de terre qu’entraînoient les flots , -le petit nombre
d’habirans qui purent échapper au désastre ne manquèrent
pas de croire à quelque perturbation survenue
dans l’ordre de la Nature : ils attribuèrent
au courroux des dieux l’épouvantable destruction
de leur patrie; ils se soumirent à .des expiations,
élevèrent des autels dans l’espoir d’appaiser le C ie l,
au nom duquel leurs prêtres ne manquoient pas
de promettre que de semblables malheurs ne se
renouvelleroient pas , tant que les peuples s'abandonneraient
aveuglément aux volontés d’en haut,
qu ils sé réservoient de transmettre et d’interpréter.
Cependant des déchiremens pareils, ou même
plus dévastateurs, ont eu lieu en mille autres points
du Globe.; mais selon queje théâtre de ces -évé-
nemens étoit ou non peuplé, ils demeuroient
ignores, ou bien l’histoire en perpétuaje souvenir. Il
seroit facile de remonter à la source de chaque tradition
de déluge en examinant l’état physique des
lieux que ces prétendus déluges durent noyer. Ou
verra dans cet ouvrage sur quel point de l’Afrique
se reconnoissent les traces du déluge dont il est fait
mention .dans les anciens livres des hommes d’espèce
arabique ( voyc{ RACES ü’HOMMES au Dictionnaire
). Les autres déluges dont parle l’histoire
profane eurent probablement lieu lors de l’irruption
delà Mer-Noire dans la Propontide, et de
celle-ci dans la Méditerranée proprement dite , à
travers la contrée qui s’entr’ouvrit de toutes parcs
pour devenir lrt Mer-Egée, -
: L ’usage d’expliquer par des déluges universels le
séjour des flots au-dessus des plus hautes montagnes
étoit bien digne de l’esprit grossier des
temps primitifs, où des hommes abrutis par la
superstition s’en pouvoient seuls contenter. Mais
on a peine à concevoir comment on y revient
encore aujourd’hui, En admettant qu une cause
subite eut pu ajouter à la masse des mers une
quantité d’eau suffisante pour que Iss plus hautes
montagnes en fussent recouvertes, et qu’une si
grande inondation eût disparu assez promptement
pour que Deucalion et Pyrrha, par
exemple, échappés miraculeusement au désastre,
aient eu le temps de repeupler la Terre telle
qu’elle est, on seroit toujours dans l’impossibilité
de rendr.e raison d’une multitude de faits
géologiques dont l’examen prouve que beaucoup
de calme et des ,milliers de siècles furent nécessaires
pour façonner, sous les eaux, la croûte du
Globe où nous vivons. Dans ces amas de pétrifications,
qui n’ont pu se former qu’au sein
des mers primitives, et qui sont si élevés au-
dessus des mers actuelles, on n’observe rien dont
la répétition n’ait lieu dans les amas analogues
que nous voyons se former maintenant sur nos
rivages ou dans les profondeurs océaniques. Des
Polypiers pierreux et des coquilles se superpo-
soient alors, une génération couvrant de ses débris
les débris, d’une génération précédente , et
ainsi de suite, en formant des couches régulières
mêlées* tout au plus avec d’autres couches de sédi-
mens paisiblement déposées et généralement parallèles
, entr’elles, toutes les fois, que des causes
locales ne venoienc pas déranger l’ordre naturel.
Les bancs calcaires, pénétrés de débris jadis animés,
aux plus grandes élévations où les naturalistes
en aient observé, ne présentent-ils pas absolument
la même physionomie que les falaises de
nos bords, ou que les récifs q u i, dans les parties
chaudes de l’Océan Pacifique, s’élèvent journellement
et ne tarderont pas à fournir des supplé-
jnens à la Terre ?
^ Reaumur, observateur ingénieux autant que
circonspect, remarqua le premier, dans certains
faluns, que si les coquilles dont ces faluns se
composent y eussent été brusquement accumulées
, on les trouveroit toutes .entassées confusément
et sans ordre ; ce qui n’arrive pas, puisque la plupart
sont placées dans la position où elles durent
vivre et mourir par le seul effet de fa^e. Cette
découverte fut des plus fécondes, et les naturalistes
que n’enchaînioit aucun préjugé, commencèrent
a distinguer dès-lors dans les prétendus monumens
de confusion qu’on disoit dater d’un cataclisme assez
récent, l’effet des siècles et du repos ; ils y virent
surtout les preuves de çet ordre inaltérable établi
dans le vaste ensemble de la Nature, où le temps,
qui manque sans cesse à l'accomplissement de nos
oeuvres, demeure éternellement à la disposition
de la puissance créatrice, laquelle n’éprouva jamais
la triste nécessité de compter avec cet agent,
pour changer, modifier ou consolider le produit
de ses conceptions*
Ainsi , nul cataclisme universel ne put, de mémoire
d’homme, bouleverser la surface entière du
Globe, et si les méticuleux trouvoient que cette
assercion porte en soi quelque témérité, nous leur
répondrions que l’Hi-stoire du déluge universel dans
les livres sacrés, ne concerne qu’une partie de la
Terre, celle qui s’étend vers l’Abyssinie et le détroit
de Babelmandel j er ce seroit dans ces livres
mêmes que nous trouverions les preuves irréfragables
du séjour primitif des mers autour du Globe
entier. Les Pères de l’Eglise les y ont reconnues
ces preuves;, en nous pourrions appeler à l’aide de
notre opinion S. Jean Damascène, S. Ambroise,.
S. Basile-, et lé grand S. Augustin- particulièrement.
L ’ESPRIT de D ieu, abstraction sacrée qu’on
peut ici traduire par sa VOLONTÉ CRÉATRICE,,
se mouvoir alors à la surface des eaux, et rien ne
sauroit être plus conforme à ce qui résulta de son
mouvement impulsif dans la création, que cette-
RÉVÉLATION précieuse.
Mais que sont devenues- les eaux environ-'
nantes, ont demandé les incrédules ? Quelques-
auteurs ont imaginé , pour leur répondre, qu’ilf
s étoit tout-à-coup formé de profondes cavernes-
dans le sein de la terre pour en engloutir la surabondance;
d’autres ont eu- recours à>l’évaporation..
Van-Helmont, que ses contemporains ne eompre-
noient pas, et qu’ils regardèrent comme un extravagant,
parce que son génie le rendoit déjà, contemporain
d’un siècle plus éclairé, "Van-Helmont
entrevit le pourquoi de cette diminution
des eaux que les docteurs expliquoient par des
impossibilités; il en trouva les causes dans une
sorte de décomposition chimique, et l’immortel
Newton adopta les. idées du savant Belge,
puisqu’il pensoit « que les parties solides de la
Terre s’accroissent sans cesse, tandis que ses parties
fluides diminuent journellement, et qu’elles
disparoîrronc enfin totalement du Globe terrestre,
comme elles semblent avoir disparu du
Globe lunaire, où n’existe plus même d’atmosphère
dans le genre du hôcre, c’est-à-dire composé
de fluides vaporisés.. » D ’où ces petits Ru